Non.
Si vous avez déjà vu le nom de Jurgis, il y a de grandes chances pour que ce ne soit pas principalement pour sa participation au projet Sanatana. En effet, cet Ukrainien est bien plus connu et reconnu pour avoir joué dans Nokturnal Mortum ou bien Khors, deux groupes de Black teintés de folklore, à différents degrés. « Brahmavidya » est le premier essai de Sanatana, sorti début 2017, où Jurgis s’associe à son épouse ainsi qu’à d’autres musiciens, afin de proposer un double album, où les deux facettes se complètent, l’une Metal et l’autre pas du tout.
« Brahma », première partie de cet ensemble, relève d’un style appelé Vedic Metal. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’une étiquette qui concerne tout groupe - Metal, en l’occurrence - dont le thème et les sonorités se rapportent à une période historique de l’Inde, celle où les plus anciennes écritures de l’hindouisme sont nées. Il s’agit donc de tout ce qui est relié à ces rites, ces hymnes, ces croyances, ces traditions, et plus globalement d’une forme de civilisation entière. A savoir qu’aujourd’hui, l’étiquette est un peu utilisée à tout bout de champ pour un groupe de Folk Metal aux sonorités anciennes qui place son intrigue en Asie.
Cependant, Sanatana joue réellement le jeu jusqu’au bout. J’ai beau ne pas être friande de groupes de Folk Metal, j’aime lorsque les intentions sont louables, et c’est le cas ici. Si l’ensemble est composé de manière à être mystique, hypnotique et à sonner comme un hymne oublié des temps anciens, cela n’est pas leur seul atout. Pour commencer, leur nom vient de Sanatana Dharma, qui est le véritable nom de ce qu’on appelle l’hindouisme. Les textes sont en sanskrit, et proviennent des écritures védiques, notamment les Upanishad qui forment la base philosophique de la religion hindoue. Les instruments choisis, autres que ceux de la formation habituelle d’un groupe de Metal, sont d’authentiques instruments provenant de cultures anciennes, des percussions (derbouka principalement) au sitar indien, en passant par le duduk (instrument à vent arménien) et le bansuri (une flûte traversière indienne).
La seconde partie, « Vidya », m’a bien plus envoûtée. Entièrement acoustique, qualifiée de New Age par le groupe, elle est selon moi bien plus immersive. La volonté originelle du groupe, de proposer une musique aux sonorités exotiques et anciennes, y est d’autant plus crédible. Des titres comme « Maya » ou « Yuga Dharma » sont de véritables coups de cœur pour moi, bien que je puisse citer tout l’album « Vidya » tant il s’agit d’un flot continu d’ondulations colorées, sonores et visuelles. Etant danseuse de tribal fusion, il faut avouer que cela stimule et propose un excellent support pour moi, il s’agit d’ailleurs du style dansé dans le superbe clip réalisé pour « Maya », l’un des premiers titres proposés par Sanatana. Les parallèles sont d’ailleurs nombreux entre le style de danse cité et la musique proposée sur « Vidya », à la recherche de racines anciennes, de mysticisme et de croisements de chemins.
Autant dire que j’ai bien moins apprécié « Brahma ». C’est le risque lorsqu’on propose un double album aux facettes à la fois complémentaires et opposées. Néanmoins, je ne rejette pas tout en bloc. Sanatana a l’avantage de ne pas proposer un Folk trop "pouet pouet", la composition est mélodieuse mais loin d’être fade, et apporte quelques petites pointes d’originalité dans un ensemble qui aurait facilement pu ressembler à un autre. Je pense à la boucle finale de « Mukti », sans chant, très prenante, à laquelle s’ajoute de la derbouka qui vient relever le tout. Cela faisait bien longtemps que je trouvais dommage de ne pas plus utiliser cet instrument à percussion, à l’intérieur même des titres aux sonorités orientales, et non seulement en interlude ou à part, comme beaucoup de groupes le font actuellement.
Soyons honnêtes, c’est clairement bien fait. Je pourrais également citer les chœurs de fin sur « Shiva » qui redonnent du punch à l’ensemble. Les détails remarquables sont épars, mais on ressort de l’écoute avec un sentiment agréable. De là à dire que « Brahma » révolutionne le Folk Metal, non. Et je ne le réécouterai sans doute pas souvent de moi-même. Mais les deux albums se relient bien sur une chose : le groupe semble vouloir nous transmettre une lumière. Que celle-ci soit philosophique, musicale, éphémère ou non, ou bien même tout cela à la fois, à chacun d’y voir l’éclat qu’il y recherche.
Brahma
1. Ugra
2. Mukti
3. Through Punishment
4. Black Mother Earth
5. Meditation
6. Consecration
7. Shiva
8. Thunder Cloud
Vidya
1. Pranama
2. Maya
3. Guru
4. Sadhana
5. Narayana
6. Jyoti
7. Yuga Dharma
8. Brahma Samhita