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jeudi 14 mars 2019

A Thousand Lost Civilizations festival - J1 @ Bruxelles

Atelier 210 - Bruxelles

S.

Pendant quatre jours, Bruxelles a accueilli l’événement de l’année pour les disciples les plus assidus du black metal et du dark ambient. L’équipe de A Thousand Lost Civilizations (ATLC) a convoqué les mânes du défunt Nidrosian Black Mass, qu’elle organisait lors de sa cinquième et ultime édition, en 2015, pour dresser un nouveau festival noir. Quatre jours de concerts à guichets fermés dans deux des salles les plus emblématiques de l’underground bruxellois, avec une programmation réunissant des formations parfois si rares qu’on ne saurait pas forcément désigner une tête d’affiche pour chaque journée. Bref, un événement tellement hors normes que la tempête qui frappe Bruxelles en cette fin d’hiver semble bien faire partie intégrante de ce véritable carnaval des arts impies.

Vos serviteurs S. et Matthias ont eu la chance de décrocher les précieux sésames, écoulés en moins de 17 heures et vous restituent ici le compte-rendu détaillé de chacune des journées.

 

 

(Hekte Zaren)

S. : A 16h précises, la salle s'obscurcit. Hekte Zaren entre en scène. La formation est constituée de 3 musiciens : deux hommes aux synthés/samples en retrait sur chaque côté des planches et une femme au chant, au centre. Cette dernière joue les premiers rôles avec ses vocalises envoûtantes et possédées, occultant au passage ses deux acolytes.
Dans des tons rouges fixes et permanents, le trio délivre à la petite assemblée un Dark ambiant assez pesant et énigmatique. Toutefois, la chanteuse a beau avoir une voix magnifique et prenante, il n'en demeure pas moins que le show est rapidement soporifique. La musique est molle et la formation est complètement statique, avec un jeu de lumières inexistant. La demi-heure est donc largement suffisante. Ceci dit, j’attends impatiemment la performance de la dame avec Adaestuo le lendemain !

Matthias : C’est à l’Atelier 210 que commencent les rituels. A quelques encablures du parc du Cinquantenaire et de ses musées, cette salle est surtout destinée au théâtre et dispose donc de sièges, même s’ils sont presque tous repliés. Il faut donc un peu de chance pour trouver une place assise, mais l’ambiance sied plutôt bien à Hekte Zaren, qui ouvre le bal avec un show solo exclusif, alors qu’elle se produira demain avec Adaestuo. La voix de la dame déchire les vapeurs déjà lourdes de l'encens qui brûle sur scène, tandis que deux goules masquées assurent la partie instrumentale. La performance est soignée, quoiqu’un peu statique mais, comme tout ce qui touche à l'ambient, j'ai un peu de mal à me laisser porter par une performance live. Des réserves qui seront hélas pour moi rédhibitoires avec une bonne partie de la programmation ambient, mais je reconnais à Hekte Zaren un énorme potentiel pour susciter des ambiances fantastiques ou horrifiques. Une projection derrière la chanteuse renforcerait sans doute l’immersion.

Setlist :

Intro
Two Coins
I hid Death in me
I spoke with the moon
Outro

 

(Dikasterion)

S. : Avec son Black/Death/Thrash old school, on peut dire que Dikasterion tranche sévèrement avec le projet précédent, dans la mesure où la musique du quintet se veut très énergique et accrocheuse. A l'exception du chanteur principal les mains dans les poches, on notera la très bonne présence des musiciens pour un show plus que convaincant.

Matthias : Changement radical avec un groupe belge formé l’année passée, et qui a sorti sa première démo en juin dernier seulement. Dikasterion n’a encore qu’une poignée de concerts à son actif, et c’est la première fois que le groupe se produit à Bruxelles, mais les membres font preuve d’un subtil mélange d’enthousiasme et de je m’en foutisme arrosé au Jack Daniel’s qui les rend plutôt attachants. Mention spéciale au chanteur et à sa fausse nonchalance, une main dans la poche. Et musicalement, Dikasterion tient la route: le black/death carré prend en live des accents proprement rock&roll qu’un Lemmy n’aurait pas renié. Je suis vraiment curieux de suivre l’évolution de ce nouveau groupe !

Setlist :

Enter the Dikasterion
Matthew 4-9
Exodus 22-18
Revelation 13-06
Warmetal (Barathrum cover)

 

(Hagzissa)

S. : Le premier contact visuel avec le groupe surprend quelque peu et déstabilise le spectateur que je suis. La tenue des 4 individus n'est pas habituelle et pour le moins hétérogène au sein de la formation : le batteur porte une capuche blanche, le bassiste arbore une sorte de cape à la Dracula, le guitariste est vêtue à la façon hippie, pieds nus, short et débardeur, tandis que le chanteur... bonne question ! Ceci dit dès le premier titre les Autrichiens estompent les doutes, en produisant un Black Metal alcoolisé et déjanté, survitaminé grâce à un plan rythmique récurrent, presque hypnotique et une basse fortement mise en avant. Le vocaliste, fantasque, apparaît totalement possédé en ne tient pas en place, jusqu'à même se rouler par terre. Le cocktail est assez original mais paradoxalement l'ambiance devient vite malsaine et occulte. Une bonne surprise !

