Hellfest 2019 - Jour 2
Open Air - Clisson
Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.
Jour 2
Di Sab : Tout a été dit, montré, décortiqué, sur ce Hellfest. Par les médias nationaux, à travers les live reports vidéos et écrits et à travers les différentes polémiques que vous connaissez aussi bien que nous. Toutes ces choses ont un peu occulté le fait que cette année, et peut-être pour la première fois, le Hellfest peut se permettre de se reposer sur ses immenses acquis. 180 000 personnes, 27 millions de chiffre d'affaires, depuis 2014, on assiste à une réelle montée en puissance qui aboutit, cette année, par le fait que le Hellfest est devenu le plus gros festival de France (en termes de CA). Cette prédominance a plusieurs conséquences :
Premièrement, ce qui, il y a quelques années, relevait du fantasme devient de plus en plus possible, et alors qu’une rumeur AC/DC 2020 commence à poindre, le moment où, artistiquement, le Hellfest ne pourra plus croître car il aura eu tout ce qui relevait de son spectre musical n’est plus qu’une question d’édition. Cependant, malgré le gros développement image de marque qui, il y a quelques éditions, en avait agacé plus d’un, j’ai trouvé cette année le public étonnamment soft et pas tellement hors sujet. Pas de « à poil » devant Messa, pas de déguisements devant Emperor, le fameux « touriste » n’a pas été sortie, contre toute attente (l’absence de Download + le Knotfest m’avait fait craindre le pire). Cependant, on se retrouve quand même face à un public parfois franchement peu connaisseur. Et pour s’en convaincre, il suffit de constater les parterres bien dégarnis devant certaines raretés ou certaines légendes. Sous la Temple par exemple, Hellhammer, Sisters of Mercy et King Diamond ont tous fait entre 2 et 3 fois moins que des Combichrist, Punish Yourself ou Skald. Alors, bien sûr rentrent en compte les clashs avec d’autres groupes, les hypes etc. mais il y a indéniablement un écart entre l’exigence artistique du Hellfest (un fait plus que remarquable cette année) et la réception du public.
Deuxièmement, l’enjeu réside désormais dans l’accueil du festivalier. En ce qui concerne la gestion cette année plus qu’aucune autre, j’ai trouvé ça facile de circuler sur le site et ce même le samedi qui est forcément le climax en termes de fréquentation du festival. Les attentes ne sont pas interminables et l’interdiction des chaises sur le site a réellement désengorgé les alentours des mainstages. Autre point très positif, aucun problème de son sous les Temple et Altar là où un certain nombre de concerts avaient été ruinés les années précédentes à cause de cela. La nourriture est ce qu’elle est : inégale (on mange mieux dans certains festivals plus petits) mais loin d’être scandaleuse et d’être considérée comme un défaut. Malgré l’aspect immoral de sa consommation, un gros big up au stand homard qui a salé toute la clique fan des comparaisons Hellfest/Disney et des saillies sur les bobos, comme si le fait de barbotter dans sa merde et son sandwich aux oignons était intrinsèque à l’expérience du métale bien bourrin. Pour la première fois en conférence de presse, aucun gros défaut n’a été pointé cette année, preuve également que le festival commence à être au top de la gestion de ses espaces : points d’eau, food court, son, écrans, déco, en sortant de ce Hellfest, il devient difficile de trouver des points qui pourraient être franchement améliorés. Gageons qu’après toutes leurs galères des jeunes années, le festival a enfin le droit à un peu de quiétude et de certitudes. En tant que passionnés, nous espérons seulement que jamais le festival ne cède à la facilité et que, malgré son « nouveau public », il n’arrête de proposer des groupes rares dont le prestige ou l’excellence supplante la notoriété.
Retrouvez notre report du jour 1 ici et du jour 3 ici.
Mantar
Valley
14h20 - 15h00
Di Sab : Hellfest, we’re Manowar, sorry for being late ! On commençait en effet à désespérer. Heureusement, c’est à 14h20 que Manowar Mantar vient se rappeler à notre bon souvenir. Après un troisième bon album sorti dans une certaine indifférence, on avait peur que sa fan base s’en aille aussi vite qu’elle se fut constituée.
La grande influence du samedi, la chaleur ou la réputation des boshes en live les ayant précédé, c’est devant une Valley blindée comme rarement à cet horaire que l’intro Razor’s Edge d’AC/DC résonne dans la sono. Je commence à ne plus compter le nombre de fois où j’ai vu Mantar en live mais à chaque fois le même résultat : à la fois soufflé par leur puissance et impressionné par la facilité avec laquelle le duo fait prendre corps à ses compos. Un rendu extrêmement pro qui dialogue parfaitement avec la dimension DIY du propos. Les deux aspects du groupes sont d’ailleurs matérialisé par l’élégant batteur qui répond à Hano et son vieux tatouage AC/DC sur la couenne. Les nouveaux titres (Age of the Absurd, Taurus et Seek and Forget) s’intègrent bien au set. Leur aspect direct jouant forcément en leur faveur. Forcément et malheureusement, les représentants de The Art of Setting Ablaze poussent des bons titres vers la sortie : Astral Kannibal et Praise the Plague ont manqué mais n’ont pas été nécessaires à Mantar pour poursuivre leur œuvre de destruction et livrer un des meilleurs concerts du festival.
