Live reports Retour
jeudi 25 octobre 2018

Marissa Nadler @ Bruxelles

Botanique - Bruxelles

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Il y a quasi un an nous vous parlions du Botanique, l’une des salles bruxelloises incontournables, et décidément leurs affiches automnales ont toujours de quoi me faire revenir même si on s’écarte pour l'occasion un peu plus de notre ligne éditoriale. Mais je mets un point d’honneur à ne jamais être sectaire et à m’intéresser à des territoires musicaux qui peuvent faire écho au nôtre.

Si Chelsea Wolfe est devenue aujourd’hui une icône respectée “plus metal que certains groupes metal”, elle n’est pas un cas isolé et j’avoue me passionner pour beaucoup d’auteures-compositrices. Ce n’est pas un secret qu’elles attirent un public metal et si, de premier abord, on peut avoir l’impression qu’elles se ressemblent toutes car elles partagent une espèce d’aura sombre, elles ont chacune leur propre univers et leurs influences distinctes. Je pense bien sûr à Emma Ruth Rundle (déjà évoquée dans nos pages et dont la popularité grandit peu à peu en Europe), Jarboe, Anna Von Hausswolff mais aussi une certaine Marissa Nadler.

Eh oui, la chanteuse et musicienne américaine originaire de Boston m’a particulièrement séduit puis envoûté avec son dernier album « For My Crimes » sorti cette année, une collection de morceaux qui me hantent littéralement. Pourtant, près de 15 ans après son premier opus, on ne peut pas dire qu’elle soit nouvelle dans le circuit mais son passage chez l’excellent label Sacred Bones Records (John Carpenter, Uniform, David Lynch) en 2014 l’a exposée à un autre public et marque une étape importante dans sa carrière avec trois albums qui ont forgé son image actuelle de diva gothique : douce, sensuelle mais plus sombre et mélancolique. Bien que pour l’anecdote, on retrouve sa voix sur l’album « Portal of Sorrow » de Xasthur paru en 2010, dernier album Black Metal avant leur virage folk… 

 


Pour sa tournée européenne qui débutait ce soir-là, Marissa Nadler est venue accompagnée du chanteur et compositeur également américain Lawrence Rothman, qui a co-produit son dernier album, et dont la prestation me rendait très curieux mais malheureusement la panne du train qui me mène à la capitale en décidera autrement et j’arriverai même - non sans m’être dépêché - une dizaine de minutes avant le début du set de Nadler. Frustrant...

En tout cas, la Rotonde (la salle intimiste en cercle du Bota, +/- 300 places) est bien garnie dans une configuration assise qui me laissera toujours perplexe (même pour un concert acoustique) mais c’est une question de culture. Il y a un peu tous les âges réunis et j’imagine beaucoup de simples curieux. 

Marissa Nadler, épaulée sur scène par un autre guitariste, se lance au son de “For My Crimes”... ou presque. Sa guitare n’est pas accordée comme elle le voudrait et elle prend le temps d’arranger ça tout en gardant le sourire mais le début de set est inévitablement un peu crispé. Malgré ça, ce titre est vraiment magnifique et j’adore sa voix douce et le contraste avec un texte très fort dans lequel elle se met en quelque sorte dans la peau d’un condamné à mort (I've done terrible things / Cold and careless lies / You can watch behind the glass as I pass through serpentine). Le charme opère d’autant plus avec un refrain qui reste en tête… “Drive” est un autre moment fort, un morceau-phare de l'album « July » (2014), plus americana, sorte de road song, où les patterns vocaux de l’Américaine et l'ambiance nostalgique me donnent des frissons. On ressent dans ses influences beaucoup de Leonard Cohen et Patti Smith mais aussi Townes Van Zandt.  Si je ne connais pas tout son répértoire, la setlist est vraiment bien ficelée mais le gros bémol c’est qu’on sent le duo en plein rodage - et pire on l’entend. Comme quand elle débute “Flame Thrower” pour l’interrompre net et reprendre sur un autre morceau que je ne reconnais pas (“You nothing but poison” en refrain ?) sans trop d’explications même si j’imagine encore un problème d’accordage/de guitare. Son second guitariste, hormis pour les passages aériens qui sont très importants pour certains morceaux comme l'obsédant “Dead City Emily”, me paraît un peu trop nonchalant surtout quand il se lance dans un solo à moitié foiré ou qu’il fait les backing vocaux et que ça sonne faux. Ca ne donne vraiment pas l'impression qu'ils tournent souvent ensemble et ça casse un peu la dynamique d'un concert qui va me faire l'effet de montagnes russes. Des moments très touchants et forts (la doublette Are You Really Gonna Move to the South?/Said Goodbye to That Car est géniale) trop souvent ponctué de flottements et d'hésitations.

Ca n'empêche pas de belles surprises comme une reprise de Fleetwood Mac"Save Me A Place", qui comme le dira l'Américaine n'est sans doute pas leur morceau le plus connu (il est tiré de l'album « Tusk » de '79) mais elle l'affectionne particulièrement, ce qui se ressent dans son intérprétation très pure et émouvante. Un morceau qui ne dénote pas avec le feeling très mélancolique de son riche répertoire avec des titres marquants comme le "tubesque" "Blue Vapor" qui ne pouvait manquer à la setlist. J'aime terriblement ce morceau entre dream pop et folk qui devient au fur et à mesure plus lourd et sombre. Je découvre par contre "Dying Breed" qui m'a fait forte impression par son texte très poétique (Red is a color of memory / Blue was a way to green / And, darling, you did gamble / 'Cause you were a dying breed / Yes, you were dying breed) issu de son album de 2007. D'ailleurs ses textes ne sont jamais anecdotiques, il y a toujours beaucoup de poésie et des thèmes qui touchent inévitablement chacun d'entre nous, non sans malice. "Said Goodbye To That Car" est ainsi une métaphore sur une relation qui se termine. Sans vouloir faire le procès de son guitariste même si vous aurez compris que je ne suis pas convaincu du tout par ce qu'il est censé apporter, je la trouve beaucoup plus à l'aise quand elle est toute seule sur scène, comme pour "Fifty Five Falls", très poignant, où elle illumine la scène par sa seule présence. Et quelle voix... L'audience est absolument silencieuse, sans doute captivée comme je le suis.

En guise de rappel, un autre morceau que j'ai du mal à reconnaître et dans lequel elle glisse de nombreux Goodbye non sans émotion. Une prestation... perfectible donc si je veux faire un peu d'euphémisme, un concert de rodage comme ça peut être souvent le cas pour une première date de tournée, mais il m'a néanmoins permis de constater que le talent et le charisme de Marissa Nadler ne s'évanouissent pas en live malgré les pépins techniques (alors que le son était à la hauteur). Sa voix n'est pas le fruit d'un bidouillage studio et devient sur scène un extraordinaire vecteur d'émotions. Mieux entourée (je pense à Sharon Van Etten et Lawrence Rothman qui l'ont déjà accompagnée), elle a de quoi faire passer un moment magique... Une prochaine fois ?


Setlist approximative 

For My Crimes 
Drive
?
Are You Really Gonna Move to the South?
Said Goodbye to That Car
Flame Thrower/Nothing but poison (?)
Dead City Emily 
Save Me a Place (Fleetwood Mac cover)
Blue Vapor
Firecrackers
Dying Breed
Fifty Five Falls
Rappel:
Goodbye (?)


Merci au Botanique pour cette soirée.

***