"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
La Guerre. C’est ce que nous promet le collectif polonais Iperyt à chacune de ses sorties. Et il est difficile de ne pas subir l’assaut. Dès son premier EP Particular Hatred (2005), le groupe fondé par des membres de Darzamat et Infernal War a montré un visage très offensif, Black Indus qui comporte une bonne partie des caractéristiques du style comme cette batterie programmée façon Hardtek, mais dans une version polonaise donc encore plus bourrine et teintée de Death et de Thrash. Un premier full-length, assez monolithique et sans concessions, arrivera bien vite (Totalitarian Love Pulse, 2006). Mais ce n’est que 5 années plus tard qu’Iperyt confirmera vraiment son potentiel, avec la tuerie absolue qu’était No State Of Grace, un deuxième album particulièrement jouissif qui se posait comme une véritable bombe de Black Indus. Iperyt ne pouvait décemment pas s’arrêter là tellement sa progression était fulgurante, même si le quintette avait su prendre son temps. De temps, il en est encore question vu que ce n’est que 6 ans plus tard que la formation guerrière signera son retour discographique. Pendant ce temps, Voidhanger, l’autre formation de certains membres, aura tout de même eu le temps de se bâtir une bonne petite discographie avec deux full-length, un EP et un split… Iperyt est donc attendu au tournant avec son troisième opus nommé The Patchwork Gehinnom, qui a la lourde tâche de succéder à No State Of Grace, cette fois sous la bannière de Pagan Records alors que le groupe restait sur un opus autoproduit et co-sorti par Witching Hour. On parle ici de références polonaises, et Iperyt vient une nouvelle fois envoyer la sauce façon blitzkrieg, pour se poser comme LE groupe de Black Indus qui cartonne en Pologne.
Pour un genre aussi expéditif, il ne va pas falloir s’attendre à de réelles nouveautés, et ce qu’on attend c’est de se prendre de nouveaux assauts Black Indus dans la tronche, avec des beats ravageurs et des riffs destructeurs. Si Totalitarian Love Pulse était peut-être un peu trop simpliste, No State Of Grace avait su corriger le tir grâce à des compos plus touffues et surtout très inspirées, des morceaux excellemment arrangés comme "No State of Grace", "Antihuman Hate Generator" ou encore "The Player" dénotaient au milieu de morceaux très agressifs. The Patchwork Gehinnom va encore une fois saisir l’occasion pour balancer un peu de violence. Mais dès "Phantom Black Gods", on constate tout de même qu’Iperyt va prendre une voie un peu plus sombre, et ne pas enchaîner les explosions Black Indus jusqu’à plus soif. Certes, quand le groupe tape dans le gros blast, il ne le fait jamais à moitié. Mais Iperyt laisse déjà s’exprimer son côté le plus lourd et le plus apocalyptique, affinant son style vers un Black-Metal plus bruitiste qu’un pur Black/Death Indus qui mitraille, jusque dans la production plus cracra que celle de No State Of Grace. Le chant de People Hater reste dans la lignée des deux opus précédents mais se fait moins hargneux, il est même un peu fatigué. Tout cela ne va, hélas, pas immédiatement faire décoller The Patchwork Gehinnom avec un morceau d’ouverture assez interminable, bien loin du départ canon de No State Of Grace sur son morceau-titre à l’époque. Il est d’ailleurs suivi d’un "From Nowhere to Nowhere" plus « lent » (tout est relatif) et lancinant, le côté Indus plutôt que d’apporter des wardrums apporte ici une coloration plus martiale. Vous l’aurez compris, Iperyt ne va pas ici jouer à fond la carte de l’agression, plutôt mettre en avant son côté le plus sale et bruitiste, en témoigne encore "What Man Creates" qui demeure relativement rampant et graisseux même si l’on s’arrêtera sur l’accélération bien percutante en milieu de course. Iperyt aurait-il décidé d’aller à la guerre façon Bolt Thrower, avec le tank qui avance doucement mais sûrement dans la boue ?
