"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Si vous vous penchez sur un groupe de Metal finlandais chantant en finnois, vous aurez une très forte probabilité de croiser le mot « kuolema ». Tout simplement parce que c’est le mot finnois pour « mort », un thème cher au Metal tout comme Satan et la bière. Dans le domaine du Doom/Death on croise aussi « mourn » à toutes les sauces, mais dans cette catégorie nous avons affaire aujourd’hui à un groupe du nom de Kaunis Kuolematon. Il y a encore du « kuolema » donc, pas autant que chez Ajattara cependant et d’ailleurs, plus ironiquement, Kaunis Kuolematon veut dire « bel immortel ». Un immortel formé en 2012 par des membres participant ou ayant participé à End Of Aeon, Sinamore (et Halflife avant lui), Tomb Of Finland, RoutaSielu ou encore Red Moon Architect entre autres. Bref, nous avons affaire à une bonne partie de la crème du Metal finlandais, dans son versant le plus mélancolique bien entendu. Après un EP éponyme, le groupe débarque chez Violent Journey Records en 2014 pour leur premier full-length, Kylmä Kaunis Maailma. Sans surprise, nous avons affaire à du Doom/Death mélodique typiquement scandinave, entre riffs modernes et moments épiques, entre lourdeur et mélodie, entre growls profonds et chant clair (en finnois). Rien de surprenant mais ce premier opus était sacrément réussi, avec quelques hits comme le bien pesant "Pimeyden Valtakunta", les mordants "Itsestään Kuollut" et "Kuolematon" ou les épiques "Kivisydän" et "En Ole Mitään". Un album qui couronnait déjà un groupe trop méconnu, modèle de la scène Doom/Death moderne finlandaise. 3 ans plus tard, il est grand temps de confirmer tout ça avec un second album au nom plus facile à prononcer et à retenir, Vapaus.
Ce qui est bien avec ce genre de groupe moderne, c’est qu’il ne sacrifie jamais l’efficacité au nom de la mélancolie, et est donc capable de sortir les riffs bien lourds et tranchants quand c’est nécessaire. Après l’intro plutôt douce "Alkusanat", "Eloton" nous montre déjà les capacités de Kaunis Kuolematon à l’aide de compos assez monumentales, qui mettent déjà en valeur le growl bien puissant de Olli Saakeli Suvanto. On respire tout de même grâce à un break à chant féminin, qui prouve quand même qu’il y aura de l’émotion dans cet album, mais Kaunis Kuolematon est d’ores et déjà très inspiré en termes de riffs Metal, nous offrant d’ailleurs ensuite de bonnes compos plus Mélodeath. Naviguant entre ses contrastes, entre claviers épiques et growls caverneux, le groupe finlandais est en forme et va donner un digne successeur à Kylmä Kaunis Maailma. Le très moderne "Hurskas", qui lorgne même du côté d’un In Mourning, le prouve déjà, avec classe et efficacité, et aussi inventivité avec notamment quelques sonorités originales comme ce break limite « méditerranéen ». Et surtout, le growl est encore une fois tout à fait excellent, bien rauque comme il faut. Vapaus continue donc dans la lignée de son déjà très bon prédécesseur, voire même un peu trop quand on frôle la redite si ce n’est l’auto-repompe à certains moments : le départ de "Tuhottu Elämä" est strictement le même que celui de "Kivisydän", c’est peu ou prou la même chose pour "Ikuinen Ikävä" et "Itsestään Kuollut" avant lui, mais ces deux morceaux sont également de qualité aussi on pardonne aisément à Kaunis Kuolematon ces petites facilités et baisses d’inspirations. Surtout que le reste de Vapaus demeure plutôt grandiose.
Kaunis Kuolematon en bon groupe de Metal mélancolique à la base, aère donc régulièrement son propos et notamment pour un "Yksin" très porté sur les mélodies et l’atmosphère, ce qui laisse l’occasion au chanteur clair Mikko Heikkilä de se mettre en valeur. Idem pour le très complet "Ikaros" où les mélodies sont magnifiques, notamment lors de nouveaux passages Mélodeath qui font mouche, un excellent morceau suivi du non moins excellent "Arvet" qui nous refait le coup des compos majestueuses comme pour "Eloton". La boucle est bouclée et les 42 minutes de Vapaus se terminent avec le final très lumineux et épique qu’est "Sanat Jotka Jäivät Sanomatta". Vapaus reprend certes à la lettre tous les codes de Kylmä Kaunis Maailma, l’essai n’est donc pas vraiment transformé car le groupe peut aller encore plus loin, mais Vapaus sonne tout de même comme une première confirmation pour Kaunis Kuolematon, qui a ainsi fait le plus gros du travail. Dommage pour ces emprunts trop voyants par rapport au premier opus, et aussi pour la sonorisation un peu moins bonne, mais Vapaus est un album qui demeure inspiré, efficace et enivrant pour le genre, remplissant le contrat stylistique. Tout comme son prédécesseur, Vapaus est donc un bon petit modèle de Doom/Death mélodique scandinave, bardé de compos modernes bien percutantes, porté par un growleur en forme et par de belles mélodies et autres envolées épiques. Sorti en quasi-autoproduction voire même dans un certain anonymat pour ceux qui ne s’étaient pas penché sur le groupe auparavant, ce second album de Kaunis Kuolematon est très réussi, dépasse même celui sorti tout récemment de leurs compatriotes de Red Moon Architect, et est presque indispensable pour tout amateur de Metal mélancolique finlandais avec un soupçon bienvenu d’efficacité et de modernité.
Tracklist de Vapaus :
1. Alkusanat (1:42)
2. Eloton (4:50)
3. Hurskas (5:17)
4. Yksin (5:31)
5. Tuhottu Elämä (6:12)
6. Ikuinen Ikävä (4:30)
7. Ikaros (4:14)
8. Arvet (4:44)
9. Sanat Jotka Jäivät Sanomatta (4:57)