Emma Ruth Rundle
Emma Ruth Rundle
Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)
Après son concert au Brass, à Forest (Bruxelles), c'est une Emma Ruth Rundle épuisée par une tournée intensive que nous rencontrons pour cette interview. Epuisée mais souriante malgré les quelques soucis de son dont a pu souffrir le concert. Entretien !
Nostalmaniac : Bonsoir Emma ; commençons par une question simple ... Comment te sens-tu après cette longue tournée ?
Emma Ruth Rundle : Nous tournons depuis onze semaines ... et j'ai l'impression de devenir folle (sourire fatigué). J'ai l'impression que mon âme tombe en morceaux... Être ici en Europe pour cette tournée, c'est la plus belle chose qui soit, c'est ce que je veux, c'est un plaisir et un honneur, mais j'ai l'impression que je commence à perdre la tête.
Florent : C'est trop long ?
ERR : Oui, c'est trop long ! Nous avons fait un tour entier aux USA puis sommes directement venus ici et oui, c'est trop long, je pense.
Florent : Tu as besoin d'un break après une telle tournée ?
ERR : J'ai besoin de me reposer, mais je suis aussi du genre à ne pas supporter de rester inactive. Je recommencerai à travailler sur un album ... Je prendrai une pause de quelques mois au niveau des tournées mais je travaillerai quoi qu'il en soit.
Nostalmaniac : Qu'y a-t-il de particulier pour toi quand tu tournes en Europe ?
ERR : La réception est bien meilleure ici. La façon dont nous sommes traités par les tourneurs, la qualité de vie en tant que musicien est bien meilleure et de loin. Nous avons un repas, un endroit où dormir qui n'est pas juste le sol chez quelqu'un ... Ca fait une grande différence après un tel temps passé à tourner.
Florent : As-tu des endroits favoris quand tu viens chez nous ? Tu n'es pas obligée de dire la Belgique (rires)
ERR : Je ne veux pas faire de jaloux (sourire). Mais habituellement, la Belgique est bel et bien un de nos endroits favoris car nos amis d'Oathbreaker viennent nous voir, on passe toujours du bon temps. Ils n'ont pas pu venir aujourd'hui, ce qui est peut-être une bonne chose vu que nous devons nous lever à 8h demain!
Mais chaque endroit est différent. Aujourd'hui, c'était un peu bizarre... Mais toute cette tournée a été géniale, je ne pense pas pouvoir retirer un endroit en particulier.
Nostalmaniac : Est-ce que tu as du temps pour faire un peu de visites, dans des musées par exemple ? On sait que tu aimes l'art.
ERR : Oui, en effet ; la dernière fois que nous sommes venus à Bruxelles, j'avais eu l'occasion de visiter le Musée des Instruments de Musique (nda : ou Mim, un célèbre musée bruxellois à la magnifique façade art-déco), dans ce beau bâtiment art-nouveau... Un des lieux les plus cool que j'ai pu visiter. J'aurais aimé avoir assez de temps dans l'horaire pour le montrer à tout le groupe, mais nous n'avons pas eu le temps. Mais nous avons atterri ici et avons eu un jour off, on a donc pu se promener, voir ... le garçon qui pisse ? Manneken Pis, voilà (rires), et toute la ville avec les lumières de Noël, c'était sympa.
Florent : Dans une interview, (Independant – 25 novembre 2016), tu disais : « J'ai fait assez d'art au sujet de toute cette merde que j'ai vécu ; les sujets évoqués sur cet album sont horribles pour moi et je ressens le besoin de m'en éloigner. Je me sens prête à évoquer d'autres sujets désormais » (Emma acquiesce). Est-ce que jouer ces titres qui évoquent des moments difficiles n'est pas parfois pénible pour toi qui veut justement t'en éloigner ?
ERR : Certains jours, c'est difficile ; devoir jouer ces chansons en concert a rendu un peu difficile le fait de m'échapper de tout ça. Après cet album, Marked For Death, j'ai commencé à enregistrer des chansons plus positives, remplies d'espoir, et devoir y retourner pour la tournée m'a un peu ... ramenée en Enfer. Parfois, ça va, parfois c'est difficile, oui.
Florent : As-tu envisagé de ne plus jouer certaines de ces chansons en live, même si le public les aime ?
ERR : J'y ai pensé avant de commencer à tourner. Je n'étais pas sûre de vouloir les jouer... mais aujourd'hui, surtout avec le groupe entier, ça me permet de prendre du plaisir, jouer des soli de guitare, tout ça, ça rend les choses plus faciles.
Nostalmaniac : Sur cette tournée, tu as joué une nouvelle chanson, je pense. Est-ce que ça veut dire qu'un nouvel album est déjà prêt ?
ERR : Je commencerai à enregistrer l'album dès qu'on rentre de tournée, il y aura donc un nouvel album l'année prochaine, oui.
Nostalmaniac : Autre sujet maintenant... Comment te sens-tu au sein de toute cette scène qui gravite autour de toi ? Ce que tu joues n'est pas de la « dark folk », c'est moins sombre que ta partenaire de label Chelsea Wolfe, mais tu es pourtant invitée à des festivals comme le Roadburn, le Dunk!fest, cela a permis à beaucoup de gens de te découvrir. Comment te places-tu sur cette scène, mais aussi sur la scène metal, car énormément de fans de metal t'écoutent ?
