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Dans les gouffres acides et ténébreux du chaos et de la destruction mécanique et futuriste, les colosses attendent leur heure.
Sans émotion, sans attente, sans ennui, ils sont simplement là, impassibles et massifs, colonnes d’acier semi-organique fabriqués pour la future destruction du monde dans la forme que nous lui connaissons.
Désormais, ils arrivent…il est temps…l’existence est prête à se faire broyer par la masse incommensurable et inimaginable du "Koloss"…
"I Am Colossus".
Simple présentation…
Le rythme est massif, le tempo lent, le riff aliénant et répétitif, les basses si vrombissantes que les murs en tremblent…comme cette sensation d’être dorénavant surplombé par ce colosse monstrueux et cruellement imposant. Psychotique à souhait, Jens Kidman hurle et déchire ses cordes vocales telle une créature déshumanisée, dévitalisée presque, se contentant de distiller souffrance, violence et hurlements d’écorchés vifs. Un pont atmosphérique, évoquant simplement les voyages spatiaux organisés pendant "Catch 33", installe une ambiance malsaine, latente et faussement dangereuse, bercée entre brutalité et simple malaise.
Meshuggah est de retour après cinq ans, et ils sont très attendus.
Suite à un "ObZen" ayant frôlé les retours parfaits de la part de la presse et du public, engendré un album live et plusieurs tournées autour du monde, les suédois n’avaient pas le droit à l’erreur sur leur retour.
Néanmoins, en toute objectivité, certains restaient sceptiques sur ce si franc succès. "ObZen" n’était-il pourtant pas éloigné des œuvres plus magistrales encore de "Chaosphere" ou "Catch 33", plus révolutionnaires et expérimentales encore, chacune dans leur optique ? "ObZen" n’était-il pas un choix de semi-facilité d’un artiste ne se renouvelant pas totalement ? Misant sur une technique tellement particulière que tous crieraient de toute façon au génie ?
Peut-être un peu…
Quoiqu’il en soit, "Koloss" était attendu par tous, autant les déçus d’"ObZen" que ses adorateurs, et ce septième album studio s’annonce bien différent. Supérieur aux œuvres précitées ? Non. Mais différent…
"The Demon’s Name is Surveillance" plonge l’auditeur dans les tourments d’un Meshuggah qui n’avait pas été aussi violent et rapide depuis un certain temps. Tomas Haake martèle une double pédale écrasante au possible pendant l’intégralité du morceau, au service d’un riff surpuissant et cisaillant tout sur son passage. Plus rythmique, les lignes de chant surprennent pendant que les guitares n’arrêtent pas de changer et d’être en mouvement. Un solo en polyrythmie si cher à Fredrik Thordendal survient, surprend, subjugue et provoque le malaise caractéristique de ces sonorités métalliques et inconcevables, se rapprochant parfaitement de l’idée d’un colosse écrasant le monde sous son poids, empreintes de sadisme et, dans une certaine mesure, de beauté tragique.
Comme point commun avec "ObZen", "Koloss" possède une grande hétérogénéité, passant en revue presque tous les éléments qu’à déjà proposé Meshuggah par le passé, et dispose donc, par alliance, du même défaut principal, à savoir ne pas véritablement faire avancer la musique du visionnaire suédois.
Le lourd et martial "Behind the Sun" est un équivoque retour à "Catch 33", extrêmement étouffant, suffocant même, et broyant l’auditeur en morceaux, l’oppressant au maximum. Mais est-ce vraiment nouveau ? Avec un artiste de la trempe de Meshuggah, nous sommes en droit d’en attendre toujours plus…pourtant, cela n’enlève en rien l’excellence de la composition, son incroyable richesse et son intelligence narrative, passant d’un morceau très mécanique (le son est incroyable) et linéaire à des changements de rythmes initialement inconcevables, ainsi que l’arrivée progressive de mélodies latentes et glauques en toile de fond. Quant à Kidman…fidèle à lui-même…terrifiant…
"The Hurt that Finds you First" renoue avec une violence que l’on n’avait pas perçue depuis longtemps chez Meshuggah. Une brutalité brute, agressant littéralement l’auditeur autant par ses riffs tordus et alambiqués que par l’explosion qui se produit dès l’entame du morceau. La batterie est martelé du début à la fin sans une once de changement, complètement robotique et aliénante et, sur cette piste, il faut avouer douter de la véracité du batteur qui insiste sur le fait que le Drumkit from Hell n’est été utilisé que pour la composition, tant l’ensemble sonne ici synthétique et inhumain.
"Koloss" se trouve au final si varié qu’il est difficile de parler de l’album sans évoquer individuellement les compositions. "Marrow" semble sortie de l’ère "Chaosphere" / "Destroy Erase Improve" avec le retour de ces soli magiques faisant toujours un effet incroyable. L’intensité du morceau joue énormément sur la saturation des guitares, plus lourdes que jamais, mitraillant à l’extrême entre les parties solistes prenant une teinte intellectuelle des plus fructueuses. "Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion" (merci pour les noms à rallonge) se rapproche lui aussi énormément de l’époque atmosphérique de "Catch 33", mais aussi de "I", plus expérimentale et insaisissable. Alors malgré l’excellence du propos, de la technique et du son, force est d’admettre qu’en définitif, cela n’est juste pas nouveau.
"Swarn" se veut plus novateur dans ses riffs et la rapidité d’exécution. L’ambiance est différente, moins sombre mais plus tordue, presque obsessionnelle. Quant à "Demiurge" qui le suit, il s’agit de la composition la plus impressionnante de l’album, tellement lourde mais disposant de samples aériens en arrière, spatiaux et psychédéliques, prenant peu à peu et progressivement le pas sur la lourdeur mécanique de l’album, pour tendre petit à petit vers ce que sera la conclusion de la marche du "Koloss", à savoir l’instrumental "The Last Vigil", atmosphérique et bardé d’accords et d’arpèges comme seul Meshuggah sait le faire.
Difficile à appréhender donc. "Koloss" est excellent, très technique et arpente avec brio l’ensemble des chemins que les suédois ont un jour côtoyé pour fructifier l’ensemble et même en faire ressortir un ensemble cohérent. Mais en ce sens, cet album pourrait être pris autant comme un best of inédit du groupe que comme une œuvre complètement originale et expérimentale.
Ne nous mentons pas, des milliers de groupes font cela, mais venant de la part de Meshuggah, nous ayant habitué à innover et sans cesse renouveler ses idées, parfois de manière très radicale, voir incomprise, ce "Koloss", aussi excellent soit-il et sans être complètement aux pieds d'argile, n’en laisse pas moins une sensation de déception derrière lui, surtout après cinq ans d’attente.
Espérons simplement que cela ne devienne pas une (mauvaise) habitude de la part de la bande à Thordendal…
1. I Am Colossus
2. The Demon’s Name Is Surveillance
3. Do Not Look Down
4. Behind the Sun
5. The Hurt That Finds You First
7. Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion
8. Swarm
9. Demiurge
10. The Last Vigil