"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Depuis 2010 et la sortie de sa première démo 2-titres Time To Avenge sur le site Jamendo - et qui est toujours disponible ! - Temnein a bien lancé sa carrière, à son rythme et avec son background propre, qui va évoluer au gré des sorties. Citant à ses débuts une palanquée de groupes très progressifs en influence comme Opeth, Between The Buried And Me ou Dream Theater, Temnein affirme de plus en plus son côté extrême, entre des références techniques comme Death et Atheist ou les plus classiques Nevermore et At The Gates. Son premier album sorti au tout début 2014, 404 B.C., mettait alors en exergue un Death-Metal progressif forcément technique mais aussi pas mal mélodique. Temnein brasse large même si son style n’est pas spécialement surprenant, mais ses influences sont déjà bien digérées, et surtout le résultat est là, avec notamment d’excellents morceaux comme "Self Division" ou "Tangled" et des pistes plus ambitieuses comme "Bright Knife" et ses 13 minutes à la toise. Un peu plus de 3 ans plus tard, et alors que le groupe lorrain a réussi à se dégotter une signature chez Massacre Records, Temnein doit confirmer et évoluer après ses très bons débuts, et peut-être corriger 2-3 choses histoire d’être déjà pratiquement irréprochable (j’avais toujours eu du mal avec la sonorisation de 404 B.C., qui saturait un peu trop pour un style pas spécialement brut). Il y a toutefois eu entre temps de légers remous avec le départ de l’imposant chanteur Sub, remplacé par Jocelyn du groupe nancéien Ataraxis, mais le duo fondateur Jul-Flo accompagné de James et Valentin a tenu bon, et tout ce petit monde est fin prêt pour nous livrer le deuxième full-length de Temnein, White Stained Inferno, au bel artwork concocté par Ibay Arifin.
White Stained Inferno s’ouvre sur l’introductif "Impending Outbreak" avec déjà ce qui sera une des plus belles mélodies du disque. Il n’y a pas à dire, Temnein est en forme et le montre bien en l’espace de deux petites minutes. Et enchaîne sur "Ataxia" qui se pose directement comme un des morceaux les plus directs de son répertoire, qui démarre avec des riffs et des patterns de batterie bien frénétiques, qui seront bien présents tout au long des 6 minutes 30 de la piste même si bien évidemment les leads mélodiques seront déjà de sortie. On découvre aussi la voix de Jocelyn qui surprend au premier abord : si elle dans la lignée de celle de Sub, ses vocaux sont tout de même bien plus gras et rauques que ceux de son prédécesseur, presque old-school finalement. Ce qui va finalement amorcer le léger changement de direction que l’on peut palper au sein de White Stained Inferno. Temnein semble ici laisser de côté son aspect le plus progressif pour se concentrer sur la composante Mélodeath de sa musique. Si bien évidemment le « prog » et la technique ont toujours droit de cité dans la plupart des compos proposées (et notamment les leads gracieux et maîtrisés), on retient surtout les moments les plus Mélodeath des 63 minutes de ce disque, que ce soit les riffs appuyés et chaleureux ou bien évidemment les nombreuses mélodies léchées et entraînantes. Mieux encore, avec la voix plus grasse de Jocelyn en sus, ce nouvel opus de Temnein semble clairement s’inscrire dans une tendance Mélodeath 90’s, aux côtés d’autres groupes français qui n’ont pas hésité à en proposer récemment comme Fallen Joy, EverRise ou encore Fractal Gates, eux-mêmes aux côtés d’autres groupes européens dans la même veine comme Engraved Disillusion ou Black Therapy. Un morceau comme "Denying the Threat", qui est le tube de l’album d’ailleurs, le montre bien avec ces cavalcades rythmiques accrocheuses et des magnifiques mélodies que n’auraient pas renié de nombreuses formations de Mélodeath scandinaves des années 90. Il y a là-dedans du vieux In Flames, du Dark Tranquillity, du At The Gates mais aussi du Insomnium voire du Amon Amarth dans une hypothétique version 1996, Temnein remettant cette hypothèse musicale au goût du jour avec en sus un gros son concocté par El Mobo (pardon, El Mooooooboooooo), ce qui gomme définitivement les défauts de forme de 404 B.C..
