Un mec qui écrit des trucs.
Voilà un nom qui monte, doucement mais sûrement. Un groupe de Trve Doom en France chantant en Français, forcément ça défriche de nouveaux horizons pour notre pays. Car notre scène Doom, comment dire, elle reste quand même pas exceptionnelle. Bon, on a de la bonne grosse tuerie en Funeral et autres combos de Death/Doom (le gigantesque Monolith, l'ultra violent Ataraxie, The Austrasian Goat, tout ça) et tirant sur le Sludge, enfin voilà, tout cette f(r)ange de trucs obscurs qui veulent juste nous enfoncer sous d'énormes notes noires et déchirantes. Mais le vieux, l'originel, le religieux, il se fait plus timide. Quelques petits groupes se pointent comme nos confrères de Huata, ma rigueur documentaire pour rédiger l'intro de cette chronique m'aura également amené à découvrir Northwinds qui sonnent vraiment pas mal du tout, mais sinon c'est un peu désert comparé à bien d'autres genres qui commencent à bien s'agiter. Tout ça pour dire que maintenant, on peut compter sur Barabbas. Et maintenant on arrête ce name-dropping qui va nulle part et on se recentre sur l'Église du Saint Riff Rédempteur comme ils aiment l'appeler. Les intros, c'est vraiment que du vent après tout.
Paumés au sud de la région Parisienne, et après quelques Eps et un premier album intime mais salué, c'est finalement fin 2014 que nos apôtres accouchent de ce deuxième album. Que j'ai donc découvert comme beaucoup d'autres en les voyant programmés au Fall of Summer pour un concert que la gueule de bois m'a finalement fait rater (cette honte). Album auquel je finis par me sentir obligé de rendre honneur via cette chronique tant ses lourdes notes ont pu tracer leur petit bonhomme de chemin entre mes neurones depuis, ne me quittant plus jamais. Barabbas, c'est une putain de drogue. C'est le groupe de Doom qui joue et abuse de tous ses clichés mais parvient quand même à recueillir sous sa bannière tous les horizons de fans. Certes, manquant grandement de charisme sur scène et assez hésitant dans son second degré (pourtant ça a de la gueule ce micro en forme de croix en bois, mais la répartie tombe un peu à plat). Mais sur album, c'est quelque chose. Une sorte d'hybride des dinosaures pour hipsters de St Vitus (j'ai rien contre ce groupe, mais statistiquement j'ai remarqué que si quelqu'un me dit qu'il est fan de St Vitus, c'est quasi toujours un cliché vivant du vieux con élitiste) un peu enfumé à l'encens d'un Stoner rugueux et frontal, le tout oscillant entre la lumière des vitraux et poussière des graviers, pesant mais mélodique, "pour te fortifier moralement à chaque étape de ce chemin de croix que l’on appelle la vie" comme ils le disent.
Barabbas, c'est du gras et des grosses notes. Mais c'est surtout un chant. Une voix rocailleuse et grave, un timbre à mi chemin entre rock'n'roll gras et recueillement. Un chant en français qui harangue, qui créée des refrains inoubliables et nous fait lever le bras, ancrant tout dans des thématiques religieuses entre respect et profond sarcasme et donnant au tout une efficacité et un potentiel tubesque qu'on ne voit que rarement. Saint Rodolphe comme il se désigne n'a pas son pareil pour attraper l'auditeur par les couilles et fédérer les hordes de fidèles par sa voix virile et cassée. En découle donc bien évidemment LE hit de l'album, l'inoubliable "Judas Est Une Femme" qui fait ramper ses riffs en soutien d'un chant illuminé, multipliant les montées en puissance successives jusqu'à ce jouissif refrain, où la déclamation culte "en vérité je vous le dis : Judas est une feeeeemme" s'enchaînant sur un riff lourd en forme de hachoir fonctionne comme jamais. Mais autant nombre de personnes ont tendance à résumer le groupe à ce tube en puissance, autant ce serait quand même dommage de passer à côté du reste.
Après, le point faible de l'album est clairement son inégalité. Les trois premiers titres laissent quand même fortement à désirer et ne sont que peu marquants. "Le Couteau ou L'Abîme" est plaisant dans son ambiance de Christ schlag en train de picoler sa 8,6 dans le caniveau mais gave sur la longueur avec son chant retenu et murmuré, et fait un piètre titre d'ouverture après une intro instrumentale oubliable. Tout comme "Moi, le Mâle Oméga" relativement rapide et incisive mais pas indispensable à part pour montrer que des fois ils accélèrent un peu. Typiquement le morceau remplissage au tempo moins lent juste pour faire genre mais sans âme. Un choix un peu étrange et pouvant rebuter nombre de fans potentiels qui auraient tort tant tout le reste de l'album est un joyau total. Ma pièce préférée est de loin "La Beauté du Diable" et son histoire glauque sur fond de riffs groovies rappelant les grands heures de Cathedral avec toujours ces paroles à déclamer en bougeant la tête en pleine transe. Et cette basse ! Véritable monument de bûchage rigoureux que vient suivre le superbe "Le Sabbath Dans La Cathédrale" totalement enlevé et enivrant, véritable incantation, cérémonie en l'honneur du riff statique et religieux nous faisant une fois de plus hurler son refrain à pleins poumons comme un damné, Saint Rodolphe étant plus possédé que jamais.
Sachant jouer sur plusieurs tableaux, avec toujours un fil conducteur dans leurs textes qui font plaisir aux francophones tant ils arrivent à ne jamais sombrer dans le ridicule tout en restant sombres, "Messe Pour Un Chien" est dans tous les cas un album marquant qui laissera son empreinte dans le crâne de tous ceux qui se sont un jour prêtés au jeu. Le long titre éponyme final termine la lecture de la plus belle des manières, complètement à la rue, jouant le jeu de l'homme en robe de bure miteuse picolant son vin rouge directement au cubi assis sur le trottoir, susurrant sa fatalité banale et forgeant des paysages, adressant directement aux cieux ses notes de guitare sales. Ainsi se termine un album efficace, ne révolutionnant de rien mais se posant étrangement dans le paysage. Une manière d'utiliser des astuces vues et revues pour bâtir une ambiance nouvelle, sorte d'église décadente, complainte de l'homme de foi poussé à la rue, hymne à la prière collective de bidonville. Enfin, c'est la rengaine habituelle. Le cliché de la fin de chronique d'un album lourd de potentiel. Le moment où on dit qu'une fois les influences digérées, le prochain opus sera révélateur. Et dans tous les cas, on a ici une moitié d'album suffisamment démente pour mériter les projecteurs. Loué soit le Saint Riff Rédempteur.
Tracklist :
1 – La Malédiction de Sainte Hélène
2 – Le Couteau ou l'Abîme
3 – Moi, le Mâle Oméga
4 – Judas Est Une Femme
5 – La Beauté du Diable
6 – Priez !
7 – Le Sabbath Dans la Cahtédrale
8 – Messe Pour un Chien