Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Six années après le terrible et tellurique Monolith&Dimensions, Sunn O))) revient enfin avec un nouvel album studio, seul aux manettes. En effet, depuis la sortie de leur précédent album, O'Malley et sa bande ont cumulé les collaborations avec des résultats mitigés ; rien de mauvais, mais tellement plus alléchant sur le papier que dans la concrétisation. Bref, en six ans Sunn O))) a continué de tracer son chemin à grands coups d'accords vibratoires, toujours aussi difficilement abordable pour les non-initiés mais toujours aussi jubilatoire pour les déjà conquis.
Et ce n'est pas Kannon qui va inverser la donne, même si un premier changement vient percuter le connaisseur avant même qu'il presse "play" : la pochette. Habitué aux pochettes dessinées, très graphiques, Sunn O))) propose ici la photographie d'une oeuvre de Angela Bolliger, qui, combinée aux caractères orientaux figurant dans le titre, confère une aura asiatique à l'image. Autre surprise, avant écoute toujours, la durée, seulement une demi-heure de musique, sachant que certains des EP de la formation dépassent cette durée. Voilà pour les grandes différences, pour le reste, Sunn O))) joue la carte du rituel, avec la traditionnelle participation de Attila Csihar au chant et de Oren Ambarchi à la guitare. Et niveau composition, et bien Sunn O))) reste dans ses platebandes, le drone.
Les trois pièces qui forment Kannon, même si développant un tout cohérent, dégagent chacune leur propre atmosphère, allant de la très poisseuse et inquiétante Partie 1, à quelque chose de plus apaisant avec le clavier très discret de la fin de la Partie 2, avec, entre les deux, l'infinité de nuances subjectives que chacun veut bien déceler dans une musique aussi conceptuelle que ce que proposent Stephen O'Malley et Greg Anderson. L'enchevêtrement d'accords qui évolue sur chaque morceau arrive toujours à saisir cet entre-deux subtil, oscillant du relaxant au dérangeant, le chant d'Attila (toujours aussi habité) aidant plutôt pour le second cas, tandis que son absence donne la part belle au premier.
Mais si bien exécutées que soient ces trois parties de Kannon, il demeure une impression de redite et de manque d'audace dans l'ensemble. Pas de dissonnance terrible comme le groupe le faisait à ses débuts, une composition bien plus "rapide" (sous-entendu, plus d'accords à la minute que deux) que précédemment, bref comme un assagissement de la musique de Sunn O))), moins exigeant peut-être. Stephen O'Malley et Greg Anderson, bien que n'abandonnant pas l'avant-gardisme qui leur est cher, ne vont pas beaucoup plus loin que ce qu'ils ont déjà fait et, fatalement, une petite déception pointe en fin de parcours. Déjà fini ? Où sont passés l'exploration, le défrichement qui vont habituellement avec une sortie estampillée Sunn O))) ?
Kannon soulève des questions mais ne donne évidemment pas de réponse. Et s'il laisse une petite amertume en arrière-goût, sachez que ça reste un album loin d'être mauvais et toujours bien loin des schémas dominants de la musique. Kannon a une place intermédiaire dans la discographie du groupe, pas forcément très confortable, mais reste un album à éccouter pour tous ceux qui apprécient le travail mené par le groupe depuis ses débuts.
Tracklist de Kannon :
01.Kannon, Pt.1
02.Kannon, Pt.2
03.Kannon, Pt.3