Temples Festival - Jour 3
Motion - Bristol
Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).
JOUR 3
Monarch!
C'est avec une doublette française que je débute cette dernière journée au Temples Festival. Je me place cette fois-ci au balcon de la Main Stage pour la première fois. Et c'est effectivement une place de choix. Le son y est impeccable et la vue imprenable. Bien que ce soit encore le début d'après-midi, l'obscurité (nécessaire à un show de Monarch) est tout de même assez importante, et la fumée se fait de plus en plus dense. Par contre, aucune bougie sur la console d'Émilie cette fois, dommage car cela participe tout de même au coté cérémoniel du concert. Celui-ci sera d'ailleurs assez court (35 minutes), le temps pour le groupe de nous interpréter des pièces principalement extraites de leurs toutes dernières sorties (avec notamment le long morceau Pentagrammes issu de Sabbracadaver pour la première moitié du set). L'ambiance est saisissante, en particulier grâce à la lourdeur du son, et sa diffusion homogène dans toute la salle. Et malgré l'apparente lenteur de leur musique, les membres du groupe n'en demeurent pas moins très énergiques sur scène. En plus du charisme certain de la vocaliste Émilie, le couple rythmique attire tout particulièrement mon attention. Leurs mouvements sont amples mais tout de même vifs et puissants (à tel point que le batteur finit même par casser une baguette lors d'une de ses lourdes frappes). Les bordelais terminent le set par une étonnante reprise des Runaways dans une version pachydermique. Loin d'atteindre l'intensité de la précédente fois où j'avais vu le groupe (petite salle, plus de mise en scène, set bien plus long, beaucoup moins de monde...), ce concert de Monarch n'en reste pas moins prenant.
Year of no Light
Voilà par contre le groupe français que j'attends le plus du festival (et le seul que je n'ai encore jamais vu en live). Toujours placé au balcon de la Main Stage, j'observe avec attention la scène. Year of No Light est en effet un groupe très particulier. Deux batteries, trois guitares, une basse, une console / clavier et pas de chant. On retrouve d'ailleurs le guitariste de Monarch, bravo à lui pour l'enchainement. La dense fumée de cette grande salle donne corps aux larges faisceaux lumineux (tantôt dans les tons blancs, ocres, rouges...) qui viennent éclairer sporadiquement la scène. Le public, lui, est totalement plongé dans l'obscurité, seulement éclairé de temps en temps par l'énorme stroboscope situé derrière la batterie principale. Une ambiance totalement immersive qui colle parfaitement à la musique transcendante des bordelais. Ceux-ci débutent leur show par un Tocsin magistral, tout en crescendo, dont le final à deux batteries est d'une intensité incroyable. Déjà fan de la musique du groupe en studio, je suis vraiment impressionné par l'ampleur que celle-ci prend en live. Les (bien trop courtes) 40 minutes de set ne permettent pas au groupe de nous interpréter beaucoup de titres aujourd'hui, mais on a cependant droit à une doublette Hiérophante / Abbesse (extraite de mon album favoris Ausserwelt) qui me laisse pantois, assurément le point d'orgue du concert. Year of No Light possède vraiment une ambiance unique (autant musicale que visuelle), je suis totalement happé par leur univers. C'est le lourd Stella Rectrix qui clôt la splendide prestation des français. J'étais sûr de totalement rentrer dans le show, mais je n'aurais jamais pensé prendre une telle claque. Totalement scotché, je ne suis pas prêt de redescendre...
