Qu'est-ce qu'on a pu danser sur Deadlock et No Way Out n'empêche... Mais curieusement plus j'écoute Suicide Society, plus j'ai l'impression que Feast appartient à un passé lointain pour ne pas dire oublié alors que le dernier essai d'Annihilator ne date seulement d'il y a deux ans. Curieux n'est-ce pas ? Car là où Feast nous avait régalé avec son orgie sonore, et bien le petit dernier lui nous glisse une autre sorte de "feast", moins amical, si tu vois ce que je veux dire.
Je crois que le premier truc qui m'a surpris c'est le manque de bonne volonté sur ce nouvel opus. En mode grosse larve devant le PC j'ai pas pu m'empêcher de sourire avec espièglerie chaque fois que Annihilator marchait sur les plates-bandes d'un autre groupe. Ça commence en fanfare avec la chanson éponyme Suicide Society (« Suicide society, we've all gone bloody mad » yeah !) qui ouvre sur un passage à la Megadeth digne de figurer sur un titre bonus de Th1rte3n, et ça continue comme ça par petite touche pendant les vingt premières minutes jusqu'à l'immanquable "Let me introduce myself" de Creepin' Again repris de Sweating Bullets. Ce qui à ce niveau là m'a légèrement agacé car on est clairement plus dans le clin d'oeil là mais bien dans la bonne parodie putassière.
Et ça continue, ça se barre aussi du côté de Metallica avec My Revenge qui ressemble à un vulgaire copier-coller de Damage Inc. (0:52) et même du côté de Rammstein ! Je dis bien « même » parce que je sais bien que les riffs de Rammstein ont une structure assez simple mais bordel, il suffit juste d'écouter la batterie et la guitare sur Snap pour faire un rapprochement avec Ich Tut Dir Weh. Franchement ça débute vraiment mal cette histoire.
En plus Suicide Society ne partait pas forcément avec la meilleure main qui soit donc dans ces cas là, tu te tiens un minimum à carreau je sais pas. C'était vraiment pas gagné lorsqu'on a appris que Waters revenait à plein temps derrière le micro presque vingt ans après l'expérience douloureuse de Remains (sur King Of The Kill, je dis pas, ça allait encore). Honnêtement Dave Padden tenait vraiment bien la route sur les derniers efforts d'Annihilator – même s'il a un peu mis de temps à trouver son style à ses débuts j'en conviens. Du coup on se retape Waters qui ne peut pas s'empêcher d'accentuer à fond ses paroles (ce clip de Suicide Society...) et qui vire parfois du côté mustainien de la force, refrains pseudo-dramatiques et ton mielleux à la clé (j'insiste avec Megadeth, mais il y a vraiment prescription). En tout cas on en revient forcément à regretter notre bon Padden et son ton bien rauque...
Heureusement la deuxième partie de l'album sauve tout de même un peu la mise. De Narcotic Avenue à Death Scent le groupe se lance de manière in extremis sur des phases speed plus efficaces avec quelques passages mélodieux qui peuvent rappeler les derniers essais d'Heathen ou de Death Angel (The Evolution Of Chaos ; The Dream Calls For Blood). Ça utilise aussi des gros riffs old-school entrecoupés par des harmoniques stridentes comme à la bonne époque d'Alice In Hell et de Never, Neverland, le tout avec une prod' loin d'être dégueu. Les solos de Waters, il faut dire ce qu'il en est, restent également de très bonne facture même s'ils ont légèrement tendance à farder trop l'ensemble à certains moments. Dans le genre back to basics par contre l'intro de Narcotic Avenue se laisse vraiment bien apprécier avec sa petite montée en puissance tout comme Break, Enter qui reste plutôt accrocheur avec son refrain pernicieux.
Bien évidemment ça ne permet pas à Jeff Waters et sa bande de se racheter une conduite mais cette seconde partie a le mérite d'être moins molle c'est vrai. Reste que ça se veut moins inspiré après que des titres comme No Surrender ou One Falls, Two Rise présents sur le dernier opus et qu'avecson Blood In, Blood Out sorti récemment, Exodusmet une pétée monumentale à Annihilator sans s'arracher des masses.
Enfin c'est certainement pas la chose la plus essentielle qui soit mais j'ai aussi trouvé ça intéressant de caler quelques sonorités eighties çà et là. En fait il y a toujours eu ce côté-là dans Annihilator, genre je te place des parties de guitare avec un esprit Hard Rock / Heavy Metal bien rétro sur tel pont ou tel solo. Je pense à l'album Set The World On Fire mais même à des morceaux plus récents comme la reprise de Romeo Delight justement (Van Halen) ou aux solos de Demon Code. Mais là les Canadiens se sont encore plus lâchés tout en dosant bien leur truc. Du coup certains passages de Suicide Society font étrangement penser à de vieilles BO de séries TV américaines ou de jeux d'arcade, c'est assez bizarre à décrire. Je pense entre autres à la fin de l'intro de The One You Serve où on dirait que tu t'embarques sur un putain de platformer ; et à Every Minute qui juste après l'intro un peu niaise poursuit sur un riff pondu par mille groupes de Hard random pendant les années 80. Je trouve la démarche vaiment cool, certains passages qui marient Heavy et Thrash sont tout de même bien pensés finalement.
Rentrée plutôt décevante donc en ce qui concerne les sorties Thrash... Après la semi-déception du dernier Slayer je dois dire que notre récolte ne s'améliore guère de l'autre côté des Grands Lacs. Il se dégage de Suicide Society une impression de mollesse et de vide, bien déguisés certes, mais qui ne fonctionnent pas vraiment tout compte fait. La faute à qui, la faute à quoi ? On serait évidemment tenté de dire que le départ de Padden a profondément affecté Annihilator. Mais très honnêtement ça n'excuse pas tout... D'autant plus que Waters est resté et demeure encore à ce jour la tête pensante du groupe, donc autant dire qu'on ne nous la fait pas. Forts de l'excellente doublette Annihilator / Feast de 2010 et de 2013, on tentera donc se persuader que les Canadiens avaient le droit à l'erreur sur cette cuvée de 2015 en espérant toutefois les retrouver dans une meilleure forme d'ici 2017 au plus tôt.
Tracklist :
01. Suicide Society
02. My Revenge
03. Snap
04. Creepin’ Again
05. Narcotic Avenue
06. The One You Serve
07. Break, Enter
08. Death Scent
09. Every Minute