Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Avec Ville Morgue, premier album sorti en 2013, Carne avait cogné très fort d'entrée de jeu. Dense, poisseux et couleur noir bitume, ce premier méfait montrait déjà une belle maturité tant au niveau du son que des compos. C'est donc avec une impatience certaine que je guettais la suite.
Et la suite s'appelle Modern Rituals. Ce nouvel l'album s'inscrit dans la droite ligne de son aîné : une belle déferlante de Noise crasseuse, massive et étouffante à souhait. C'est par un roulement de toms envahi de grésillements que l'on entre dans ce nouvel album, intro chaotique et nerveuse qui débouche sur un premier riff tout en puissance. Le chant est toujours aussi empli de haine et de dégoût. Le son, déjà très bon sur Ville Morgue, est ici encore plus ronflant et dévastateur : signée Amaury Sauvé, cette production n'est que plus implacable. On pense forcément aux grands patrons Unsane pour tout ce qui est larsen traînant et autres nuisances sonores bien senties. Mais Carne n'est pas dans la filiation directe avec les New Yorkais : une composante Sludge indéniable s'insère dans les compos. Prenez Inked Mask (ou la première partie de Cloak, ça fonctionne également), sa lourdeur et son riffing dégueulant, et vous êtes en plein milieu d'un truc qui pue le bayou urbain. Ou un bon marécage bitumineux si vous préférez, comme vous le sentez.
Je le disais plus haut, Modern Rituals est dans la lignée de son prédécesseur, mais il en n'est pas la copie conforme pour autant. Ville Morgue proposait quelque chose d'un peu étiré et progressif ; Modern Rituals va, la plupart du temps, taper directement là où ça fait mal. Les morceaux sont un peu plus courts en moyenne, et Carne s'est un peu débarrassé de moments plus flottants pour garder plus de munitions gros calibres. On a donc un album plus direct et plus efficace, en un sens plus oppressant. Collective Dictatorship ou la doublette d'entrée sont de pures mandales taillées pour déchausser des incisives, de même que Bad Tooth, bien que ce dernier titre garde un pont bien noisy à base de larsen cradingue qui laisse reprendre un peu d'air (putride, bien sûr).
Si sur la plupart des morceaux, Carne s'est orienté vers quelque chose de plus immédiat, le duo Lyonnais a su garder une approche plus alambiquée sur un titre : The End Of Us. Déjà présente sur Ville Morgue, Marion Leclercq (Mütterlein, Overmars) revient poser sa voix difficilement cernable sur ce nouvel album, et c'est sur The End Of Us qu'elle fait sa première apparition (la seconde vient sur Lord Less, parfait morceau de clôture). The End Of Us, c'est donc sept minutes de pure langueur dépressive portée par ce chant féminin terriblement prenant et dérangeant, sept minutes où la guitare s'étiole en diverses couches grinçantes, sept minutes plus posées, mais loin d'être plus apaisées.
Vous l'aurez compris, Carne ne fait pas dans l'optimisme et la bonne humeur. Si la pochette pouvait donner à penser quelque chose d'un peu moins asphyxiant que Ville Morgue, il n'en est rien : Modern Rituals est au moins aussi rugueux et sale que son grand frère. Et ce n'est pas un reproche. En prenant le parti de rendre ses compositions un poil plus directes, tout en gardant ce qu'il faut de méandres sombres, Carne signe un deuxième album complètement réussi et cohérent. Voilà qui donne encore envie d'une nouvelle suite.
Tracklist de Modern Rituals :
01.White Flag
02.Inked Mask
03.Bad Tooth
04.The End Of Us
05.Cloak
06.Collective Dictatorship
07.Northern Light
08.Lord Less