Sumac
Valley
16h - 16h40
Di Sab : Se confronter à la complexité du trio emmené par Aaron Turner à 16h relève du masochisme. Loin du post metal d’ISIS aux teintes radieuses, Sumac officie dans un sludge labyrinthique qui se complexifie au fur et à mesure que la discographie du groupe s’étoffe. Le set sera axé sur la dernière production du groupe et malgré les qualités indéniables des trois musiciens, ce concert ne fut pas mémorable, la faute à un contexte ne s’y prêtant pas. On retiendra tout de même la puissance vocale de Turner en attendant de revoir Sumac en salle.
The Ocean
Valley
19h40 - 20h40
Di Sab : Après avoir chiné vinyles et sauce piquante et regardé la moitié du set de Candlemass, quelle ne fut pas ma déception de ne pas avoir vu The Ocean en intégralité. Extrêmement peu familier avec le collectif j’avais admiré l’album Pelegial en 2013 (album qui narrait une descente au sein de l’océan où chaque strate assombrit le propos) sans pour autant revenir dessus. Il est toujours difficile de raconter des concerts de post metal ou de toute musique ayant une dimension progressive tant l’expérience relève de l’intime. Là où Amenra a tendance à drainer ta force vitale, The Ocean a plutôt un effet contraire sur mon intériorité. Les petites lignes de guitare gomment toute trace de mélancolie avant que l’ensemble ne nous porte ailleurs, vers des souvenirs que l’on pensait enfouis. Ce concert fait réellement office de révélation de cette année. Vrai coup de cœur.
Candlemass
Altar
19h40 - 20h40
Sleap : Cette seconde journée est pour moi assez soft niveau running order. Candlemass étant le seul groupe du jour que je ne veux pas rater. J’ai pourtant déjà pu les voir en live un certain nombre de fois, mais la présence du chanteur original constitue chez moi une véritable attente. À cheval entre l’inquiétude et l’excitation, je me presse donc sous l’Altar – qui visiblement n’a plus rien de Death Metal – pour l’arrivée des Suédois.
Existe-t-il meilleure entrée en matière pour un show de Candlemass que le titre The Well of Souls ? Je ne pense pas. « I bind unto myseeeeeelf… » ça y est, je ne suis plus objectif… Tout en solennité, ce morceau pose directement l’ambiance avec ses mélodies orientales et ses passages martiaux. Comme je le préssentais, le vocaliste d’Epicus Doomicus Metallicus n’arrive pas à la cheville de son émérite successeur Messiah. Certaines montées comme « Candlemass darkness desceeeeeennnnds » sont tout simplement irréalisables pour lui. N’est pas Messiah qui veut ! En revanche lors de l’interprétation des titres du premier album, je n’ai rien à redire. C’est d’ailleurs la première fois que j’entends en live A Sorcerer’s Pledge. Je suis tout ému.
Côté jeu de scène, c’est malheureusement équivalent au frontman précédent. Là où ce dernier gênait par ses mimiques et ses pas de danse hors de propos, Längquist gêne par son manque d’aisance sur scène. On voit vraiment qu’il n’a pas arpenté les planches depuis de nombreuses années. Il va timidement voir les autres musiciens, fait quelques horns up à la foule, mais ça s’arrête là. Il ne sait pas trop comment occuper l’espace, et c’est bien dommage, surtout pour une scène aussi imposante. En revanche, s’il y en a bien qui en imposent aujourd’hui, ce sont ses trois compères guitaristes et bassiste. Quelle classe ! Après les trois de Carcass hier, ce sont sans conteste les trois de Candlemass qui obtiennent la palme en ce second jour de fest. Ils ne sont pourtant pas hyperactifs sur scène, bien au contraire, mais leur carrure, regards et manière de se déplacer en font de véritables icônes. En parfaite adéquation avec la musique jouée !
J’avoue être un peu déçu par l’absence de Demon’s Gate – je n’entendrai définitivement jamais ce morceau en live… –, mais la setlist est tout de même superbe. Même les titres du nouvel album passent hyper bien. Je vais peut-être y jeter une oreille ! Le public reste assez impassible pendant une bonne partie du concert mais semble tout de même apprécier la prestation des Suédois. C’est évidemment l’arrivée de Solitude en fin de set qui fait le plus réagir la foule. En définitive, un très bon concert de Candlemass, mais qui, vocalement parlant, n’aura pas tellement comblé mes attentes.