Malheureusement, The Patchwork Gehinnom va s’avérer être un peu poussif, bien moins inspiré et efficace que No State Of Grace. Plus proche de Totalitarian Love Pulse finalement, mais en moins méchant. Le côté Indus s’exprimant plus souvent pour l’ambiance que pour la force de frappe, ce qu’on remarque également dès le début de "With Eyes Wide Shut" ou encore au sein de morceaux comme "Primitive Darkness" et "Mindtaker". Mais c’est réellement le côté bruitiste de la musique d’Iperyt qui ressort de The Patchwork Gehinnom ("These Walls (Have Seen)", "Scars Are Still Sexy"), de même que la lourdeur par moments ("Devil’s Violent Breed", "Scars Are Still Sexy"). Cela ne fonctionne pas toujours, surtout pour l’autre morceau interminable du disque qu’est "Scars Are Still Sexy" qui fait retomber le soufflé de morceaux plus cossus comme "With Eyes Wide Shut" et ses riffs tranchants, le globalement bien bourrin "Devil’s Violent Breed" ou encore le plus couillu "These Walls (Have Seen)". Mais heureusement, Iperyt se rattrape ensuite avec notamment les très efficaces "Primitive Darkness" et "Mindtaker", ainsi que le très brutal et remuant "Worms of the Modern World", qui prouvent que lorsque Iperyt revient à son fonds de commerce qui est le Black Indus bien frappadingue et puissant, il continue à assurer et à propager la guerre. C’est donc dommage de constater que la verve des compos de No State Of Grace s’est envolée, pour laisser place à quelque chose de plus primitif et apocalyptique, dont les compos peinent à convaincre et dont l’inspiration et même l’exécution restent discutables.
6 ans après la sortie de No State Of Grace, The Patchwork Gehinnom est donc une petite déception, le groupe ayant perdu en efficacité ce qu’il a gagné en ambiance, mais ce n’est pas forcément ce qu’on attendait de lui. Si on voulait se prendre une grosse rasade de Black Indus à la polonaise, c’est un peu raté à cause de ce début d’album poussif et de quelques passages à vide. Il reste des morceaux bien mordants comme "With Eyes Wide Shut", "These Walls (Have Seen)" et surtout le trio de fin d’album "Primitive Darkness" - "Mindtaker" - "Worms of the Modern World", mais on est bien loin des morceaux les plus rapides de No State Of Grace et encore plus des morceaux bien déglinguos comme (au risque de me répéter) "No State of Grace", "Antihuman Hate Generator" ou autre "The Player". Iperyt est un peu fatigué, a essayé de tempérer sa violence pour livrer un album plus cradingue et bruitiste, ce qui ne lui sied pas forcément. The Patchwork Gehinnom ressemble même par moments plus à un Voidhanger avec de gros blasts hardtek, et pas le Voidhanger le plus efficace même si quelques passages bien sentis se défendent bien. Autre lot de consolation, le final plus épique qu’est "Checkmate, God!" est assez réussi. Mais en 45 minutes un peu longuettes, il faut vraiment trouver son compte, alors que No State Of Grace était parfait de A à Z. Je sais que certains sont toujours restés bloqués sur Particular Hatred, et ce n’est pas The Patchwork Gehinnom qui leur fera changer d’avis. Après 6 ans d’attente, c’est donc un peu dommage, et ce troisième album d’Iperyt ne parvient pas à faire mieux ni même transformer l’essai de l’énormissime No State Of Grace. Le boulot est fait en termes de Black Indus qui tache et qui décape, mais en termes de guerre totale, Iperyt s’est un peu enlisé…
Tracklist de The Patchwork Gehinnom :
1. Phantom Black Dogs (5:41)
2. From Nowhere to Nowhere (3:23)
3. What Man Creates (3:19)
4. With Eyes Wide Shut (3:18)
5. Devil’s Violent Breed (4:15)
6. These Walls (Have Seen) (4:03)
7. Scars are Still Sexy (6:18)
8. Primitive Darkness (3:24)
9. Mindtaker (3:19)
10. Worms of the Modern World (2:54)
11. Checkmate, God! (5:32)