ERR : Ca a été assez déstabilisant pour moi. J'ai joué dans des groupes, Red Sparrows et Marriages, qui étaient plus proches musicalement de la scène metal et heavy... Mais quoi qu'il en soit, être accueillie de cette façon par toute cette scène est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Je m'y sens à l'aise, c'est un univers au sein duquel je me sens bien ; j'ai déjà fait des tournées en dehors de ce style de public qui ne se sont pas si bien passées. Même si ma musique n'est pas à proprement parler une musique heavy, j'ai cette impression que les fans de ce genre me comprennent et ça signifie beaucoup pour moi.
Florent : Tu te sens donc au final plus à l'aise dans ce genre de contexte, ou par exemple au Roadburn, qu'ici, dans un Centre Culturel avec un public peu habitué à ces styles musicaux, peut-être ...
ERR : Le Roadburn était un peu effrayant pour moi ! J'y ai été invitée et je me suis dit que ma musique n'allait pas être adaptée à ce festival. Je devais y jouer avec le groupe mais nous avions quatre jours pour répéter et il n'y avait aucune chance que ça fonctionne, j'ai donc décidé de jouer seule... et quand j'ai joué, il y avait 800 personnes qui m'ont juste écoutée, qui ont été si respectueux, si réceptifs... C'était une des expériences les plus émouvantes de ma vie. J'ai été si honorée d'être invitée. Une photo de ma prestation a été publiée avec pour légende « The spirit of Roadburn », c'était tellement... Je m'y sens tellement accueillie. C'est une belle chose à savoir.
Nostalmaniac : Reçois-tu souvent des offres de collaboration de la part de groupes de metal ?
ERR : Quelques unes... Je suis amie avec Patrick Walker (chanteur/guitariste), de Warning et 40 Watt Sun. 40 Watt Sun est un de mes groupes favoris et j'aimerais beaucoup avoir l'occasion de travailler avec lui. A part ça, oui, quelques propositions, de tournée notamment... On verra !
Nostalmaniac : Est-ce que tu as entendu le nouvel album d'Amenra ?
ERR : Pas encore, non ! Levy (guitariste d'Amenra et d'Oathbreaker, nda) était censé être là aujourd'hui... Tssssss (elle feint d'être énervée et rigole).
Nostalmaniac : En tout cas, Amenra a intégré ta chanson « Arms I Know So Well » sur une de leurs récentes mixtapes ; on se disait qu'une collaboration entre vous pourrait être sympa...
ERR : Ce serait incroyable. J'adorerais.
Florent : Tu te sens proche de cette scène, la « Church of Ra » ?
ERR : Je n'en suis pas très connaisseuse, mais je suis proche des personnes qui en font partie. Mais je pense aussi que les fans de musique de ce genre sont très ouverts d'esprit et que le contenu de ma musique parle aux amateurs de metal. Et je suis reconnaissante pour ça.
Nostalmaniac : Te rappelles-tu le premier album qui a eu une signification particulière pour toi ?
ERR : Le premier ? (elle réfléchit)... C'est difficile, mes parents sont musiciens, on écoutait tant de musique ! Mais le premier souvenir que j'ai est d'avoir entendu une musique de Depeche Mode, ma mère en était tellement fan... Donc oui, la toute première chanson que je me rappelle avoir entendue est une chanson de Depeche Mode.
Nostalmaniac : Qu'en est-il de ton groupe, Marriages ? Le premier album avait été plutôt acclamé par la critique...
ERR : (sceptique) Vraiment ? Je pense que l'album est un peu sorti dans l'indifférence ... mais c'est drôle que vous m'en parliez car il y a une heure à peine, je discutais avec Andrew, le batteur du groupe, et on évoquait la possibilité de rejouer ensemble. Ca me manque de jouer dans un groupe ; le fait d'avoir ce « backing band » avec Jaye Jayle comble un peu ce manque, mais ça me manque de jouer avec ces gars. Donc, on verra ce qu'il en est pour Marriages... 2019, peut-être !
Nostalmaniac : L'année arrive à son terme ; quels sont les albums qui t'ont marqués en 2017 ?
ERR : J'ai été en tournée pendant une bonne partie de l'année, j'ai manqué pas mal de sorties ... C'est difficile... (elle se creuse visiblement la tête). Je continue à écouter l'album de The Body (No One Deserves Happiness, 2016)... Sinon, ce n'est pas une nouvelle sortie, mais j'écoute énormément Stars of the Lid en tournée. Leur album « And their refinement of the decline » est un de mes favoris, je l'écoute presque tous les soirs quand je ne me sens pas bien.
Nostalmaniac : Pour conclure sur une note légère, quels sont tes plaisirs coupables quand tu viens en Europe ?
ERR : Oh mon dieu... La bière, bien sûr, j'aime la bière, même la bière de merde (rires), la bière est ma chose préférée sur Terre. Si tu me demandes si je préfère manger un bout ou prendre une bière, je choisirai toujours la bière. Mais je pense que c'est le fromage qui me ruine en Europe. On en a tellement ici ! Bière et fromage, oui. C'est clair.
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Propos recueillis par Florent et Max le 10 décembre 2017. Un grand merci à Michael & Weyrd Son Records.
Crédits photos : Julien Courjault-Rade - Equipe Horns Up