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Urgent, fou, haineux et immédiat. Autant de qualificatifs qu’il est possible de lier à la musique des impénétrables italiens de (V.E.G.A.), ne serait-ce qu’à la première fraction de seconde introductive à ce Cocaine, carte de visite torturée du trio, figurant en première place dans leur quasi-anonymat discographique.
Lilja, premier morceau de l’album supposé être composé sous le joug de substances poudreuses, pose la matière, impose un mur de granit, et les musiciens fracassent le monolithe au marteau pilon, dans une tension de tout instant, comme une course frénétique en ligne droite, en retenant son souffle pendant 58 minutes.
Mais au cœur même du morceau qui laisserait penser que le groupe a déjà donné le ton, voilà qu’interviennent des hurlements féminins obscurs, secondés par un chœur d’enfants, entonnant innocemment un hymne insaisissable, instant de pureté juvénile totalement pervertie dans un océan de brutalité.
Il est donc nécessaire de préciser que tout ce laïus ne traite que de ce qui est censé faire office d’apéritif à Cocaine. (V.E.G.A.) tire beaucoup de cartouches en à peine 3 minutes, mais saura tout au long de l’heure suivante surprendre son auditeur, réalisant l’extraordinaire tour de force de conserver sa brutalité aliénée et effroyable sans coup férir, quand bien même les italiens choisiraient de lever le pied par instants, en abordant dans un ou deux morceaux des aspects plus calmes en voix, en rythme ou carrément en style. En somme, l’artillerie se positionne aux frontières du Black indus énervé, mais mitraille également dans un feeling plus éclectique.
Inutile d’aller plus avant néanmoins, soyons francs de suite, si la notion d’impitoyable mur sonore vous est rédhibitoire.
La démarche de (V.E.G.A.) est prise et parfaitement assumée : pousser l’extrémisme musical à son paroxysme, repenser la diversité, se créer un univers sous l’aura malveillante d’un dément qui hurle ici comme un supplicié auquel on arracherait la peau du dos, maître dans l’art du frisson par certaines de ses déclamations susurrées directement dans l’encéphale, et qui semble nous observer d’un regard inquiétant, à l’image de l’inconfortable pochette de l’album.
Insex Infect et Perspective passent en distribuant les coups de burins à nos tympans endoloris, Beton #1 compresse le son par une entrée en matière tout simplement furieuse, fracassante, qui contre la cadence générale à laquelle nous étions presque habitués depuis le début de l’aventure, en ralentissant le rythme et entamant la première approche électronique de Cocaine, autre facette de l’univers touffu de (V.E.G.A.).
Burning in my own Dream of Life enchaîne et renoue avec des riffs dissonants très intenses et gorgés d’émotions, là encore et jusqu’à la monstrueuse Marchin Off, (V.E.G.A.) maintient la pression sous sa pesante et imposante masse sonore, sans pour autant dissimuler un manque d’inspiration sous un brouhaha insupportable.
La production aussi colossale que l’agressivité déployée ici, accentue le propos sans jamais en masquer les subtilités, il suffira par ailleurs de se pencher quelques instants sur l’architecture fouillée des morceaux pour s’en apercevoir.
Tout en relief et en fluidité, (V.E.G.A.) ne fait pas qu’appliquer une démonstration gratuite de bestialité, mais a recherché à élaborer un univers musical cohérent, aussi varié soit-il. Beton #2 , obscure déviance industrielle maladive, tranche directement dans la masse sans pour autant la disperser, comme une idéale remontée vers l’oxygène avant la plongée fulgurante dans la très réussie spirale asphyxiante Kill Me / « Marchin Off …
Déjà trois-quarts d’heure se sont écoulés depuis les retentissantes et effrayantes psalmodies des jeunes enfants de Lilja, et la folie s’est immiscée dans l'esprit, laissant le palpitant emballé, instable, l’esprit sonné et abasourdi par cette diversité dans l’agressivité, laissant peu de temps au souffle, que ce soit dans la décharge haineuse ou dans l’instrumentation des méandres obscurs de l’esprit de (V.E.G.A.).
A titre de phase terminale, (V.E.G.A) développe son patronyme en un ultime Vacuum Era Gelid Atmopshere, morceau de bravoure déployé sur 14 minutes, témoignant des velléités électroniques du combo, timides à mi-parcours mais exacerbées sur cet achèvement.
Sorte de voyage entre harmonies de cordes, plus introspectives, electro rétro aux claviers grinçants plus psychédéliques et fil conducteur de l’ensemble du disque, cette conclusion renoue avec la force spirituelle qui englobe l’œuvre, paradoxalement aussi dispersée qu’unitaire certes, mais indubitablement énigmatique.
La boucle est bouclée sur un album d’une qualité et d’une recherche atypique, un aboutissement dans la décharge de violence maîtrisée, d’intellectualisation de la férocité.
Ce sentiment indicible que quelque chose d’important, d’intense, de mystérieux et d’effrayant se dégage de cette rondelle, bref, de la démarche artistique du groupe en général, ne peut que retenir notre attention, au risque de trop pénétrer dans l’univers tourmenté de (V.E.G.A.), histoire de malmener notre inconscient jusqu’à ce qu’il y prenne plaisir.
Une gigantesque baffe, pour peu que son hermétisme ne vous effraie pas.
N.B. : La pochette figurant ici reflète la réédition de l’album chez Debemur Morti, la première fonte du matériel ayant été opérée chez Legioni Dell, en édition limitée, en 2002.
1. Lilja
2. Insex Infect
3. Perspectives
4. Beton #1
5. Burning in My Own Dream of Life
6. Consumed Seclusion
7. Beton #2
8. Kill Me
9. Marchin' Off...
10. Vacuum Era Gelid Atmosphere