Sadique Master Festival - Jour 3
5 Caumartin, 75009 - Paris
Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Retrouvez les chroniques des jours précédents ici : Jour 1 et Jour 2.
Après un jour de pause me voilà revenu dans cette colonie de vacances déviante pour voir le documentaire qui m’a convaincu de venir au Sadique Master 2018 : Dead Hands Dig Deep. À ma bonne surprise, j’apprends également que le film qui m’intéressait le plus dans la soirée de samedi, « Deepweb XXX » a été reprogrammé au dimanche en raison d’un souci avec le cinéma.
Dans la mesure où « Dead Hands Dig Deep » est le film qui s’intéresse le plus à notre style musical de prédilection et qu’il est suffisamment riche pour en parler plus longuement, il bénéficiera d’une chronique complète. Ici seront donc chroniqués le court-métrage diffusé avant « DHDD » et le film anthologique (et non d’anthologie) « Deepweb XXX ».
The Defiler
Diffusé avant « Dead Hands Dig Deep », le court-métrage finlandais « The Defiler » relève selon son propre réalisateur, du mouvement de la neonsploitation, c’est-à-dire des films d’exploitation utilisant comme cadre de référence l’univers rétro-futuriste tant emprunté à John Carpenter qu’aux animes japonais première vague (Akira, Ghost in the Shell) et à Blade Runner.
Normalement, la première observation qui vous vient à l’esprit doit être « mais en fait, c’est de la synthwave au ciné ! » et vous avez complètement raison. Ça parle synthés qui dégoulinent, satanisme à néon et voitures des 80s.
Mais au jeu du pastiche et de la référence il faut faire attention, car passé un certain degré d’hommage, on tombe dans l’imitation stérile. « The Defiler » tombe en plein dedans.
Le court prend un parti assez grindhouse (il m’évoque notamment « Hobo With a Shotgun ») et se concentre sur la triplette drogue-sexe-sang dans un contexte dystopico-satanique.
Le scénario tient à peu de choses : une prostituée apprend l’enlèvement de son aimée et s’échappe de prison pour la secourir. S’ensuit alors une progression gore construite comme un jeu vidéo et constellée de références balourdes à la pop culture (DeLorean, Star Wars, Alice aux pays des merveilles, etc).
J’admets que la direction artistique du projet est excellente. Les éclairages, les fumées et les cadrages sont bien gérés et rendent bien compte de l’atmosphère rétro-futuriste ; mais le jeu d’acteur est d’une médiocrité rare. Pas un seul acteur n’est convaincant. Entre cabotinage et charisme négatif, les protagonistes suscitent plus l’exaspération qu’autre chose. Le montage aussi est imparfait, coupant trop rapidement les scènes.
La surenchère continuelle dans les thématiques et dans la mise en scène fait sombrer le court-métrage dans le racolage le plus crasse et le manque de subtilité le plus navrant – à l’image du plan final, inutile et peu pertinent.
En somme, si vous voulez voir de la bonne neonsploitation, allez regarder le clip de Perturbator, « Venger » et ne perdez pas votre temps avec cette caricature fade.
Deepweb XXX
Le dernier film du festival, « Deepweb XXX », originellement programmé dans la nuit de samedi à dimanche, est un film anthologique (film regroupant plusieurs segments distincts) italien, présenté ce soir en exclusivité mondiale. Et j’imagine que peu de distributeurs oseront diffuser cette étrange compilation bancale et gênante.
Le film commence sur un homme qui allume son pc et reste pendant trois plombes devant, n'osant pas se connecter sur le dark web. Après une éternité à taper les url en direct et à hésiter devant chaque vidéo en nous gratifiant de poses de penseur ridicules, il lance la première vidéo. Une fois celle-ci terminée, retour sur notre lascar qui hésite toujours pour cliquer sur la prochaine vignette. Il y a 7 vidéos, je vous laisse imaginer le calvaire.
Dans l’ordre on a le droit à une séquence d’humiliation d’hommes par un cercle de femmes, un snuff movie, du bondage gay extrême, une crucifixion garnie de métaphores christiques lesbiennes, un test scientifique curieux à base de fluides corporels, un gavage de nourriture dans laquelle sont dissimulées des punaises, du voyeurisme malaisant menant à un viol semi-nécrophile et enfin la décomposition d’un cadavre dans une baignoire.
On pourrait analyser ces séquences sous le prisme des péchés capitaux mais ce n’est pas vraiment convaincant (je n’arrive pas à placer l’avarice notamment) et assez lacunaire.
« Deepweb XXX » aurait pu être un excellent support pour questionner la perversion et le voyeurisme (tant chez le personnage que chez le spectateur). Au lieu de ça, le film se contente de proposer une ribambelle d'essais tous plus approximatifs et longuets les uns que les autres. Il essaie d’adopter un parti-pris radicalement malsain mais n’offre que des scènes déjà vues.
On voit que le film tente d'être le plus extrême possible mais le rythme est tellement mal géré, les plans sont beaucoup trop longs et la mise en scène si poussive que les mutilations et autres agressions physiques (alors que certains effets sont plutôt bien faits) n'effraient pas et n'atteignent jamais l'effet escompté. Pourtant on a du pénis coupé au couteau, du visage dévoré par l'acide et du fist mortel, entre autres...
Cette anthologie pseudo-subversive s’affirme donc avec fracas comme l’œuvre la plus pénible du festival. La réaction d’une grande partie du public à la projection résume bien la réception du film : alors que le film n’a aucun but comique, la salle fut secouée par l’hilarité à de nombreuses reprises. Par dépit, par distance ironique ou par alcoolémie, « Deepweb XXX » fut en tout cas une bonne purge pour une large partie des personnes présentes.
Si « Deepweb XXX » était un sous-genre de metal ce serait évidemment du slam death de mauvaise facture : graphique, stupide et cliché.
Pour conclure ce live-report et avant de publier la chronique de « Dead Hands Dig Deep », nous tenons à remercier toute l'équipe du Sadique Master 2018 pour leur investissement et leur sympathie. Merci également à Tinam Bordage, organisateur du festival pour avoir rendu ce rêve de grand malade possible. Enfin, merci aux jurés et au public pour faire vivre cette scène malgré la censure et le manque d'exposition.
Rendez-vous l'année prochaine !