Alcest + Vampillia @ Strasbourg
La Laiterie - Strasbourg
Kodama d’Alcest sortait il y a deux ans, succédant à l’excellent mais néanmoins controversé Shelter (2014), et permit au groupe de multiplier les tournées à travers le monde.
Plusieurs tournées (sud-)américaines, des passages en Asie, plusieurs passages en Europe avec Mono, Anathema, puis maintenant en tête d’affiche…
Il est important de le noter, il s’agit ici de la première grosse tournée européenne et française du groupe en tête d’affiche. En effet, depuis plusieurs années, Neige soulignait à quel point il était compliqué pour le groupe de mettre en place une tournée dans l’Hexagone. Et ce, malgré 8 ans d'activité sur scène, Alcest semblant avoir une fanbase plus développée à l’étranger.
Mais cette fois, avec pas moins de 6 dates françaises au programme, et au vu de l’affluence ce soir et les autres soirs (la date à Paris ayant fait sold-out), on pourrait légitimement affirmer que Alcest est devenu un des gros noms du « Metal » (au sens très large) français.
Vampillia
Mais l’une des raisons de ma venue ce soir, c’est tout autant le concert de Vampillia, groupe que j’ai découvert avec l’incroyable The Divine Move (2014) à sa sortie.
Si les Japonais sont surtout connus dans leur pays et un peu moins en Europe, ce qui se vérifie par le nombre de spectateurs semblant découvrir le groupe ce soir, leur place en première partie est tout à fait cohérente, d’autant plus en complément de Kodama et des thèmes qu’aborde l’album.
Vampillia, c’est avant tout une discographie très conséquente et riche, qui se nourrit d’une tonne d’influences pour produire une musique à la fois singulière, complexe, et unique.
Le concert débute ainsi sur des passages instrumentaux menés par la pianiste, la violoniste, et le guitariste. La musique prend son temps, se fait douce et majestueuse. Alors que beaucoup s’attendent à avoir un concert d’une heure dans cette veine, peu nombreux sont ceux qui savent que ça ne se déroulera pas exactement ainsi… Dès que le reste des musiciens arrive sur scène (ils sont 7 au total), Mongo, frontman hallucinant se déplaçant pieds nus inclus, le concert débute réellement et l’on entre dans la musique de Vampillia, son essence-même.
Aussi, résumer la musique du groupe n’est pas chose aisée. Mais pour ce qui est du concert de ce soir, et du choix des morceaux, on retrouve des structures globalement marquées par des schémas similaires. Le morceau débute lentement, et l’on assiste ensuite à une montée en puissance intense, où le trio lead guitare / violon / voix hurlée prend aux tripes comme rarement (comme ce nouveau morceau qui devrait être présent sur le prochain disque du groupe).
On note également des passages plus délirants, à la fois dans la musique et le jeu de scène de chacun, et plus spécifiquement du frontman. Celui-ci déstabilisa d’ailleurs de nombreuses personnes dans l’audience, qui ne s’attendaient pas à ce qu’il pose son pied sur leurs épaules ou saute et s’écroule littéralement dans le public.
Vampillia est donc marqué par énormément de contrastes, mais qui font aussi la force et la cohérence du groupe. Je m’explique.
Il serait facile de résumer le groupe à un produit japonais What the fuck comme on a souvent tendance (à tort) de le faire avec les groupes de ce pays. Ainsi, si le groupe accorde une certaine place au délirant et au trivial, on ne peut le résumer à ça. Vampillia, c’est avant tout une musique sincère, marquée par une multiplicité d’émotions allant de la joie intense à la mélancolie, de la rage aux pensées presque suicidaires. L’attitude du frontman se veut schizophrène, et rappelle ainsi un peu ce qu’incarne Niklas Kvarforth de Shining, le côté provocateur devenu assez risible en moins.
Mongo semble véritablement vivre la musique du groupe, parfois le sourire aux lèvres, d’autres fois le visage comme déchiré par la tristesse, se donnant des coups dans le visage. Un jeu de scène unique, qui nous transmet également une tonne d’émotions que l’on croyait presque contradictoires.
Là fut véritablement la force de ce concert. Rares sont le groupes qui arrivent à me toucher à ce point, et encore plus rares sont ceux qui ont su me donner de tels frissons en concert. La beauté des compositions parfaitement interprétées, la multiplicité de contrastes, et un final qui sera le point d’orgue du concert avec le magnifique « Endless Summer »… En espérant que ce concert ait donné envie à un maximum de personnes de fouiller la discographie (très) conséquente du groupe !
Setlist :
Fenghuang
Some Nightmares Take You Aurora Rainbow Darkness
Fedor
LOST
NIJI
FUCK YOU
HOLY SHIT,MOTHER FUCKER
NEW SONG
Von
winter Ash
ggggzzgggzzz
Endlless summer
big murder mountain
Alcest
C’est donc le sourire aux lèvres que j’attends Alcest pour mon troisième concert du groupe sur la tournée de Kodama. L’album m’ayant bluffé à sa sortie, à mes yeux leur meilleur, le concert où il fut interprêté pour la première fois en quasi-intégralité au Grillen (Colmar) il y a deux ans fut une vraie expérience marquante. Alors que le groupe jouait ces morceaux pour la première fois sur scène ce soir-là, l’interprétation quasi-parfaite de chacun des titres était déjà tout bonnement remarquable.
