Cauchemar
Annick
Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
Cauchemar a sorti cet été son deuxième album, « Chapelle Ardente ». Après la chronique, place à l'interview de Annick Giroux, prêtresse au sein du quatuor québécois et véritable passionnée ! Son groupe sera de retour en Europe à partir du mois prochain...
Salut Annick. Merci d'avoir accepté cet entretien. "Chapelle ardente" est sorti il y a déjà quelques mois déjà. Êtes-vous satisfait, au sein du groupe, des retours jusqu'à maintenant ?
Annick : Salut Max!!! Merci à toi de nous avoir contactés! Notre nouvel album a été très bien reçu dans l’underground métal, et nous n’avons que du bon feedback. Nous avons travaillé fort sur chaque aspect du disque – les chansons, la production, les textes et le graphisme - et nous en sommes fiers, donc ça fait vraiment chaud au cœur de voir qu’il a été aussi bien accueilli. Mais le plus important, c’est qu’il reproduit parfaitement notre vision présente du groupe.
Depuis quand cet album était-il en préparation ? Comment l'avez-vous abordé?
Annick : Nous avons commencé l’écriture des chansons dès 2013. En fait, nous jouions déjà la chanson « Sepolta Viva » lors de notre dernière tournée européenne en 2014. Ça a pris deux ans pour écrire l’album. Comme tout groupe de Doom qui se respecte, nous écrivons lentement! Nous pouvons écrire des centaines de riffs avant que certains se marient naturellement pour donner des chansons. Nous sommes très exigeants envers nous-mêmes… mais ça a bien porté fruit. Nous voulions incorporer de nouveaux éléments à notre musique, tout en gardant de la pureté et de la simplicité.
Au niveau des textes, on retrouve "Étoile d'argent" dédié à la mémoire de Terry Jones (feu vocaliste de Pagan Altar). Le connaissais-tu personnellement ? L'inspiration est t-elle venue d'elle-même pour le texte ?
Annick : Terry Jones était mon ami. Je l’ai rencontré pour la première fois en 2007, quand Pagan Altar ont fait leur premier show lors de leur retour. C’était mon premier concert européen et ma première visite en Angleterre… Je suis tombée sous le charme. J’ai eu la chance de les inviter à Montréal en 2009 pour leur premier concert en Amérique du Nord. Le groupe a joué pendant 2h30, terminant avec l’album « Volume 1 » en entier, en robes cérémoniales, avec de l’encens de kyphi – un encens sacré que le groupe utilisait dans son jeune temps. Ce fut un concert magique… J’ai recroisé Terry et Alan en 2012 en Angleterre et nous sommes allés trinquer dans un pub en campagne. En 2013, j’ai revu Pagan Altar au Maryland Deathfest… C’était un superbe concert, mais j’ai eu comme un pressentiment, comme si je savais que c’était la dernière fois que j’aurais la chance de les voir. L’année suivante, quand nous avons joué à Londres avec Cauchemar en 2014, Alan m’a dit après le concert que Terry n’était pas venu nous voir car il combattait un cancer de la gorge. J’en étais bouleversée, mais je croyais pouvoir le revoir pour lui parler une dernière fois. Malheureusement, il est décédé un an après. J’ai souvent fait des rêves de Pagan Altar, haha. Ça sonne bizarre, mais c’était vraiment un groupe plus qu’important pour moi. Un des seuls groupes « vrais » et « magiques » qui existaient. Et Terry était pour moi un genre de mage. Un gentleman d’un temps ancien. Le texte a été écrit par François, et retravaillé par nous deux. Le texte n’est pas spécifiquement à propos de Terry, mais c’est son décès qui l’a inspiré. C’est à propos du trajet de l’âme entre la mort et peut-être une autre vie…
Avec le recul, êtes-vous satisfaits de "Tenebrario" ?
Annick : Oui, je suis encore satisfaite de Tenebrario. Le son est peut-être un peu cru, mais j’adore les chansons! Nous en jouons encore plusieurs en concert. Je trouve qu’il est un peu plus Doom que « Chapelle Ardente », et un peu plus accrocheur peut-être que celui-ci.
Le thème est toujours très sombre. T'inspires-tu de la littérature ? Et si oui, quels auteurs/livres ont tes faveurs ?
Annick : Nous nous basons beaucoup sur nos expériences, recherches, obsessions et lectures. Pour cet album, notre inspiration est venue beaucoup des rites funéraires bouddhistes tibétains et de l’Égypte ancienne, des poèmes d’Émile Nelligan (un poète canadien-français du 19e siècle), de nos expériences avec le deuil dans nos familles et parmi nos amis, de nos voyages, nos explorations, des échanges culturels…
Vous avez intégré un nouveau batteur (votre troisième depuis votre formation, malédiction ?), Xavier Berthiaume, peux-tu nous en dire quelques mots ?