Goatwhore
Changement radical d'ambiance avec les américains de Goatwhore dans la troisième salle. Je me rends à ce concert les mains dans les poches, toujours pas remis de la claque de Year of No Light. Mais au-delà de ça, j'avais déjà eu l'occasion de voir Goatwhore il y a quelques mois en première partie de Dying Fetus, et le groupe ne m'avais pas laissé la meilleure des impressions. Évoluant dans un Death Thrash assez easy-listening (non il n'y a absolument rien de Black chez ce groupe, si ce n'est l'imagerie, et encore...), le groupe est la plupart du temps le cul entre deux chaises. Alternant les morceaux très Thrashy et evil (les seuls qui marchent en live) et les morceaux Death Metal ultra bateaux, ce concert est à nouveau mi-figue mi-raisin. J'ai souvent la triste impression que ce groupe cherche à plaire à tout le monde, alors qu'il est évident, à regarder le public, qu'il n'y a que les morceaux les plus Thrash qui fonctionnent vraiment. Mais l'audience est globalement assez réceptive mine de rien. Le pit ne faiblit pas de tout le concert, la plupart des gens semblent vraiment à fond, ça fait tout de même plaisir à voir. D'autre part, le frontman s'improvise humoriste entre les morceaux (blaguant sur l'Angleterre, la reine, l'accent british, etc) et cela a l'air de plaire au vu des réactions. Le guitariste se permet même de jouer un riff de Black Sabbath puis un autre de Celtic Frost, provoquant évidemment des applaudissements. Je suis très étonné de l'ambiance, je ne pensais vraiment pas Goatwhore capable de fédérer autant de monde. Le public anglais est décidément bien différent du public français... Le quatuor finit le set sur son ''tube'' Apocalyptic Havoc, qui met un dernier coup de fouet au public, puis quitte la scène après de chaleureux remerciements. Pour ma part, bien que Goatwhore ne me fasse toujours ni chaud ni froid en studio, cette prestation live est finalement une bonne surprise (mais le public doit y être pour beaucoup)...
Voïvod
Toujours dans cette troisième salle (après un frugal diner), je suis maintenant très bien placé pour le show de Voivod, que je n'ai encore jamais vu en live. Les vétérans québécois arrivent pile à l'heure et démarrent en trombe avec un de leurs derniers titres à la rythmique D-beat délectable. Le son de guitare si typique du combo est parfaitement restitué en live et la bonne humeur que dégage le groupe sur scène est intégralement transmise à l'audience. Les poings se lèvent, les refrains sont scandés à tue-tête et les moshers s'en donnent à cœur joie dans le pit. Le show a à peine débuté que je le trouve déjà absolument génial, en particulier lors de mes titres favoris comme Warriors of Ice. Les vocaux de Snake ne sont pas au beau fixe ce soir (il s'en excusera d'ailleurs) mais le frontman arrive tout de même à tenir tout le show avec une certaine puissance. Placé à coté du pit, je peux y voir durant tout le concert, des gens en train de danser, de tourner, de se monter dessus... les anglais sont très créatifs durant ce show. Certains chantent même en chœur « Voivoood, VoivodVoivodVoivooooood » (sur l'air du « Olé, olé, olé » de Name of the Game) entre les morceaux. Cette ambiance Thrash ''bonne humeur'' est vraiment bienvenue en cette fin de festival, et me colle un sourire jusqu'aux oreilles durant tout le concert. Le guitariste Chewy (également fondateur de Martyr) s'est totalement approprié le style de son illustre prédécesseur Piggy, et est également très communicatif durant les morceaux (invitant le public à chanter, lever le poing, etc). Entre les chants d'anniversaire pour le batteur, les encouragements pour le nouveau bassiste et les nombreuses acclamations globales, ce concert de Voivod est assurément le plus festif de tout le week-end, un véritable bol d'air frais ! Après un Voïvod du tonnerre, les québécois terminent leur set sur une magnifique reprise de Pink Floyd dédicacée au défunt Piggy. Une excellente première fois pour ma part. La prestation de Voivod obtient haut la main le titre de la meilleure ambiance du festival !
Pallbearer
Retour à la Main Stage pour assister à la dernière demi-heure du show de Pallbearer. Bien que je ne sois pas fan du groupe en studio, les américains m'avaient tout de même surpris en live l'an dernier lors de leur tournée avec Yob. C'est donc avec plaisir que j'assiste à la fin de leur set dans cette grande salle. Là encore, je m'aperçois que j'ai sous-estimé la notoriété du jeune groupe. En effet, après seulement 2 albums, les américains sont quasiment en tête d'affiche ce soir, et qui plus est, dans une salle comble. Le bassiste et les deux guitaristes alignés sur scène sont impressionnants de charisme. Tous trois, souvent les yeux fermés, ont l'air complètement pris dans leur musique (au même titre que le batteur) et dégagent vraiment quelque chose de spécial, notamment sur The Ghost I used to Be. Mais c'est véritablement la dernière pièce Foreigner qui transcende toute l'assemblée. Certains passages, tout en écho et en chant mélancolique, rappellent carrément le style des anglais de Warning. Un morceau idéal pour clore le set. Je dois reconnaître qu'en live, Pallbearer parvient à transmettre à l'auditeur une certaine émotion, à tel point qu'on ne sait plus trop comment on se sent à la fin de l'une de leurs prestations. Les américains reçoivent la plus grande ovation du festival (près de 3 minutes d'applaudissements !) et quittent la scène, tout aussi émus que le public.
