Non.
La provenance d'un groupe peut devenir une véritable étiquette de qualité dans certains cas. Pour du Black Metal, indiquer que le projet vient du Québec, c'est un peu comme apposer un beau label de qualité sur un produit. L'auditeur averti est mis en confiance. Voilà des années que le Métal Noir est devenu un genre à part, où l'aura si spéciale du Québec ne manque jamais d'être mise au premier plan. Cette niche ne cesse d'être productive puisque 2016 voit l'arrivée d'un nouvel opus de Forteresse, ainsi que celui de Sorcier des Glaces paru en début d'année, deux noms qui sont des piliers de cette scène.
Si on n'entendait plus vraiment parler de Monarque, c'est parce que Sanctuaire est le nom qui a pris le relais sur le devant de la scène. Il s'agit du projet solo de Monarque Helserkr et qui sévit déjà depuis 2014 à travers quelques demos. Sanctuaire proposait déjà, en février 2016, son premier EP intitulé « Echo 2 - Les Esprits sont Étoiles aux cimes de la Victoire ». Très différent, il a eu un écho médiatique bien moins prononcé que « Le Sang sur l'Acier », dévoilé en mai. Peut-être est-ce lié au format (cassette), au manque d'homogénéité, à l'absence de chant, à une pochette moins accrocheuse... Car oui, ce qui a du frapper notre curiosité, toi le lecteur qui découvre le groupe dans ces lignes, ou moi l'auditrice qui ai été intriguée par ce petit EP d'un nom inconnu au bataillon par exemple, c'est sans doute cette pochette assez merveilleuse signée David Thiérrée.
A la limite entre conte fantastique et histoire morbide, ce visuel ne fait que refléter à merveille les desseins de Sanctuaire dans ses compositions. Comme souvent pour les projets québécois, il est question de nature et de patrie, où on mêle l'esthétique subtile à la violence du réel, le passé au présent pour présenter un ensemble au message fort, engagé et onirique. Pour cela, on n'hésite pas ici à reprendre les codes les plus efficaces du genre, qu'ils soient traditionnels ou plus récents. On se retrouve avec des riffs assassins, parfois mille fois déjà vus dans le genre Black mélodieux et un peu épique sur les bords, mais entraînants au possible. On y retrouve également l'utilisation de la guitare acoustique sur l'interlude « Lune », avec un guest sur le coup (monsieur Sorcier des Glaces en personne), ou avec des choeurs loin d'être originaux pour un groupe qui se revendique païen, sur la fermeture de « Graver sur les Pierres, les Souvenirs d'Hier ». Ils reprennent le refrain hurlé tout au long du morceau, dans une atmosphère de sérénité, où s'élèvent les voix qui transmettent la fierté, le souvenir et la gloire à travers une mélodie juste, humble et sincère. Rien d'original, non, mais ce n'est clairement pas ce que Sanctuaire a à proposer avec « Le Sang sur l'Acier ». Qu'est-ce qui pose problème dans l'idée de reprendre ce qui a déjà été fait par le passé, par des groupes de la même scène ou non, de différentes manières, pour offrir un ensemble court, au message fort, et à la composition et la production claire et agréable ?
C'est le principal atout de cet EP, tout y est éclatant et mélodieux, rien n'est bancal, la batterie et la basse ressortent avec une clarté et une chaleur assez rares pour être soulignées (merci le Sorcier des Glaces pour le mix). Sur ce plan, bien que les intentions soient très différentes, il ne manque pas de me rappeler le dernier EP de Grimoire tout en vagues lumineuses et en mélodies oniriques à la production parfaite. Bien que plus rentre-dedans et agressif, les trois longs titres n'hésitant pas à jouer cette carte entre deux débordements haineux.
Ainsi, Sanctuaire finit plus par sonner comme un Csejthe plus harmonieux et clair, ou un Sui Caedere plus rythmé et chaud, qu'un petit frère de Monarque, à l'univers très distinct. On voit l'effort insuflé dans le chant pour différencier les deux également, et ses modulations qui s'adaptent parfaitement à la composition de Sanctuaire, plus rauque et compréhensible, plus frappant pour l'auditeur. Finalement, il y aurait presque un petit côté Glaciation dans les contrastes émotionnels et musicaux, le chant, la poésie de fond.
« Le Sang sur l'Acier » s'apprécie d'une manière différente d'autres albums ou EPs, car il n'a sans doute pas la prétention d'apporter quoi que ce soit d'inédit à la scène québécoise. Il a néanmoins eu l'occasion d'apporter sa pierre à l'édifice, de tous ces projets plus ou moins conséquents qui rendent hommage à cette culture et qui forment une niche spécifique et soudée. Le Métal Noir n'est pas mort et loin de là, il a encore de beaux jours devant lui si ses musiciens continuent de créer de nouvelles œuvres, de sortir collaborations et projets solo, pour redonner du souffle à cette scène.
1. Graver sur les Pierres, les Souvenirs d'Hier
2. Le Sang sur l'Acier
3. Lune
4. Chasse Sauvage