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Si certains célèbrent un « homme extraordinaire », Lofofora a plutôt décidé de mettre l'accent sur ceux que l'on a plus de chances de croiser au quotidien : Monstre Ordinaire. Ce titre nous amène tout de suite sur le côté grinçant du groupe qui sort ici son septième album, le dernier en date étant Mémoire de singe, sorti en 2007. Une chose qui a changée c'est le visuel. S'ils s'étaient ancrés dans une imagerie propre au style « fusion » des années 90, un peu street art, articulé autour du L de leur nom en version stylisé, ils sont ici sur une autre planète. La pelle trainée par un inconnu, le point de vue de la photo, comme si on était allongé par terre, nous amène plutôt dans un film noir, polar sordide ou fait divers dont on ne s'étonne plus vraiment aujourd'hui.
Et cette ambiance noire, pourtant servie par des couleurs chaudes, va transpirer sur tout l'album. Lofofora, par un son dense et axé métal plus que rock. En terme d'identité, on retrouve aussi des titres courts avec des mots soit suggestifs (Elixir, Le Visiteur) soit carrément orienté (Cannibales, Utopiste). Sur onze titres et plus de cinquante minutes, on va sentir tout le panel du talent des Lofo s'exprimer en suivant le fil rouge de leur personnalité rentre-dedans sans pour autant que tout se ressemble.
On se rend compte à l'écoute que la disto et le groove se partagent l'affiche sur cet album qui tranche évidemment avec ceux qui les ont fait connaître. On est bien loin de cette fusion dont on parlait plus haut sauf peut-être sur le départ d'Elixir. Là on rentre vraiment dans le métal, ou dans un rock tellement baraqué qu'il se confond avec son turbulent cousin. Parfois il prend des allures un peu punk avec La Merde en Tube, diatribe énergique contre tout ce que les média peuvent nous fourrer dans le crâne et notre participation joyeuse à ce lavage de cerveau à coup de matière fécale. Mais la claque que cherche à nous mettre Lofofora ne se limite pas à ça et Utopiste et son rythme enlevé met la barre haute. Certes c'est dur à avaler car les couplets sont un peu monotones (au premier sens du terme : pas de variation) mais soyons francs : le reste de la chanson regorge tellement de groove et d'ambiance que l'on digère vite cette entrée en matière massive et l'on est prêt pour la suite, surtout quand vient la partie à 3'45 où un riff surpuissant vient emporter le titre.
On sait aussi que le groupe aime raconter des histoires, et Monstre Ordinaire ne déroge pas à la règle. Ce qu'ils savent faire aussi c'est y mettre les formes : Les Conquérants, qui raconte l'invasion par l'Occident et ses valeurs sur les Indiens d'Amérique du Sud, soutenu par une musique tantôt lancinante quand Reuno raconte les misères apportées par les conquérants, tantôt plus brutal pour exprimer la rage d'avoir perdu leurs racines et leurs valeurs. On peut aussi parler du Visiteur, chanson crasseuse à souhait, où l'on retrouve cette fameuse ambiance film noir. Ici ils ont trouvé le riff qui va développer l'inquiétude des protagonistes qui entendent un étranger sonner à leur porte. Sur ces titres, l'histoire ne prend jamais le dessus sur la musique et les petites finesses du batteur et du bassiste mettent la touche de groove qui montre que l'ensemble paroles / musique est homogène.
L'autre spécialité du groupe, ce sont les chansons à la première personne. Ce sont des passages plus revendicatifs, où l'on sent la rage que le groupe porte à la société, aux valeurs qui nous font oublier notre humanité jusqu'à devenir la bête dont on nous parle dans Frustrasong. Tout ça avant de finir sur une chanson, La Beauté et la Bête qui aurait presque pu avoir des consonances doomesque tellement est est lente et brille par sa lourdeur. La boucle est bouclée, on finit à l'opposé du spectre même si le ressenti est le même, cette hargne sans borne, on est vidé, la tête et les oreilles en lambeaux d'avoir pris aussi cher !
Et si le monstre dont parle Lofofora, c'était eux ? Eux qui nous hurlent aux oreilles des choses qu'on n'a pas forcément envie d'entendre ? Monstre Ordinaire est un album qu'on pouvait attendre de la part d'un groupe dont la réputation n'est plus à faire. Alors, plus on écoute, plus on aime car Lofofora ne tombe pas dans la facilité de se servir de son image pour faire passer son message. Bien au contraire, la recherche musicale est là, l'envie de faire des morceaux qui marquent et surtout qui vont cartonner en live comme ils ont déjà su le faire jusqu'à présent. A soutenir !
1. Utopiste - 4:54
2. Les évadés - 4:13
3. Élixir - 4:54
4. Les conquérants - 4:45
5. La merde en tube - 2:51
6. Le visiteur - 5:11
7. Ma folie - 4:54
8. Un mec sans histoires - 3:09
9. Cannibales - 4:38
10. Frustrasong - 3:36
11. La beauté et la bête - 7:39