Earth
Voilà enfin le groupe que j'attends le plus en cette dernière journée (et également l'une de mes plus grosses attentes du week-end) : les dieux du Drone, j'ai nommé Earth. Ayant déjà raté le groupe lors de leur passage à Lyon en début d'année, je suis vraiment heureux de pouvoir enfin assister à un de leurs show, surtout dans un cadre aussi parfait que celui du Temples Festival.
Après une heure et demi de camping au balcon, je vois enfin Dylan Carlson et sa bande arriver sur scène pour entamer un titre de leur dernier album (qui sera quasiment joué en entier ce soir). Le riffing de Earth, à la fois très lourd et mélancolique, dégage un feeling blues absolument prenant (ceux qui me connaissent savent à quel point cela fait mouche avec moi). Le chant de Dylan se fait moins présent que sur CD, et ce n'est pas pour me déplaire, l'effet ''lointain'' colle vraiment bien. Malheureusement, le frontman souffrira d'un problème de guitare en milieu de set et se verra obligé de demander de l'aide aux autres groupes (ravis de lui prêter leurs guitares). Et pendant les divers réglages et accordages de sa nouvelle guitare, les trois comparses de Dylan nous offrent un petit jam d'attente sur du Black Sabbath, tout simplement génial ! Le show reprend ensuite de plus belle avec le culte The Bees made Honey... et son riff si entêtant. Au-delà du charisme certain du frontman, c'est la batteuse Adrienne Davies qui retient mon attention. Son jeu tout en ampleur et en subtilité (quel touché au niveau de la ride !) convient parfaitement à la musique du groupe. Aucun titre de Hex, à mon grand regret, mais je ne boude pas mon plaisir, surtout avec un rappel totalement inattendu sur Old Black, surement mon morceau favoris des derniers albums du groupe. Le quatuor joue au final une heure quarante au lieu de l'heure et demi prévue. Selon moi, les américains viennent de coucher tout le reste des groupes du week-end. Les patrons ! Earth nous offre une fin de festival en apothéose, je n'ai vraiment rien d'autre à dire...
Ainsi s'achève cette seconde édition du Temples Festival. Une ambiance assez atypique, à la fois très roots dans l’esprit (« No sponsors, no masters ») mais aussi dans le cadre (d'apparence assez ''squat''). L'organisation conserve tout de même un coté pro et réglo (sécurité au poil, diversité niveau bouffe / boissons, son globalement très bon, etc).
Le gros point faible demeure la circulation entre les scènes et à l’intérieur des salles, beaucoup trop de monde pour un espace beaucoup trop restreint (notamment les divers couloirs et allées). Le festival a beau être sold out, c’est tout de même assez chiant (et dire qu’ils ont réduit la jauge de festivaliers cette année)…
Je déplore aussi un manque conséquent de distros et stands de CDs / merch (à part ceux des groupes présents). Heureusement on se console en regardant (achetant ?) les divers designs de Jimbob Isaac, illustrateur officiel du festival dont le style graphique est vraiment intéressant (mention spéciale à son mug « Death before Decaf ») !
Mais globalement, le Temples possède déjà tout le nécessaire pour devenir LA référence européenne en la matière. Un line-up toujours alléchant, piochant tout aussi bien dans les références absolues du genre, que dans les petits groupes prometteurs. Un cadre fort sympathique (jouxtant la rivière qui traverse Bristol), et idéalement situé non loin des gares et des commerces du centre ville. Un public de connaisseurs, toujours jovial et surtout très varié (du punk au hipster en passant par le thrasher patché, etc). Je conseille évidemment ce fest à tout amateur de Hardcore (Post-Hardcore, Crust, Grind, Powerviolence...) et de Doom (Sludge, Stoner, Drone...) mais également à n'importe quel fan de musique curieux. Une expérience très enrichissante dans ma vie de festivalier !
Merci à l'orga pour ce week-end à part, aux groupes (mention spéciale à Earth, Sunn O))), Portal, Impetuous Ritual, et aux grosses claques de Year of No Light et Nails), et merci à Audrey sans qui je n'aurais pas pu assister à cet événement si exceptionnel.
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