Annick : Xavier est un ami de longue date. Il jouait de la batterie pour un seul groupe – Gevurah, et était au courant que nous commencions à avoir un peu de difficulté avec Tooth (le batteur avec qui nous avons fait une tournée en 2014). Tooth, malgré le fait que nous l’adorions, habitait New York, et ça commençait à devenir trop compliqué pour le groupe… Nous savions tous que pour évoluer, il fallait changer de situation. Xavier étant fan de la première heure du groupe, nous a dit qu’il serait intéressé de jouer avec nous, et il a intégré le groupe parfaitement. Il est motivé, passionné et nous avons beaucoup d’affinités.
Vous avez fait une tournée au Mexique récemment, que vois-tu comme différences dans les pays où tu as joué ?
Annick : Jouer au Mexique était une des meilleures expériences qu’on n’ait jamais eues. Le public là-bas a soif de métal. Les gens sont passionnés et complètement cinglés. Ça aidait aussi que trois d’entre nous parlent espagnol. Nous avons eu de la chance de jouer là-bas! Les shows les plus fous étaient à Mexico et Acapulco, et le plus bizarre, à Cancun (dans une pizzéria rock, haha!)
On a pu interviewer tes compatriotes de Forteresse récemment qui nous disaient ceci : "Y a beaucoup de projets qui poussent, mais le gros problème qu’on a au Québec, c’est le manque de salles pour promouvoir la chose. " Tu partages cet avis ?
Annick : Peut-être qu’ils voulaient dire à Québec, la ville? Car je sais qu’ils ont un gros problème de salle là-bas (toutes les salles de petite envergure ont fermé leurs portes dans la dernière année), mais à Montréal, ce n’est pas du tout le cas. Nous avons d’incroyables salles underground par ici. Je peux en compter facilement au moins 7-8. Peut-être aussi qu’ils parlaient pour le black métal? Car avec Cauchemar, nous n’avons jamais de problème à trouver une salle, localement.
D'ailleurs, l'année 2016, étant assez chargée pour toi, pas de Wings of Metal. Comment ça se passera pour 2017 ?
Annick : Ouais! 2016, c’était l’année de Cauchemar. Nous avons choisi de la passer à travailler l’album, et à organiser notre tournée nous-mêmes (c’est du travail, une tournée de 26 dates!). Wings of Metal prend un an à organiser. C’est presqu’un travail à temps plein. Je ne pouvais pas faire les deux en même temps. Je mijote donc un line-up incroyable pour septembre 2017… en espérant que mes plans machiavéliques fonctionnent!
Sinon, comment se porte le fanzinat à Montréal ? Vas-tu continuer Morbid Tales ?
Annick : J’ai mis de côté le fanzinat pour l’instant, malheureusement. Nous avons réalisé trois numéros du fanzine doom francophone LES TEMPLIERS, et MORBID TALES est en repos depuis 2009. Je travaille cependant sur le tome 2 d’un projet avec lequel tu es sûrement familier… héhé!
Tes coups de cœur en Heavy Français ? Si tu devais garder que TROIS vinyles ? Explique-nous pourquoi.
Annick : Oh wow, tu m’en poses une sacré question! J’adore Sortilège, H-Bomb, Blasphème, Attentat Rock (leur premier album surtout!), Vulcain, ADX, Shelder, Charter (je suis…. le fils des loouuups!), Soggy (même si c’est pas du heavy vraiment?), Der Kaiser, Killers et High Power sont dans mes tops. Mais les trois vinyles dans mes tops sont Vulcain – Rock’n’Roll Secours, H-Bomb – EP et Sortilège – Métamorphose. Des choix faciles mais indispensables. J’aurais rajouté Exécution d’ADX si j’avais pu, mais tu es trop sévère, haha!
Et concernant les groupes plus récents ?
Annick : En heavy? J’ai découvert récemment l’excellent groupe breton Herzel – leur démo « Unis dans la Gloire » est vraiment très bon! Il y a aussi Tentation (le ritueeel maléfiqueee), Electric Shock, Sanctuaire et Elvenstorm qui sont remarquables. Il y a plein de bons groupes dans d’autres styles aussi évidemment. Votre scène grouille vraiment de bons groupes ces temps-ci!
Y a-t-il des nouveaux groupes québécois ou canadiens que tu voudrais conseiller à nos lecteurs ?
Annick : Ici aussi, la scène est vraiment vivante. Il y en a pour tous les goûts. En heavy : Metalian, Spell et Starlight Ritual sont dans les tops. Il y a aussi Droid dans le thrash (un peu dans le style de Voivod), Chthe’ilist et Outre Tombe dans le death, Occult Burial, Tombeau et Gevurah dans le black. J’en oublie sûrement un tas…
À partir d'octobre, Cauchemar est de retour en Europe, avec pas moins de sept dates en France durant le mois de novembre. Que représente pour toi la France et le public français ?
