"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
qip s’écrit en minuscules pour mieux créer un effet de symétrie entre le q et le p dans le logo. Un peu à la manière de Progenie Terrestre Pura qui peut aussi se présenter sous la forme qtp. Ce détail futile étant décrit, on peut tout de suite passer à la musique derrière ce projet. Projet car un seul homme est derrière qip, il s’agit du polonais Maciek Pasinski, qui vit désormais à Belfast en Irlande du Nord, et fut autrefois membre du groupe de Gothic-Death-Doom Sirrah. Même si Arachnophobia Records met bien en avant l’ancienne formation de Maciek pour la promotion de qip, elle m’était parfaitement inconnue et je pense ne pas être le seul dans ce cas. Toujours est-il qu’après 16 ans (!) d’inactivité dans le Metal (Did Tomorrow Come…, le dernier full-length de Sirrah, est sorti en 1997) juste coupés par l’étrange projet TheMANcalledTEA, Maciek a fondé qip en 2013 pour une musique qui va franchement trancher avec ce que proposait Sirrah. Après une longue genèse, On Ephemeral Substrates débarque en octobre 2015 sous forme d’autoproduction digitale. Un an plus tard, Arachnophobia Records récupère le bébé pour une sortie au format CD digipack. Le tout pour un projet qui va sonner comme une belle découverte voire une révélation dans un domaine particulier, celui mêlant Metal extrême et Metal Indus. Les groupes de Black-Indus sont certes légion, mais en bon projet d’origine polonaise, qip a lui choisi de pencher vers le Death. Mieux encore, qip revendique faire du « Cinematic Industrial Death Metal ». Un beau programme d’une heure pour un album tout à fait excellent.
Le Death-Metal Indus, le vrai, n’est pas courant même si des formations comme The Amenta, Tristwood ou Art 238 ont su se faire remarquer. qip vient leur damer le pion avec ses propres compos et atmosphères, et surtout sa personnalité, cinématique de par les nombreux samples et moments d’ambiance. Pas aussi cauchemardesque qu’un The Axis Of Perdition, qip sait néanmoins poser un souffle apocalyptique. Mieux encore, le projet polono-nord-irlandais se permet même d’être à ce jour la formation musicale la plus proche de ce qu’a été la légende V:28. Le côté apocalyptique joue beaucoup de même que la voix souvent profonde et éructée de Maciek, mais le fait est là, et les prophètes norvégiens ont peut-être trouvé un potentiel successeur, 8 ans après leur split. qip a tout de même pour lui un aspect plus massif dans les pures compos Metal, le rapprochant il est vrai des 3 formations susnommées en début de paragraphe, mais le projet est déjà unique, dans sa faculté de marier tout ceci à de subtiles incursions électroniques et des samples bien placés. Un léger aspect blackisant se fait aussi sentir par moments, le rapprochant de groupes plus originaux de Black-Indus, comme Control Human Delete ou Gorgonea Prima, mais le classicisme d’un Aborym n’est jamais loin, voire même celui d’un Red Harvest qui doit bien faire partie des influences de Maciek. La base Death-Metal reste bien présente, et qip est un projet qui sait cogner tout autant qu’il nous emporte dans des scénarios futuristes, pessimistes et alarmistes. Le tout pour un On Ephemeral Substrates très enthousiasmant.
"Industrial Espionage" ne fait pas que nous plonger dans l’ambiance, il révèle aussi les capacités de qip pour faire du Death-Metal Indus très entraînant et accrocheur, aux instrumentations et incursions électroniques qui font mouche. Les compos purement Metal sont également simples et efficaces et la voix grave de Maciek englobe bien le tout. Metalliquement, On Ephemeral Substrates se veut percutant et le plus rentre-dedans "A Moral Nuance of Coding Stealth" est là pour le prouver, avec ses accélérations blastées de la mort. Mais qip se distingue aussi et toujours par sa composante électro variée et léchée, ici avec des breaks stellaires à la Pavillon Rouge. Sur ces bases débarquent l’impressionnant "Millennium Way", le tube de cet opus, à l’ambiance prenante et aux riffs acérés, et bénéficiant de la meilleure performance vocale de Maciek, qui s’offre un refrain imparable et un final plus électronique assez dantesque. Sur cette base électro, "Discarded Specimens" se pose comme l’autre hit de On Ephemeral Substrates, plus mélodique mais toujours accrocheur grâce à un bon refrain et des passages entraînants, le tout toujours emballé dans une atmosphère résolument futuriste et apocalyptique. Pour la suite de l’album, qip ne va d’ailleurs pas lésiner sur les ambiances, notamment pour le très électronique "Humanity+" qui n’hésite pas non plus à partir dans un riffing épique et salvateur, et le quasi-entièrement instrumental "Ergoregion", très puissant et libérateur. C’est là que l’on sent le potentiel V:28esque chez qip, peut-être dans une ambiance moins négative et où l’électro remplace le côté symphonique, mais l’apocalypse imminente est également au rendez-vous. On Ephemeral Substrates se conclut d’ailleurs par le très noir "This Place Is A Tomb", qui après une intro dronesque et sidérante, livre les compos les plus lourdes composées par qip pour une conclusion très abyssale.
On Ephemeral Substrates frôle le sans-faute si ce n’est qu’on ne retiendra pas forcément "Payback Ritual", plus classique et un peu mou voire anecdotique, rattrapé par les bons vocaux de Maciek et un joli final électro. Dans sa deuxième partie, On Ephemeral Substrates fait tout de même montre d’une remarquable cohérence, dans la continuité des atmosphères apocalyptiques, dommage que cela se fasse au prix d’une légère redondance hormis pour le plus couillu et blackisant "Teller-Ulam Configuration", qui évoque cette fois-ci le V:28 de "Shut It Down". Certes, réussir à reproduire le souffle apocalyptique si particulier de la trilogie des norvégiens est une gageure. Mais pour son premier album, qip a su démontrer un potentiel certain, dans une version autrement plus Death et percutante d’un Metal-Indus futuriste basé sur de l’électro et des samples. Et Maciek se permettant même de proposer de véritables hits aux compos efficaces et aux refrains accrocheurs, le contrat est largement rempli et On Ephemeral Substrates est bien un premier album très réussi, prometteur mais avec un art déjà presque abouti. S’il se concentre encore plus sur les atmosphères tout en continuant à balancer du Metal électronique inspiré accompagné d’excellents growls, qip a tout pour devenir un grand nom du Death-Metal Indus, aux côtés de The Amenta. En attendant, on remercie Arachnophobia Records pour s’être penché sur le projet polonais basé en Irlande du Nord et offrir une exposition physique à ce super album de qip « avec un Q minuscule ».
Tracklist de On Ephemeral Substrates :
1. Industrial Espionage (6:39)
2. A Moral Nuance of Coding Stealth (6:47)
3. Millennium Way (7:43)
4. Discarded Specimens (6:37)
5. Payback Ritual (6:48)
6. Humanity+ (5:28)
7. Ergoregion (6:41)
8. Teller-Ulam Configuration (4:09)
9. This Place Is a Tomb (8:17)