Un mec qui écrit des trucs.
Rogga Johansson est probablement le mec le plus attendrissant de la scène Death Suédois. C'est pas possible d'être encore plus à fond, aussi sur-productif en voulant bien faire. J'ai déjà chroniqué plusieurs de ses trucs récents sur ce même webzine et encore d'autres sur celui d'avant alors je vais pas m'étendre dessus. Toujours est-il que Megascavenger, c'est son projet le plus bandant de tous sur le papier. En général escorté sur ses albums d'un vocaliste de troisième division, ce projet là a pour but de se la jouer all-star : on retrouve un gus différent sur chaque morceau, et pas des petites bites, que des mecs qui ont pesé à un moment. Les deux albums précédents étaient déjà bien cools pour partie (genre une moitié de morceaux qui déglinguent, et une deuxième moitié superficielle), et cette fois il remet le couvert avec encore des mecs de qualité. Jugez plutôt. Et du coup, après un "At The Plateaus of Leng" d'une facture plutôt honnête, le revoilà qui met le couvert deux ans après avec ce nouveau bidule. Du coup, c'est reparti pour une rasade de Death régressif et bas du front ? Ouaip. Mais pas que, parce que notre monsieur a cette fois tenté de jouer la carte de l'innovation.
Et la seule chose qui m'est venue à l'esprit à la fin de l'écoute, c'est que l'avant-garde n'est pas faite pour tout le monde. Regardez la pochette. Non mais genre. Regardez la bien. Imprégnez vous de sa laideur absolue que même un groupe de Thrash des années 90 aurait renié. Et dites vous que sous sa grosse distorsion et ses growls, c'est cette ambiance que son créateur a voulu injecter à l'album, vendu sur sa fiche promo comme une innovation totale et un futur album culte d'un genre nouveau.
"Sur ce disque, Rogga a utilisé comme jamais des sonorités indus, combinant ainsi à son death metal old school des influences venues de formations comme Fear Factory, The Berzerker, Godflesh et même Strapping Young Lad.". Et là, je peux vous assurer que je suis désolé pour les familles de toutes ces formations.
Bref, on va y aller franc du collier : il y a une envie de bien faire qui nous pousse à être tolérant. Mais globalement, c'est juste un assemblage de morceaux complètement bateaux (mais assez différents les uns des autres quand même, on va de la barque au radeau de fortune en passant par la pirogue trouée) sur lesquels on a rajouté des POUÊT POUÊT électroniques horripilants supposés interdits depuis une bonne décennie. Après, tout n'est pas si noir (y'a un peu de marron), mais le bilan global fait franchement mal, tant on a l'impression de se retrouver devant un album ambitieux dans le fond mais à la forme totalement torchée.
Pourtant ça démarre bien. Niveau Death Metal débile de chez débile, "Rotting Domain" envoie du rêve et accroche comme il faut. Et pis c'est le chanteur de Fleshcrawl, et je pense pas vous avoir dit à quel point j'aime Fleshcrawl alors je le redis. J'adore Fleshcrawl. Voilà. Un point garanti juste pour cette preuve de goût. Par la suite, c'est contrasté dans le foireux. Déjà, les deux morceaux avec Kam Lee sont à hurler de rire, rien d'autre à dire. "The Hell That Is This World" est absolument fantastique de débilité, avec ses pin-pon électro hors de propos sur le riff principal et sa structure coupée n'importe comment, qu'on ose normalement pas sortir comme démo pour son premier groupe avec des potes du collège. Et l'avant dernier titre est une sorte d'hybride de mauvais Indus et de romance Gothique proprement dégueulasse qui ferait se retourner Peter Steele dans sa tombe jusqu'à en revenir d'entre les morts pour coller des tatanes. A côté de ça, on a quand même quelques bonnes idées mais on sent tellement de potentiel gâché que c'en est barbant.
Genre allez, "The Machine That Turns Humans Into Slop", franchement c'est pas mauvais et notre bon vieux Dave Ingram (monsieur Benediction et Bolt Thrower, excusez du peu) a toujours son timbre aussi jouissif. Mais les inserts de claviers et autres breaks qui font TUUUU DIIIII PIIIIN POOOON PWAAAAT font juste de la peine, et ne rendent le tout que téléphoné et ridicule. En fait, passé le premier titre, le seul qui ait à peu près de la chance reste notre petit chéri Ad Kloosterwaard (aka Mr Sinister) qui écope d'un "Steel Through Extravaganza" pas exceptionnel mais ne provoquant pas de haussements de sourcils de dépit, tandis que les vocalistes d'Entrails et Crypticus se retrouvent tous les deux sur les morceaux de Death Metal les moins intéressants qu'il m'ait été donné d'entendre de ma vie, et ceci indépendamment de toute forme de bidouille électronique. Et là, en dehors de l'interminable outro, il ne nous reste qu'un seul morceau non mentionné, à savoir l'autre curiosité de l'album qui vaut un tantinet plus le détour que le reste : cet espèce d'OVNI qu'est "As The Last Day Has Passed". Titre ultra mélodique et ressemblant plus à du Rock Californien du futur qu'à autre chose, qui est pour une fois ultra efficace mais ayant davantage sa place dans une compil entre un The Offspring et un Sum 41 qu'au beau milieu d'un album de Death qui tente d'être Indus. Mais c'est qualitativement tellement meilleur que le reste que bon, c'est toujours ça de pris.
Donc. On résume. Rogga tente des trucs. Et plutôt que créer un nouveau groupe comme à chaque fois, il l'injecte dans son projet all-star, ce qui fait qu'au final on se retrouve au beau milieu d'un album regroupant énormément de beau monde pour leur faire faire n'importe quoi. Tout ça part d'une envie de bien faire louable, mais on enchaîne les erreurs de débutants sur un album manquant juste purement et simplement de travail. Il ne suffit pas de foutre quelques riffs déjà entendus des millions de fois enchaînés, quelques growls par dessus et des bruits aléatoires obtenus en découvrant ses VST pour faire de l'avant-gard. On combine juste ici le niveau zéro de deux genres et c'en est atterrant. Du coup, un point pour le premier titre, un point pour le quatrième, et un autre pour récompenser les bonnes intentions. Parce qu'on a pas l'impression d'être pris pour un con, juste mater un mec un peu simplet qui veut bien faire mais n'ayant aucun talent dans ce domaine. Mais quand même, venant d'un tel artiste, quand on se dit qu'il aurait mieux fait de rester à ses bases, c'est qu'on a plongé bien loin...
Tracklist :
1 – Rotting Domain (feat Sven Gross)
2 – The Machine That Turns Humans Into Slop (feat Dave Ingram)
3 – Dead City (feat Jocke Svensson)
4 – As The Last Day Has Passed (feat Teddy Möller)
5 – The Hell That Is This World (feat Kam Lee)
6 – Dead Rotting and Exposed (feat Brynjar Helgetun)
7 – Steel Through Flesh Extravaganza (feat Aad Kloosterwaard)
8 – The Harrowing of Hell (feat Kam Lee)
9 – As Dystopia Beckons