Historiquement, Goatsnake était au stoner/doom ce que New Order était au post-punk : un groupe fondé par les membres d’un groupe culte où la figure qui rendait le dit-groupe culte n’est plus. Ian Curtis pour New Order, Wino pour Goatsnake, qui fut donc fondé sur les cendres de The Obsessed après la dissolution du groupe et l’incarcération de Wino. On peut prolonger le parallèle en remarquant que les deux groupes ont su s’imposer en tant qu’entités en changeant musicalement et en s’entourant de membres permettant de renouveler leur identité.
Goatsnake s’est donc débarrassé de l’ombre The Obsessed qui planait sur lui en début de carrière, notamment en intégrant Greg Anderson (de Sunn O))), autrement dit, un mec qui a un doctorat en riffing lourd). Cependant, avec Black Age Blues ils font face à « la malédiction du successeur de l’album culte ». En effet, il y a 15 ans sortait Flower of Disease, qui, s’il n’a jamais obtenu la reconnaissance et le statut d’un Dopethrone ou d’un Holy Mountain, fait quand même figure de pièce maîtresse sur l’échiquier du stoner/doom. De plus, attendre 15 ans (11, si l’on compte depuis la sortie de l’EP) pour proposer du nouveau matériel sous-entend qu’il y a eu maturation et que le groupe n’est pas là pour surfer sur la hype qui entoure depuis une paire d’années le style.
Le premier morceau montre que le combo a des cojones grosses comme ça. Il reprend en sample la fin du dernier morceau de Flower of Disease, The River, et s’intitule… Another River to Cross. Riff ultra heavy, les grooves déclenchés quand il le faut, refrain hyper catchy, Goatsnake entre en majesté, montre que son passé ne lui fait pas peur et que Black Age Blues doit être vu comme un prolongement, mais est-ce le cas ?
Oui et non, disons. Si l’on commence par les points positifs, je trouve que Black Age Blues dégage une identité plus forte que Flower of Disease. Entre l’artwork, les titres de chanson (Grandpa Jones, Graves, House of the Moon ou Jimi’s Gone), l’usage un peu plus fréquent de l’harmonica, Black Age Blues n’est pas une succession de bonnes chansons qui ne se font pas écho mais vraiment une œuvre à part entière où l’esthétique et la thématique du western est noircie avec brio. Certains s’en foutent mais à mon sens c’est important. Sinon, Elevated Man, qui évoque vaguement Alice in Chains, fait vraiment figure de hit. Comme dans tout bon album de stoner/doom, les bons riffs s’enchaînent comme des perles, entre les passages un peu rapides (Coffee & Whiskey) et les riffs écrasants. En somme, les éléments de Flower of Disease ont été repris (même les chœurs féminins).
Cependant, Black Age Blues n’est pas aussi constant dans la qualité que son prédécesseur et donc, certaines pistes sont dispensables (House of the Moon ne m’a vraiment pas transcendé, par exemple). Et surtout, il manque un titre du calibre de The River, titre qui prend son temps et qui dure. Proposer des titres de 6 minutes en moyenne peut s’avérer être un choix pas forcément pertinent dans le cadre d’un album de Doom. Quant au chant, aspect que l’on reproche souvent à Goatsnake, il est ce qu’il est, si vous le trouvez insupportable après plusieurs écoutes, cela ne changera pas. En revanche, si vous êtes néophyte et que cela vous rebute à la première écoute, je vous encourage à retenter d’ici quelques mois… on parvient à s’y habituer.
Goatsnake n’a pas à rougir de Black Age Blues, loin de là. L’album, condamné à être comparé à Flower of Disease n’arrive peut être pas à tenir la dite comparaison, mais combien de groupes ont sorti ne serait-ce qu’un album de cette trempe ? Un retour discret et plus qu’honnête qui ne peut décevoir les fans. Maintenant, plus de concerts !
Note réelle : 7.75
Setlist :
1 Another River to Cross
2 Elevated Man
3 Coffee & Whiskey
4 Black Age Blues
5 House of the Moon
6 Jimi’s Gone
7 Graves
8 Grandpa Jones
9 A Killing Blues
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