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Album

12 février 2015 - DarkMorue

Dir En Grey

Arche

LabelFirewall Division
styleLe premier qui parle de Visual Kei je lui fais bouffer son rectum
formatAlbum
paysJapon
sortiedécembre 2014
La note de
DarkMorue
9.5/10


DarkMorue

Un mec qui écrit des trucs.

Y'a encore des gens dans le monde qui pensent que Dir En Grey c'est du Visual Kei. C'est drôle quand même. A tous les coups ils doivent aussi penser que Darkthrone c'est du Black Metal. Les deux groupes ont ça en commun d'ailleurs : d'accord c'était le cas au début, mais wolalala comment ça a plus rien à voir là maintenant et depuis une dizaine d'années. D'abord assez adolescent, le groupe a vite évolué, devenant de plus en plus bizarre et tordu, imprégnant sa poésie de macabre et de glauque ultime (le clip de "Obscure" a de quoi traumatiser tous les non-habitués au Japon Alternatif) jusqu'à se radicaliser violemment à partir de "Vulgar", donc en 2003, et par la suite envoyer la grosse purée sur le très bourrin et Hardcore "The Marrow of a Bone". De bons albums, faisant plaisir au public français, mais à part quelques morceaux hissés au rang de classiques, rien d'ultime. Du 7/10. Puis vint la phase d'or du groupe. Le début d'un tryptique à même de faire tout reconsidérer pour ceux qui se plongeraient dedans. L'énorme "Uroboros" tombe en 2008, opus Progressif et tortueux, porté par le chef d’œuvre post-Hiroshima "Vinushka", meilleur morceau que le groupe nous fournira jamais, empreint d'une ambiance rituelle et nostalgique, signant un sans-fautes au sein d'un melting-pot d'influences qui met du monde sur le cul. Mais ce n'était encore rien par rapport à ce qui allait suivre, le "Dum Spiro Spero" balancé quelques 3ans après touchant à la fois les enfers et les cieux, d'une noirceur abyssale et d'une violence percutante, mêlant des accents Death Metal voire Grind à une musique céleste constamment tournée vers le ciel, clair-obscur constant des plus bluffants sous fond de Fukushima et de torture d'un peuple plein d'espoir. Et la suite, nous y voilà.

Après les soucis de santé du frontman rockstar Kyo (non, pas de remarques, merci) ayant failli perdre sa voix fin 2011-2012, le groupe revient. Un EP de réenregistrements, "The Unraveling", voit le jour, comme ça, puis silence radio. Un extrait filtre. Un nouvel album va sortir. Ils nous donnent la date, 10 décembre 2014. Puis rien. Aucune promotion, aucune activité nulle part, le groupe a disparu. C'est vers toute fin décembre que je percute, je me dis "hey mais c'est vrai, ils devaient pas sortir un album ces cons là ?" et du coup je vérifie. Et il est là. "Arche" est sorti. Comme ça. Bon d'accord très bien. Donc c'était pas du bidon, cet album fantôme existe pour de vrai. Et voyons voir ce qu'il a dans le ventre...

Putain. Mais c'est pas possible. Comment ils font.

"Arche" est mon album de 2014. Rien de plus, rien de moins. Dès la première écoute je l'ai su malgré le fait que je n'y ai rien compris. Il atteint le Top avec une facilité tellement déconcertante que ça m'en donne le tournis, se plaçant comme 3e volet d'une succession d'albums de leurs années. Wow. Néanmoins, si on reconnaît le style des japonais, il tranche nettement avec ses deux prédécesseurs sur de nombreux plans. "Uroboros" était ancré dans la nostalgie et le béton. "Dum Spiro Spero" dans les ténèbres organiques. "Arche" fait corps avec l'éther. L'intégralité de l'album irradie de lumière, nous plonge dans une douce sensation de flottement, nous emmène voler et contempler les rayonnements de la stratosphère. La place est faite à la mélodie, on coupe les racines avec les énormes accents Deathcore possédés du monolithe précédent et on nage dans le Post-Rock délicat et ciselé de main de maître. Je pense en particulier à cette merveille qu'est "Kaishun", véritable bain de photons se plaçant comme l'un des points de repères les plus évidents, ou encore la sublime "Kukoku No Kyouon" qui éblouit avec ses forts accents Post-bidules et où Kyo montre toute l'étendue de son chant clair sensible sachant se faire carrément androgyne (et ne plaira forcément pas à tout le monde). Oh, ne vous en faites pas, il y a toujours du bien ventru et direct, avec les hurlements inhumains et les growls sur-gutturaux qu'on connaît, entre tous les "Chain Repulsion", la très violente "The Inferno", ou un début d'album assez classique pour les connaisseurs mais ne tardant pas à aller tout explorer.