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Sleap : La suite de la journée sera surtout pour moi l’occasion de me balader sur le site. Mais j’admets que les « groupes de papis » gardent pour moi un certain intérêt. Ainsi, j’assiste distraitement aux prestations de Whitesnake et de Def Leppard. Pour les premiers c’est surtout l’occasion de voir Coverdale une première (et sûrement dernière) fois sur scène. Mais le bougre n’a plus vingt ans. Je reste pour les tubes joués en final, mais le frontman passe presque plus de temps à tendre le micro au public qu’à chanter. Ce qui malheureusement peut se comprendre…
Pour les seconds, le spectacle est bien plus plaisant, surtout avec l’avalanche de tubes début 80’s, dont une majorité issus d’Hysteria. Contrairement à bien des groupes, Def Leppard comprend encore la quasi-totalité des musiciens des premiers albums, un fait assez rare pour être souligné, surtout en Hard Rock. Et ici au moins, le chant n’est pas uniquement interprété par le public, bien au contraire. Les guitaristes sont d’ailleurs d’excellents backing vocalists malgré leur âge avancé. Malheureusement pour moi, On through the Night est complètement passé à la trappe. J’apprécie tout de même les classiques Bringin’ on the Heartbreak, Let it Go ou encore la doublette finale de Pyromania, mais il me manque un petit quelque chose, dommage. En revanche, là où, d’ordinaire, les soli de batterie Hard Rock sont particulièrement insupportables, celui de Rick Allen est un vrai plaisir à voir. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut contempler un batteur manchot exécuter un solo fort convaincant. Malgré ses nombreux pads électroniques peu utiles, ce solo à une main reste assez impressionnant. Chapeau !
Enfin, j’assiste également à une partie du show de ZZ Top. Les ayant déjà vu, je ne reste pas pour la totalité du concert, mais le peu auquel j’assiste est toujours aussi plaisant. Les mecs ont vraiment la grosse classe sur scène, même à 70 ans. Toujours quelques titres en semi-playback mais ça passe tout de même très bien. Le son des grattes est absolument excellent coté Main Stage 1 et la setlist toujours efficace. Malheureusement pas de reprise de Jimi Hendrix cette fois, mais les gros tubes de Tres Hombres sont toujours au rendez-vous. Un moment sympathique entre deux allers-retours au bar.
Kiss
Main Stage 1
23h00 - 1h00
Sleap : Ma journée « groupes de papis » ne pouvait se terminer sans un splendide final sur Kiss. Là encore, c’est surtout l’occasion de voir ce que vaut le groupe sur scène avant la fin. En effet, ce show de Kiss est pour moi une première, malgré leurs nombreuses venues en France, notamment au Hellfest. Et, comme je m’y attendais, je ne vais pas être déçu, surtout visuellement !
Le show débute sur un énorme Detroit Rock City lors duquel Gene Simmons, Paul Stanley et Tommy Thayer apparaissent au plafond de la Main Stage sur trois immenses plateformes. Celles-ci se mettent à descendre durant le début du morceau, le tout dans une véritable explosion d’étincelles. Typiquement ce que j’attendais d’un show de Kiss ! Et cela va continuer tout au long du concert, avec jets de flammes, feux d’artifice, plateformes et autres structures mouvantes, et bien sûr florilège d’animations sur les écrans géants. Bien que ça n’atteigne évidemment pas le niveau scénique d’un King Diamond ou d’un Alice Cooper, l’aspect « son et lumière » d’un concert de Kiss reste très impressionnant. On en a pour notre argent ! Côté setlist c’est également le gros best of. Tous les albums de la grande époque sont passés en revue. L’enchaînement I love it Loud / Heaven’s on Fire marche du feu de dieu, de même que tous les titres du premier album.
En revanche, là où les titres playback de ZZ Top étaient assez discrets, ce n’est absolument pas le cas pour Kiss. En même temps, lorsqu’on entend la voix claquée de Paul Stanley lors des annonces, ce n’est pas étonnant… Et les annonces parlons-en ! Que c‘est long, mais que c’est long... Je comprends que le groupe soit vieux et que les musiciens aient besoin de reprendre leur « souffle » entre les morceaux, mais les sempiternels « gimme a hey ! », « i can’t hear you » et autres remerciements sans fin sont particulièrement pénibles. Et que dire des interminables soli de milieu de set… Au risque de me répéter, je maintiens que les soli de basse et de batterie dans un groupe de Hard Rock sont à bannir en concert ! Cela figure au panthéon des choses les plus inutiles sur terre, juste derrière les cover bands. Les soli de guitare sont une exception, mais dans le cas de Kiss c’est également à mettre au placard sans hésiter. Thayer est plus en train de meubler un blanc le temps que ses compères se reposent plutôt que de faire un véritable solo de gratte…
Mais fini de rager. Malgré ces divers points négatifs, le show reste agréable à regarder et l’avalanche de tubes mythiques semble satisfaire une bonne partie du public. Je suis donc assez content d’avoir enfin vu Kiss en live, ce n’était clairement pas le concert le plus déplaisant du week-end.
