Non.
Aorlhac faisait partie des groupes que j’avais personnellement placés dans la catégorie « groupe extrêmement sympathique mais ne donnant pas signe d’activité depuis un moment ». Verdict : « ne pas attendre de nouvel album ».
Et pourtant, voilà que 2018 sonne le retour des Auvergnats pour un troisième album, huit ans après le dernier en date ! Autant dire qu’on reste dans la thématique, puisqu’après A la Croisée des Vents et La Cité des Vents, le troisième album semble reprendre les mêmes codes, bien ancrés chez Aorlhac. Musicalement, la même tendance apparaît : on reconnaît le groupe au premier titre écouté. Pas de doute, la même ferveur semble continuer d’animer les musiciens, le line-up étant resté figé depuis 2010. Les mêmes racines sont reprises là où elles avaient été laissées : le folklore occitan revient sur le devant de la scène, agrémenté çà et là de véritables instants de l’histoire, entre légende et réalité.
Bien que le groupe reste égal à lui-même, on remarque immédiatement comme une volonté de revenir en s’affirmant plus que jamais. Avant même d’écouter les 10 titres de L’Esprit des Vents, on imagine un Aorlhac plus mature que jamais. Alors que la pochette de La Cité des Vents avait cet aspect gravure sanglante de la fin du Moyen Âge, un style poncé par de nombreux groupes depuis, le groupe rompt totalement avec ses artworks précédents avec cette éclipse bleutée de Stan W. Decker. J’ai même l’impression que cela s’inscrit dans une tendance plus générale des groupes français actuels, influencés par la période médiévale, de vouloir rompre avec une précédente génération et lancer un nouveau temps pour cette scène toujours florissante.
L’Esprit des Vents véhicule définitivement cette idée de triomphal retour : homogène, bel objet, varié, abouti, et à la qualité de composition et de production indéniables. Tant dans le tempo, que les mélodies et les accroches, tout s’alterne sans cesse, tout semble avoir pris le temps d’être posé, minutieusement composé et pensé avant d’être gardé. On oublie le côté parfois un peu brouillon des premiers albums, qui donnait l’impression d’assister à des idées merveilleuses mais parfois un peu bancales et mises bout à bout sans trop de conviction.
Cette nouvelle maturité, c’est aussi le chant de Spellbound qui en est le porte-parole. On retrouve ces hurlements, plus ou moins chantés ou criards selon l’intention, encore plus maîtrisés et propres qu’auparavant. Je retrouve aussi ce petit détail qui m’a toujours plu chez Aorlhac : ces rires hurlés qui ont un charme incroyable et ne manquent d’aucune sincérité. Certaines intonations ont tendance à me rappeler le parler de Hreidmarr (notamment la partie finale de « La Révolte des Tuchins »), bien qu’on n’y voie aucune imitation directe.
Ces titres ont tous leur particularité, de la fureur de « Mandrin, l’enfant perdu » au mélodieux et épique « Infâme Saurimonde ». Chacun réussit à mettre en scène, à travers son rythme ou ses émotions, des images et finalement, une histoire racontée à chaque fois. Nous y sommes, à la mort de Louis Mandrin, face aux querelles saoules d’Antoine-Victor Mornac, au cœur de la défense de la légendaire Aldérica, ou aux côtés des Tuchins pendant la Guerre de Cent Ans. Tous ces morceaux sont ancrés dans une histoire et un folklore, qui retranscrit un vécu ou une scène de manière romancée mais renseignée. On retourne même près de Sant Flor, retrouver les vents qu’on avait laissés en 2010. Autant dire que tout cela renforce l’idée d’un album pointilleux, sur tous les plans.
En résumé, l’attente fut longue mais loin d’être vaine. C’est un excellent album que vient de nous pondre Aorlhac. Chaque titre est plus épique que le précédent, et bien que le groupe s’autorise quelques escapades en terres moins connues, on se surprend à savourer autant un « Mandrin » bien plus rentre-dedans que ce à quoi on s’attendait, qu’un « L'ora es venguda » ou « La Révolte des Tuchins », valeurs sûres du style pratiqué par le groupe. Un véritable voyage dans le temps et dans l’espace pour ceux qui sont encore étrangers au folklore occitan, et une satisfaction énorme pour les fans.
Tracklist :
1. Aldérica
2. La révolte des Tuchins
3. Infâme Saurimonde
4. Ode à la croix cléchée
5. 1802-1869 | Les méfaits de Mornac
6. Mandrin, l'enfant perdu
7. La procession des trépassés
8. Une vie de reclus (quand les remparts ne protègent plus)
9. L'ora es venguda
10. L'esprit des vents