Après avoir revu le groupe en première partie de la tournée d’Anathema, je n’attendais donc ce soir rien d’autre qu’un set ultra-carré et intense, et sans surprise je ne fus pas déçu. D’autant plus que cette tournée est sûrement la dernière occasion de voir le groupe jouer Kodama en vraie intégralité cette fois (« Untouched » manquait à l’appel auparavant), et probablement la dernière occasion de voir Alcest avant quelques temps.
Le set débute donc sur le titre éponyme du disque, où l’on note déjà quelques interactions avec le public (notamment avec Neige semblant inviter les gens à chanter les vocalises « po-po-powowo » présentes dans le titre), et surtout un son et des lumières déjà irréprochables… Ce qui fut le cas toute la soirée.
Ce fut un vrai plaisir donc que de pouvoir entendre l’intégralité de l’album dans d’excellentes conditions, où les grosses rythmiques typiques du disque comme les passages plus mélodiques sont aisément perceptibles. L’atmosphère très japonisante du disque marque également ce début de set, d’autant plus après le passage de Vampillia. On ne pouvait choisir meilleure première partie sur cette tournée !
Sans surprise, les 6 titres qui composent Kodama sont enchaînés, et force est de constater que « Untouched », morceau le plus « Pop » de l’album, a également son petit succès. Et parmi les passages les plus frissonnants, je retiens une fois de plus « Eclosion » et « Oiseaux de proie », deux titres magnifiques, au rendu live impeccable.
Après « Onyx » en guise de conclusion à cette première partie de set, le groupe enchaîna avec « Souvenirs d’un autre monde », directement suivi de tous les tubes du groupe. Mais peut-on seulement parler de « tubes » avec Alcest ? On est vraiment tentés de le faire, en tout cas, face à la popularité de chacun des titres, et en se surprenant à chanter les paroles, et surtout en voyant les autres le faire également (chose que Neige semblait avoir en interview, légitimement, du mal à comprendre, et surtout à penser possible).
On retrouve ensuite « Percées de lumière » et ses riffs entêtants, qui nous laisse également apprécier le chant hurlé de Neige… Parlons-en, d’ailleurs. S’il a toujours été utilisé avec parcimonie dans les compositions du groupe, c’est sûrement pour appuyer quand il le faut l’intensité de certains passages, chose que l’on ressent véritablement en live lors des montées en puissance. Neige semble comme à son habitude maîtriser ce chant déchirant sans trop d’effort, ce qui est tout à fait remarquable tant il dégage une certaine pureté, s’additionnant parfaitement aux passages avec vocalises. On aura également le droit ce soir à un « Sur l’océan couleur de fer » plus rare en live, morceau bouleversant qui clôturait « Ecailles de lune » (2010).
Aussi, Alcest n’est pas un groupe qui stagne sur scène. En deux ans, ce qui ressort désormais, c’est à quel point le groupe a su gagner en présence scénique. Le jeu de chacun se fait certes assez minimaliste mais, pour autant, il existe et ce avec une certaine majesté. On retrouva ainsi des headbangs très légers et synchronisés, collant parfaitement à la musique, des invitations nombreuses à taper dans les mains (le public le fit parfois de lui-même), et de nombreux déplacements de Neige sur scène. Celui-ci prend d’ailleurs la parole un peu plus souvent qu’auparavant, toujours un peu ému, surtout face aux applaudissements nourris du public.
Du côté des musiciens on retrouve Zero (guitare), et sa voix mi-grunge mi-cristalline, qui opère toujours les backing-vocals, rendant les parties chantées encore plus puissantes. Winterhalter (batterie) et Indria (basse) ont, eux, un jeu encore plus visuel qu’avant, en restant cependant toujours un peu dans leur bulle.
Notons également la diversité des générations présentes dans le public ce soir : des ados semblant pour certains découvrir le plateau, de jeunes couples, des sexagénaires portant du merch Alcest...
Après un rappel, le set se termine ainsi sur le traditionnel « Délivrance », une des meilleures compositions du groupe à mon sens, laissant Neige quitter seul la scène après le départ progressif des musiciens.
Au fil des années, Alcest et son leader ont su gagner en confiance scénique, et proposer des sets toujours plus hypnotiques, où l'on voyage véritablement pendant plus d'une heure. Vous l'aurez compris, je suis assez dithyrambique face à la musique des Français et leur groupe, devenu je le pense un grand nom de la scène. Et c’est tout à fait mérité. À bientôt, pour toujours plus de bons moments, et ce peut-être avec le nouvel album du groupe…
Setlist:
Kodama
Eclosion
Je suis d’ailleurs
Untouched
Oiseaux de proie
Onyx
Souvenirs d’un autre monde
Percées de lumière
Autre temps
Sur l’océan couleur de fer
Là où naissent les couleurs nouvelles
Délivrance
Merci à Garmonbozia et la Laiterie, ainsi qu’aux différents acteurs, qui ont su rendre la tournée et la soirée possible. Merci également à Hysteria pour les photographies.