Cult of Luna
Valley
00h00 - 1h00
Di Sab : C’était ma plus grosse attente du festival, ce fut un des meilleurs concerts toutes éditions confondues. Trop rares en France et n’ayant pas posé leurs valises à Clisson depuis 2013, Cult of Luna a fait la Valley sienne. Arrivant comme des rois sur le nouveau The Silent Man, les Suédois ont une capacité absolument incroyable à retranscrire leurs paysages sonores. J’ai, pour ma part, toujours trouvé qu’il y avait quelque chose d’angoissant dans la musique de COL, un pouls frénétique, la genèse d’un monde électronique et déshumanisé, et la confrontation avec des entités sonores qui nous dépassent. Tout cela se retrouve et se vit lors de leur concert. Les contrastes entre la voix ample et les leads mélancoliques, les petites finitions aux synthés et les deux batteries qui te retournent. Les lights sont splendides, les musiciens en contrejour, au service de leur musique. Indéniablement, une heure de concert est bien trop court pour un groupe avec une discographie aussi qualitative. Le fait de proposer un tour d’horizon de leur carrière (un titre de Somewhere, un titre de Vertikal) peut sembler osé au vu de la cohérence du show et du déroulé du concert dans le sens où chaque album dégage une identité propre mais les enchaînements étaient parfaits. De manière quasi artisanale, Cult of Luna a bâti devant nous les titres qu’ils avaient enregistrés avant de nous les projeter frontalement. Je n’étais pas prêt à une telle puissance, concert de cette édition sans aucun doute possible.
The Sisters of Mercy
Temple
1h00 - 2h00
Di Sab : Avec leur concert unique tous les deux ans, Sisters of Mercy sont probablement la vraie rareté de cette édition, devant la petite tête d’affiche du dimanche. Placé à un horaire idéal et censé clôturer une Temple qui, l’espace d’une journée, avait décalé sa thématique de prédilection vers des contrées occupées vers ceux qui se revendiquent du mouvement gothique. Groupe autant culte que rare, n’ayant pas la meilleure des réputations en live malgré une discographie quasi parfaite, Sisters of Mercy étaient une immense attente mais je sentais, au fond de moi, qu’une pointe de déception allait poindre.
Et cela n’a pas manqué. N’ayant pas suivi les évolutions de line up du groupe d’Andrew Eldtrich, quelle ne fut pas ma surprise quand je le vis débarquer avec deux guitaristes et un programmateur. Comment ça il n’y a pas de basse ? Cela aurait pu marcher si le mix n’était pas horrible (on entendait très bien le chant et la boîte à rythme et c’est tout), si les chœurs étaient justes et si les arrangements n’étaient pas foireux (ce refrain de Detonation Boulevard littéralement massacré). Alors ok, il y a le plaisir d’avoir une setlist gorgée de hits tous plus fédérateurs les uns que les autres (même si un petit Black Planet et un Walk Away auraient fait du bien) avec en prime le pas si fréquent When you don’t see me qui est mon titre favori de Vision Thing, ok Eldtrich a conservé sa voix et celle-ci est incroyable mais non, juste non, le cœur n’y était pas. J’essaie de m’ambiancer et peut-être qu’un peu moins fatigué, j’aurais réussi à rentrer dans le set et que la fin m’aurait fait péter un câble mais ce fut impossible pour moi cette fois-ci. J’ai fait le concert par acquis de conscience et réalisant que ce n’est pas demain la veille que j’aurais l’opportunité de leur donner une seconde chance mais en ce jour, les Sisters of Mercy ont été bien loin de leur statut légendaire et ce concert n’a pas fait honneur à l’amour que je leur porte. Sans rancune.
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Sleap : C’est donc un second jour pour une fois bien tranquille pour l'équipe Horns Up. Placé sous le signe du « post » mais aussi des grands anciens (ou des vieux croulants, c’est selon), ce samedi de festival fut pour nous l’occasion d’arpenter le site et de profiter du fest sans trop cavaler entre les scènes. Cela faisait longtemps que ça n’était pas arrivé. Mais ce ne sera pas le cas pour le troisième et dernier jour. Demain, « retour à la normale » avec au programme une avalanche de groupes pour un final en apothéose. À suivre !
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Crédits photos : Leonor Ananké - Hard Force
Textes par l'équipe Horns Up.