Mille idées ruissellent de "Arche". L'album, malgré ses quelques 51min qui le rendent plus léger d'un quart d'heure que ses deux aînés, est d'une digestion rude. Chaque passage est là pour une raison. Les riffs complexes et aériens s’enchaînent. Les lignes vocales soufflent. Et après deux premiers titre accrocheurs mais un poil routiniers parmi les autres joyaux, voilà qu'on est partis et qu'on plane. "Uroko" devient hantée et transpire la folie, l'introduction tamisée de "Phenomenon" pose une ambiance éclairée à la chandelle, tellement chiadée qu'on se voit avancer au milieu de rideaux de soie dans une pièce à l'obscurité bleutée, avant que "Cause of Flickness" parte totalement en live avec une performance vocale sous substances et que finalement ce soit le boulot de "Tousei" et "Rinkaku" (où Kyo nous livre une des performances les plus féminines de sa carrière) de finalement nous envoyer dans l'éther, cieux dont on ne redescendra plus jusqu'à la dernière note, malgré les efforts des pistes les plus terre-à-terre. Au milieu de ce marasme à la progression aussi tordue qu'évidente, chacun des cinq musiciens nous envoie le meilleur de lui-même. Tout est constamment inattendu. On peut suivre chaque compo en perpétuel éveil, les structures étant un véritable labyrinthe, les riffs d'une complexité et d'une asymétrie toujours perturbantes, portés par cette basse jouissive au jeu si particulier, et une batterie souvent surprenante dans ses patterns tout sauf communs. Je vais arrêter de juste raconter ce qu'il se passe dans chaque morceau en mode plastique parce que c'est chiant et qu'on s'en fout, on passe à la conclusion. Je me retiens de vanter les mérites des envolées de "Behind A Vacant Image" et des incursions mécaniques de "Sustain the Untruth", vraiment. Je le ferai pas. Non non non.

J'ai même pas envie de conclure en fait. Dir En Grey ont encore frappé fort. Très fort. Trop fort. On s'éloigne de l'agression de l'ultime "Dum Spiro Spero" pour faire dans le sentimental, l'émotionnel, et nous livrer un album à fleur de peau qui tape fort, ne s'essouffle pas et confirme tout ce qu'on peut penser. Réussir à sortir son meilleur album après 10ans de carrière et 7 albums, et encore réitérer l'exploit deux fois consécutives avec les deux albums suivants qui montent encore chacun d'un petit cran, c'est quelque chose de quasi inédit dans la sphère Metal. Maniant parfaitement tous ses outils, sachant mêler la violence et le groove tout en partant sans discontinuer dans des sphères à fleur de peau, "Arche" est grand. Nulle pochette n'aurait pu mieux le représenter si ce n'est avec une luminosité supérieure. Bien évidemment, il va rester quelques connards pour les incendier et boycotter en prenant le groupe pour ce qu'il n'est plus. Eh bah qu'est ce que vous voulez que je vous dise. Tant pis pour eux.

"Uroboros" était la Terre, "Dum Spiro Spero" le Feu, "Arche" l'Air. Attendons donc quelques années histoire de mettre un album aquatique en tête de file une nouvelle fois.

Tracklist :

1- Un Deux
2- Soshaku
3- Uroko
4- Phenomenon
5- Cause of Fickleness
6- Tousei
7- Rinkaku
8- Chain Repulsion
9- Midwife
10- Magayasou
11- Kaishun
12- Behind a Vacant Image
13- Sustain the Untruth
14- Kukoku No Kyouon
15- The Inferno
16- Revelation of Mankind