"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Season of Mist est toujours à la recherche de belles perles et n’hésite pas à donner sa chance à des groupes naissants et déjà talentueux. Et en cette année 2016, le label marseillais a décidé de mettre en avant un genre florissant mais parfois galvaudé, le Post-Black Metal. Quitte à aller chercher ces formations en devenir au bout du monde. Après les Canadiens de Numenorean, qui ont finalement plus fait parler d’eux pour la pochette glauque de leur album Home que leur musique, voici les Australiens de Départe, avec un é. Australiens mais avant tout Tasmaniens, là où le Diable vit et où des formations bien obscures résident parfois. De l’isolement nait la noirceur et Départe ne va pas déroger à la règle. Le quartet formé entre autres par des membres de Separatist existe depuis 2012 et avait d’abord officié un an sous le nom Ørannis. Une démo en 2014 et voilà le master de Failure, Subside qui traverse les océans et les continents pour arriver jusqu’à chez nous. Pour un énième disque de Post-Black bien rose bonbon ? Déjà, il n’y pas de casquette à l’horizon, et Départe va vite se plonger dans le noir quand bien même leurs membres ont évolué dans des formations donnant dans le Death-Metal moderne (de manière large). Pour une révélation en matière de Post-Black à trémolos ? Pourquoi pas car Départe a des arguments…
Hors intro/interlude, Failure, Subside nous présente 5 vrais morceaux allongeant de près de 7 à plus de 11 minutes. On est en plein dans un Post-Black qui préfère prendre son temps plutôt que de balancer les riffs tranchants, tout ici ne sera que montées épiques avec trémolos et écarts de voix à l’appui, entre deux moments plus atmosphériques et intimes. Nanti d’une excellente production pour le style, Départe pose son univers avec l’intro "Seas of Glass" qui pose l’ambiance crépusculaire de Failure, Subside. Entre arpèges et dissonances, accompagnés de quelques riffs plus appuyés et des blasts savamment placés, Départe déroule 50 minutes d’un Post-Black peu surprenant mais maîtrisé et de qualité. Les influences peuvent être nombreuses, je pense autant à un Ulcerate période The Destroyers Of All qu’à un (feu-)Secrets Of The Sky, qui seraient tous les deux restés très Black-Metal dans l’esprit, et un TotalSelfHatred et son DSBM ambitieux n’est jamais loin. Enfin, en creusant on peut trouver beaucoup de noms et de comparaisons, le style de Départe n’est certes pas éminemment original mais demeure assez passionnant grâce à une faculté d’emporter son monde avec une poignée de trémolos prenants en diable (de Tasmanie). Ajoutez à ça un chanteur tout à fait inspiré que ça soit dans un registre hurlé, plus grave et dur, mais aussi clair, et vous tenez en Failure, Subside une jolie œuvre de Post-Black qui fait partie des acquisitions à faire dans le genre cette année.
Ce premier album est toutefois assez linéaire et tout est à chaque fois basé sur ces mid-tempos pesants épicés par des soubresauts blastés, blindés d’envolées de trémolos et de breaks dissonants et inquiétants. Dur et atmosphérique, noir et enivrant, Failure, Subside sonne comme un modèle du genre, et il ne manque qu’un soupçon de personnalité pour en faire plus qu’un album sympathique de Post-Black dans l’absolu. Rien n’est cependant à jeter, du départ déjà saisissant avec "Ashes in Bloom" et ses superbes chants clairs jusqu’à l’épique et complet "Vessel" de clôture, en passant par le très intense "Wither" (avec encore du délicieux chant clair), l’excellent "Grief Echoes (Golden Scars)" inspiré de bout en bout, et le très sombre "Vessel" aux chants extrêmes monumentaux. Failure, Subside contient tout ce qu’on attend d’un disque de Post-Black, entre ses guitares mélodiques omniprésentes et ses explosions émotionnelles, et ses chants à la fois déchirants et emplis de spleen. Certes, cela ne suffit pas encore pour en faire un vrai album de référence mais en termes de démonstration des capacités de Départe, Failure, Subside se pose bien. Un très bon « premier album » au final, qui évite certains clichés du genre sans non plus être hyper trve, et qui capitalise bien sur de nombreuses influences bien qu’il ne parvient pas encore à s’en détacher significativement. Mais voilà, Season of Mist a bien eu le nez creux concernant les Tasmaniens et une fois qu’on aura passé le stade de la confirmation, Départe pourra passer le cap qui sépare la formation sympathique en son genre d’une véritable révélation de Post-Black Metal.
Tracklist de Failure, Subside :
1. Seas of Glass (3:36)
2. Ashes in Bloom (9:19)
3. Wither (10:08)
4. Grief Echoes (Golden Scars) (7:48)
5. Mara's Choir (1:47)
6. Vessel (6:48)
7. Ruin (11:11)