Matthias : Hagzissa aussi n’a pour l’instant qu’une démo à son actif, mais celle-ci me laissait assez froid, tant la production laissait à désirer. J’avais peur de retrouver les mêmes accents caverneux sur scène, mais le mixage se révèle au contraire excellent, comme du reste quasiment tout du long des deux soirées à l’Atelier 210. Dans ces bonnes conditions, les Autrichiens livrent une prestation très convaincante dès les premiers hoquets de leur chanteur. Celui-ci, affublé d’une sorte de chasuble de pêche à capuche ou, selon une autre interprétation valable, d’un moustiquaire, virevolte et tournoie autour de son pied de micro dans une sarabande très personnelle. Si certains riffs peuvent paraître répétitifs, des morceaux tels que Moonshine Glance et They Ride Along On the Howling Winds! se révèlent très efficaces. Hagzissa nous fait de plus la faveur d’une setlist composée pour moitié de morceaux inédits, préfigurant ainsi la sortie prochaine du premier album. Le groupe a préféré garder secret les nom de ces nouvelles compositions, et je respecterai ce choix.

Setlist :

Die Pforte (A Speech Above the Moor)
new song
Moonshine Glance (An Iron Seed In Sour Soil)
new song
They Ride Along On the Howling Winds!
new song
Atavist Kama/Aconite Trance
new song

 

 

(Saqra's Cult)

S. : Le nouvel album des Belges paru en début d’année chez Amor Fati m’avait plutôt plu, du coup j’étais relativement impatient de découvrir la version live de ce groupe. J’ai assez vite déchanté. Bien que produisant un Black Metal assez brutal, le quatuor ne me procure aucune émotion, la faute à la restitution des instruments assez fouillie et des compositions sans réelle diversité. Je suis sorti avant la fin.

Matthias : Dans le Nouveau Monde, de plus en plus de groupes conjuguent le black metal avec des références à l’Histoire et aux mythologies des civilisations précolombiennes. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs traversé l’Atlantique, nous en reparlerons. Saqra’s Cult a beau être une formation belge, elle se rapproche fortement de ce courant nostalgiste latino-américain en dédiant son oeuvre au passé inca. Sans doute faut-il s’être un peu penché sur cette civilisation pour accrocher, et je suis loin de me proclamer spécialiste, mais dès les premières mesures de The 9th King, j’ai décollé pour les Andes pour suivre Pachacuti Yupanqui dans son épopée. C’est au neuvième souverain inca que Saqra’s Cult a dédié son dernier album, et la setlist fait donc honneur à ce prince du XVe siècle en exil qui a sauvé l’empire des coalitions du Nord les armes à la main, avant de s’emparer du trône et d’étendre ses frontières. Si je découvre avec plaisir quelques compositions plus anciennes, c’est avec Legends of Pururaucas que je courbe l’échine devant l’Inca: son armée encerclée, Pachacuti invoque les Pururaucas, guerriers nés des pierres, qui brisent impitoyablement les lignes des tribus du Nord. Je suis en première ligne, tout comme le chanteur à l’imposante crinière Destroyer G. qui peut compter sur son charisme pour mener la charge.

Setlist :

The 9th King
Endless Devotion
Mesak
Legends of Pururaucas
Uku Pacha
The Last Denial

 

 

(Goat Torment)

S. : Alors que se dresse sur scène un autel où se consument des ossements de caprin (probablement la fameuse chèvre tourmentée) et qu'une dizaine de chandeliers ont été disposés face au public, Goat Torment entre en lice. Les Belges semblent déterminés à en découdre ce soir, puisque le quatuor délivre un black metal sans concession, où les temps morts sont rares. L'ambiance est malsaine et hostile, faisant penser à Tsjuder aussi bien sur le plan visuel que musical. Ceci dit, l'aspect linéaire et répétitif prend peu à peu le dessus et la fin se révèle plutôt poussive pour ma part.

Setlist :

Bones aligned
Bestial command
Disorder and disruption
Death is crowned
Angelwhore dominator
Pantheon of devourment
Of fire and brimstone

 

 

(Nexul)

S. : On monte crescendo dans la mise en scène avec l'ajout de nombreuses bougies et ossements sur les planches. C’est au tour des Texans de Nexul de montrer ce qu’ils ont dans le ventre. Force est de constater que leur Death Metal aux relents Black fait mouche. Leurs compositions jouissent d’une profondeur abyssale, couronnées par une ambiance brutale et blasphématoire. Une recette qu'ils usent jusqu'à la moelle durant les trois quarts d'heure dont ils disposent. C'est assez répétitif, on n'aime ou on n'aime pas. Pour ce qui me concerne, j’ai adoré.