Annick : On fait notre propre tour de Gaule, et plein de villes où on n’a jamais eu la chance de jouer! La France, c’est notre pays européen préféré pour jouer, et c’est là qu’on a les fans les plus fous et dédiés!!! On a vraiment de la chance de pouvoir y faire autant de concerts et de revoir et de trinquer avec mes amis là-bas! C’est aussi le pays de mes ancêtres et ça me fait toujours chaud au cœur d’y retourner. (Et la bouffe et le vin sont si bons!)
As-tu des anecdotes de tournées précédentes ? Des mauvais souvenirs ?
Annick : Argh, nous avons tellement d’anecdotes… je sais pas trop par où commencer. Il faudrait s’assoir ensemble avec une bière et en discuter haha. Je peux peut-être parler de notre dernière tournée, celle au Mexique? Le concert d’Acapulco en particulier fut quelque chose de complètement hors du commun. Il n’y a pas beaucoup de concerts de groupes de l’extérieur dans cette ville, et nous y avons joué un dimanche (quoi que le lendemain était férié). Alors, nous pensions que cette date allait être dans un petit club avec une scène toute petite et pas beaucoup de gens. Et bien, tout le contraire s’est passé… L’organisateur a une station de radio rock et a fait passer nos chansons à la radio pendant des mois. Résultat : tous les rockers de la ville sont sortis. La salle était un genre d’amphithéâtre gigantesque qui avait l’air un stage de gros concert d’extérieur et dont les sièges étaient des marches. Nous avons joué troisième je crois. Il faisait au moins 40 degrés Celsius à l’intérieur. Le son était parfait et les lumières ultra professionnelles… nous avons joué pour plus d’une heure. Les gens étaient tellement fous et débiles, ils faisaient un mosh pit dans les marches!!!! C’était la folie furieuse! Le problème, c’est que j’étais tellement possédée pendant le concert que j’ai oublié de boire de l’eau (ou même de la bière) et j’ai pris un coup de chaleur. J’ai tout transpiré l’alcool de mon corps, et je n’ai pas pu manger pour trois jours après le concert. Mais ça a tellement valu la peine… Après le show, on a eu un petit party dans un hôtel à côté de la salle. Il y avait une piscine et en arrivant, le guitariste de Metalian (un des autres groupes qui étaient en tournée avec nous) est tombé dans la piscine avec sa guitare et tous ses bagages, hahaha! Une fan mexicaine nous a suivis, et était la seule fille dans la piscine avec tous les gars, haha. J’étais malade et couchée par ce temps-là, mais on m’a raconté des choses assez épicées, haha! Ahhh, le Mexique. J’y retournerais n’importe quand.
Que penses-tu de l'annulation de la tournée de Morbosidad en Europe à cause d'activistes des droits des animaux ?
Annick : J’avoue que j’ai juste lu quelques commentaires Facebook au sujet de ces annulations, mais je trouve ça dommage pour les promoteurs et les gens qui ont travaillé si fort sur la tournée de Morbosidad. Je crois qu’ils auraient pu se battre un peu plus car le fait d’avoir des têtes d’animaux morts (qui viennent de chez le boucher) sur le stage n’est pas une raison valable pour se faire annuler des concerts. Mais de toute manière, ça m’arrange dans une manière car je suis vraiment très très heureuse de voir Varathron au Nuclear War Now! Fest, haha!!!!
En trois mots, comment tu décrirais Cauchemar ?
Annick : C’est un peu difficile de décrire notre groupe, toi qu’est-ce que t’en penses? « HEAVY DOOM MÉTAL »? Ou bien « JUDASPRIEST BLACKSABBATH FRANCOPHONE »? Haha!
Haha, je garde Judaspriest Blacksabbath Francophone ! En tout cas merci encore pour cet entretien. Je te laisse le mot de la fin...
Merci à toi pour ton soutien! Nous sommes des fans finis de métal français, et nous avons trop hâte de revenir hanter vos terres une fois de plus cet automne! Venez trinquer et faire la fête avec nous!! À bientôt!!!
Voici nos dates françaises (avec le remarquable groupe OCCULT BURIAL) :
7 novembre: L’Entracte, Colmar
9 novembre: Amanita Muscaria, Toulouse
10 novembre, Black Block MC, Avignon
11 novembre: Thunderbird Lounge, Saint-Étienne
12 novembre: Darkness Prevails Festival, Nantes
13 novembre: McDaid's, Le Havre
15 novembre: Le Klub, Paris
Propos recueillis le 20 septembre 2016.