Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
Né en 1980, Dark Quarterer n'a jamais connu le succès. Et pourtant ! Un premier LP éponyme en 1987 qui fera du trio italien les pionniers, à l'instar de Manilla Road aux Etats-Unis, d'un style propre : le Heavy Metal épique. Que l'on peut décrire comme un subtil mélange de leurs influences rock progressif 60's et 70's (Cream, Jethro Tull), blues rock (Grand Funk Railroad) et de Heavy Metal 80's avec le relent dooomeux des premiers méfaits de Black Sabbath. Les textes souvent mythologiques et historiques jouent aussi un grand rôle. L'année suivante, un deuxième long format verra le jour : The Etruscan Prophecy qui confirmera cette orientation en accouchant de véritables pépites comme Devil Stroke ou Angels of Mire. Des compositions fleuves autant hypnotiques que prenantes. De bonnes critiques circulent, mais la confidentialité du label n'aide en rien leur ascension. En 1990, le guitariste-fondateur Fulberto Serena claque la porte et Sandro Tersetti prend dès lors le relais dans un style plus bluesy. Le groupe décrochera un contrat avec un label allemand : Inline Music, et son sous-label Gorgon, pour un troisième album qui ne sortira qu'en 1994, intitulé War Tears, se démarquant avec une approche plus lisse et commerciale (époque oblige) qui leur permettra néanmoins de jouer "Out of the Line" à la télévision italienne. Malheureusement, le label fait faillite. 4 ans plus tard, rebelote pour la malédiction des guitaristes puisque Sandro décidera de partir. Paolo "Nipa" Ninci et Gianni Nepi se tournent du coup sur le jeune Francesco Sozzi (fils d'un ami du groupe et futur manager), alors âgé de dix-neuf printemps, qui intègre rapidement le groupe et réussi même à le stabiliser. Pour preuve, Violence (2002) qui relance la formation dans l'arène avec de nombreux concerts à la clé et plus proche de nous Symbols (2008) avec le claviériste Francesco Longhi.
Maintenant que le portrait est brossé, intéressons-nous à ce nouvel opus. Sept ans après, le lineup est toujours le même et comme à l'accoutumée, nous avons droit à un concept album autour cette fois-ci du poème de Constantin Cavafy sur l'île d'Ithaque, écrit à Alexandrie en 1911, où il reprend l'Odyssée d'Homère et en particulier le retour d'Ulysse de la Guerre de Troie comme métaphore de la vie. Le voyage étant plus important que le but à atteindre. Extraits :
La pensée d'Ithaque ne doit pas te quitter.
Elle sera toujours ta destination.
Mais n'écourte pas la durée du voyage.
Il vaut mieux que cela prenne des longues années
et que déjà vieux tu atteignes l'île,
riche de tout ce que tu as acquis sur ton parcours
et sans te dire qu'Ithaque t'amènera des richesses nouvelles.
Et autant dire qu'ils n'ont absolument rien perdu de leur feeling magique pour donner vie à ces récits épiques à travers sept morceaux ou plutôt sept périples passionnants. Moins Heavy, comme son prédecesseur, et plus progressif sans pour autant perdre le sens de l'accroche. Encore moins de l'émotion. Le morceau d'ouverture "Path of Live" en est une preuve éclatante. Une écriture réussie laissant s'exprimer des structures complexes et des solos aussi bien placés que tapés dont le coté aérien me rappellent un certain David Gilmour ! À maintenant 61 ans, le vocaliste/bassiste Gianni Nepi n'a plus la voix des débuts (qui pouvait faire penser à Tim Baker de Cirith Ungol), mais conserve toutes ses qualités, en plus de son accent particulier que j'apprécie, et se lâche dans de belles envolées (Night Song, Nostalgia). Le niveau d'inspiration est admirable d'un bout à l'autre. Le claviériste apporte une véritable force d'évocation à l'ensemble et on pense au regretté Jon Lord en ajoutant toutefois des plans plus audacieux. Non, Dark Quarterer n'a clairement rien d'un vieux groupe à la ramasse qui essaye de sonner comme avant pour faire plaisir à quelques fans de la première heure. Le passé, et ses déboires, c'est derrière. Le talentueux Sozzi est bluffant et tout se suit tellement bien ainsi le majestueux "Night Song" laisse place à un "Mind Torture" lourd et ténébreux qui évoque le mythique pays des cyclopes dans lequel Ulysse débarqua. "Nostalgia" et son introduction poignante respirent la maîtrise (ce solo !). Difficile de trouver des défauts tant ce Ithaca est séduisant. Cohérent sans être linéaire, varié mais structuré. En outre, la production est impeccable et évite le côté clinique. Sinon, vous n'avez jamais ressenti la déception d'une magnifique pochette pour un album insipide ? Et bien ici, c'est le contraire. La pochette est assez banale mais un véritable souffle épique le traverse. Je me suis littéralement senti transporté. Notons aussi la présence de chœurs féminins somptueux sur "Rage of the Gods", le morceaux le plus abouti aux faux-semblants de Deep Purple tout comme "Last Fight" en guise d'épilogue qui raconte le retour d'Ulysse à son royaume d'Ithaque. Court mais efficace qui dissimule la narration finale du poème qui a inspiré cet album avec une légère partie acoustique qui donne les dernières notes.
Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé.
Sage comme tu l'es devenu à la suite de tant d'expériences,
tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.
En conclusion, les Toscans ne se reposent pas sur leur passé et distille un Heavy progressif inspiré et, pour le coup, homérique. Moins long que son prédecesseur et plus accrocheur. C'est une invitation au voyage et à la réflexion. Sachez par ailleurs que Shadow Kingdom Records a eu la bonne idée en 2013 de rééditer leur premier effort studio (qui comporte le réenregistrement de 2012) de même qu'une réédition de The Etruscan Prophecy par My Graveyard Productions.
Tracklist:
1. The Path of Life
2. Night Song
3. Mind Torture
4. Escape
5. Nostalgia
6. Rage of Gods
7. Last Fight