Setlist :

Memoriam
Hexecration
Wrathful chaos
Dark God of Pandimensional Disrupt
Leviathan Unbound
Chaosipher Tower
Serpent of Acosmic Darkness/Paradigm of Chaos
Lord of the Bottomless seas
Drowning Sephiroth
Rape by Demons
Luziferion (Katharsis Cover)

 

(Misþyrming)

S. : Aux côtés des Svartidaudi et autre Sinmara, Misþyrming fait partie de ces groupes ayant émergé de la scène islandaise ces dernières années. Leur présence dans un tel festival et leur position dans l’affiche du jour est on ne peut plus logique. La formation se présente à l’auditoire en chemises blanches maculées de sang. De leur aspect visuel, c’est bien là le seul élément positif que j’ai retenu de leur show...la faute à un son catastrophique. Outre l’intensité bien trop forte (chose que j’ai constatée depuis le début du fest’), les balances sont mal réglées. J’ai beau me déplacer dans la salle, le constat est identique et sans appel : les mélodies sont inaudibles, c’est une véritable bouillie sonore qui émane des enceintes. Je remercie alors chaleureusement l’ingé’ son, mais aussi l’ingé’ light (s’il y en a) qui n’a pas fait bouger une lumière depuis déjà plusieurs groupes. Bref, l’ensemble de ces éléments ont complètement massacré la prestation du groupe. Quelle déception !

Matthias : Si la scène islandaise a engendré quelques perles noires du black metal moderne, je lui trouve un problème logique pour une île isolée de 300.000 habitants: sa consanguinité. Tous ces groupes venus du Septentrion ont d’indéniables qualités, mais comme ils partagent tous des membres en commun, ils finissent par tous sembler sortir du même creuset. Le set de Misþyrming ne manque pas de qualité et, à l’arrière, je ne tique pas tant que S. sur les défauts techniques, mais j’ai l’impression d’entendre une compilation de tout ce que l’Islande a sorti en black metal ces trois dernières années, avec une petite touche de Der Weg Einer Freiheit par dessus. Je m’éclipse à la moitié. C’est d’autant plus dommage que le groupe voulait honorer son public en jouant en exclusivité de nouveaux morceaux, qui ne sont pas repris dans la setlist ci-dessous.

Setlist :

Söngur heiftar
...af þjáningu og þá
Friðþæging blýþungra
hjartna
Ég byggði dyr í eyðimörkinni

 

 

(Sabathan)

S. : Devant un public qui s'est étonnamment clairsemé, Sabathan lance le dernier assaut de la soirée. L'ancien leader d'Enthroned reprend les vieux titres du groupe, avec des mélodies qui, de facto, sonnent old school.
Fort heureusement, le son a retrouvé un brin de clarté, permettant d'apprécier à leur juste valeur les morceaux choisis ce soir par les régionaux de l'étape. Tout en proposant des compositions brutales, le quatuor se laisse à quelques solos bienvenus. Un set de bonne facture.

Matthias : Je n’avais pas d’attentes particulières pour Sabathan, mais je dois reconnaître que la prestation m’a vraiment soufflé ! Elle doit tout à la présence sur scène de Lord Sabathan, solide dans la voix et inamovible dans les lignes de basse. L’ambiance est oldschool comme le souligne S. et le corpsepaint et la tenue du Seigneur accentuent encore cette impression. Un vrai retour au XXe siècle. Les membres de Sabathan sont visiblement contents de jouer devant un public acquis à leur cause, et je me laisse aisément porter par l’ambiance de cette fin de soirée dans les 90’s.

Setlist :

Intro
The Ultimate Horde Fights
The Antichrist Summons the Black Flame
Scared by Darkwinds
Ha Shaitan
Evil Church
Rites of the Northern Fullmoon
At the Sound of the Millennium Black Bells
Throne to Purgatory
Genocide
When Horny Flames Begin to Rise
Hertogenwald
By Dark Glorious Thoughts
Walpurgis Night

 

 

Matthias : Alors que je m’enfonce dans la nuit bruxelloise, je réalise que ce n’est pas à un traditionnel événement d’un week-end que j’ai la chance d’assister, mais bien à quatre jours d’un festival sans concession. Tout cela va donc se jouer à l’endurance. C’est en tout cas un beau conclave des arts noirs qu’a mis sur pied A Thousand Lost Civilizations, et je me sens assez privilégié de pouvoir en faire partie. Un sentiment d'appartenance à une “scène” qui se fait plutôt rare depuis le début du siècle, et c’est un ressenti assez particulier que d’entrapercevoir ce que je n’ai pas connu.

 

Revivez cette première journée avec 10 vidéos :

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