"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Amiensus, c’était une belle promesse. Celle d’un groupe assez novateur et prometteur à la croisée de plusieurs chemins (post, atmo, sympho, progressif) dans le domaine d’un black metal relativement moderne. Le groupe qui devait élever la scène américaine et apporter un vent frais sur le petit monde du black « à claviers ». Ceci grâce à son excellent deuxième album qu’était Ascension (2015), pépite de black metal moderne, aventureux et un brin futuriste, porté par des morceaux retentissants comme « On These Deserted Plains », « One in Spirit » ou encore ce chef d’œuvre absolu qu’était « Towards Horizon ». Mais comme on dit toujours, il faut « transformer l’essai », on va « suivre ça de près » et souvent, après… pschitt. Déjà parce qu’Amiensus a fait un choix, celui de devenir un « vrai » groupe, orienté autour d’un line-up de cinq personnes aux rôles classiques, alors qu’Ascension avait été enregistré par sept musiciens et chanteurs/euses multi-cartes. Amiensus n’aura donc pas été le The Ocean du black metal, et a continué sa route de manière plus conventionnelle. Si l’EP All Paths Lead To Death (2017) était moins ambitieux mais satisfaisant, le troisième album Abreaction (2020) avait lui été assez décevant, le groupe du Nord-Est des States n’ayant pas réussi à retrouver ni le souffle de Ascension, ni l’efficacité de All Paths Lead To Death, régressant sur le fond comme sur la forme. Ascension semblait donc être une belle promesse oubliée, et au pire on se le remémorera comme un one-shot d’un groupe au sommet de son art, seulement cinq ans après sa fondation en 2010. Mais Amiensus n’a pas abdiqué pour autant, et remet donc le couvert quatre ans plus tard, avec un nouvel album nommé Reclamation qui sera divisé en deux parties. Un concept déjà plus ambitieux qui nous fait dire… et si ?
Et si Amiensus reprenait finalement les choses là où il les avait (brusquement) arrêtées avec Ascension ? Reléguant le faiblard Abreaction et retrouvant une partie de ses particularités, qui avaient propulsé très haut son deuxième album ? On a envie d’y croire après une paire de singles autrement plus prenants et épiques que les morceaux plus traînards d’Abreaction. Amiensus refait un franc pas vers les éléments d’Ascension, en remettant en avant les voix claires - même si les voix féminines ne signent pas leur retour, les violons et aussi plus d’emphase sur les passages atmosphériques. La production regagne également en clarté et en puissance, et le groupe américain a fini par retrouver sa verve et surtout déterrer son ambiance éthérée si particulière. Si on a toujours affaire à un black metal bien peu trve et encore moins agressif, très aéré et mélodique, et porté par des vocaux harsh maîtrisés plus « metal extrême » que réellement black ; Amiensus reprend ici ses préfixes post, atmo et progressif (plus que sympho d’ailleurs) pour mieux les bonifier encore, même s’ils ont toujours été là quelque part… Dès l’ouverture sur « Blink of the Moment », on retrouve ces mélodies lumineuses qui ont depuis toujours fait le sel d’Amiensus. Et le groupe de bien vite se retrouver un souffle épique insoupçonné il y a encore quelques temps dès que le chant arrive sur fond de blasts. Avec un refrain en chant clair tout en sincérité et retenue, en plus de compos inspirées, on retrouve donc bien vite le Amiensus que l’on aurait jamais voulu quitter. Pas plus flamboyant que de raison, surtout que ce ne sont pas les synthés qui seront mis en exergue sur ce Reclamation: Part 1, mais un Amiensus vraiment de nouveau entraînant et épique. Qui s’offre d’ailleurs de suite deux bonbons pour ne pas perdre le rythme, avec le splendide « Reverie » (avec un chant clair futuriste du plus bel effet, des violons très émotionnels et des leads incroyables) et le passionnant « Senses Amplified », très progressif avec des moments salvateurs et une atmosphère enivrante. C’est beau.
Mais si à ce stade Amiensus se place surtout entre Ascension et du Abreaction en (bien) mieux, « Sun and Moon » va lui permettre de (re)passer à un autre niveau en retrouvant quelque chose qu’il avait aussi oublié : le raffinement et la classe absolue d’un « Towards Horizon ». Morceau de huit minutes qui démarre avec un passage acoustique très riche absolument fantastique, « Sun and Moon » nous remet en avant le potentiel fou d’Amiensus avec une pièce atmosphérique d’une pureté sans égal, accompagnée d’un chant clair très touchant tout du long, d’un break central à tomber par terre et d’un final à leads libérateur. Pfiou. Il sera même difficile de passer après ça, et généralement de cette première partie d’album assez exceptionnelle où l’on retrouve un grand Amiensus. « A Consciousness Throughout Time » en sera du coup plus classique mais les Américains sont toujours en forme et en particulier leur vocaliste extrême qui se lâche ici (on réentendra même des quasi-growls toujours aussi efficaces), de même que les violons qui vont bien se faire remarquer. Plus typé black mélo, « Vermilion Fog of War » est lui un single plus direct et complète bien la palette d’Amiensus, toujours avec beaucoup d’inspiration (quelles rythmiques !). « Spoken Into Will » joue une dernière fois la carte de l’atmosphérico-épique, avec encore des guitares (riffs et leads) très lumineuses et un chant clair enlevé pour un résultat très (trop ?) cotonneux ; avant que Reclamation: Part 1 ne se clôture déjà sur l’outro semi-acoustique « Transcendence Through Grief » hélas un peu longuette et dispensable. Déjà ? Reclamation: Part 1 allonge quand même 52 minutes et vu qu’il y a Part 1, c’est que ce n’est pas fini et que Amiensus a encore des choses à dire, à commencer par terminer ce diptyque, avec une séquelle dont les détails devraient tomber bien assez vite. En attendant donc de confirmer tout ça par un Reclamation: Part 2 déjà très attendu, Reclamation: Part 1 remet le nom d’Amiensus en avant avec un « demi album » à la hauteur de l’ambition qu’il avait autrefois, et cela fait plaisir. Ce n’est qu’une fois le diptyque complété qu’on pourra dire qu’Amiensus a cette fois transformé l’essai d’Ascension, neuf (!) ans plus tard ; mais si Reclamation: Part 1 n’est logiquement pas abouti et se contente de nous montrer un Amiensus en excellente forme, il propose des choses assez formidables dès les premières compos, et les promesses reviennent… voire sont déjà presque comblées.
Tracklist de Reclamation: Part 1 :
1. Blink of the Moment (5:28)
2. Reverie (5:27)
3. Senses Amplified (7:03)
4. Sun and Moon (8:37)
5. A Consciousness Throughout Time (6:23)
6. Vermilion Fog of War (6:20)
7. Spoken Into Will (7:26)
8. Transcendence Through Grief (5:14)