White Stained Inferno a donc tout ce qu’il faut pour être un parfait album de « Metal extrême mélodique old-school », et l’inspiration ainsi que le touché plus technico-progressif des musiciens font le reste. Bien équilibré, ce deuxième opus des lorrains sait y faire quand il s’agit de sortir les riffs gras (le début de "Knowledge As A Burden") et les compos plus lourdes et incisives (le morceau-titre assez agressif, "Against the Waves" avec son chant à l’avenant, le plus complexe et appuyé "The Seal", "Wrong Escape", le remuant "A Momentary Peace"). Mais les mélodies sont quasiment omniprésentes, le dosage changeant au fur et à mesure des morceaux proposés. "Bad Omen", "Knowledge As A Burden", "Wrong Escape", "A Momentary Peace" et le beau final "Dawn of A New Day" comportent alors leur lot de mélodies léchées, avec un groupe très en verve dans ce domaine, l’emphase mélodique étant souvent prenante et révélant même des passages somptueux (la fin de "Wrong Escape", "A Momentary Peace" notamment, et bien sûr "Denying the Threat" avant) ; et même quand le Metal extrême domine dans un morceau les mélodies qui l’émaillent ressortent sans mal ("White Stained Inferno", le refrain de "Against the Waves", "The Seal"). Niveau Mélodeath old-school, que ce soit dans le côté « Mélo » et le côté « Death », Temnein n’a pas grand-chose à se reprocher si ce n’est un certain classicisme et des passages avec un air de déjà-entendu ailleurs, mais l’exécution est sans grande faille. Et par-dessus, Temnein amène sa classe et son background progressif, avec quelques beaux petits breaks à chant clair et même à instrumentations acoustiques ("Knowledge As A Burden", "Wrong Escape", "Dawn of A New Day") et aussi de menus leads endiablés et solos mirifiques, mention spéciale à ceux de "The Seal".
Si je trouve juste que "Bad Omen" est un morceau un peu plus convenu et dispensable, et que pour être franc je préférais le chant de Sub même si celui de Jocelyn est parfaitement adapté au style pratiqué sur White Stained Inferno, ce deuxième effort de Temnein est une belle réussite. Un peu linéaire au premier abord, cet album dévoile petit à petit toutes ses subtilités et surtout ses moments mélodiques assez forts, en plus de riffs qui passent crème. "Denying the Threat" est peut-être le seul vrai tube, mais le genre n’en demande pas forcément surtout que Temnein continue de se distinguer par son aspect progressif (avec la plupart des morceaux tournant autour de 6 minutes), même s’il est forcément moins présent que pour 404 B.C., et de toute façon il n’y a pas grand-chose à jeter et des "Ataxia" ou autre "Against the Waves" ne sont pas en reste. Alors qu’on attendait qu’au fil de sa carrière, le groupe se modernise petit à petit en donnant dans le pur Death progressif, il prend le contrepied en revenant vers un Mélodeath traditionnel un peu plus direct mais plus travaillé que la moyenne (et avec un concept sous-jacent sur la maladie et l’hospitalisation). Et avec le touché des musiciens lorrains, il n’en fallait pas plus pour que nous tenions entre les mains une nouvelle perle de Mélodeath « old-school », ce qui ne court pas les rues, entre l’excès de modernité de certains et d’autres qui n’arrivent pas à remonter le curseur du temps avant 2002. Dark Tranquillity est en excellente forme dernièrement, At The Gates a fait un retour fracassant, et à côté de ça certains groupes font perdurer l’ancien esprit du Mélodeath, du temps où il était encore un minimum extrême et où ses mélodies étaient somptueuses. White Stained Inferno se pose donc comme un excellent album de Mélodeath tendance 90’s ou même, quelque part, de « Death Metal mélodique », avec les qualités techniques et progressives de Temnein qui lui donnent une plus-value non négligeable. Un bel album à ranger dans le rayon du beau Mélodeath, en faisant déjà un peu de place pour les nouveaux albums à venir de Fallen Joy et Fractal Gates…
Tracklist de White Stained Inferno :
1. Impending Outbreak (1:56)
2. Ataxia (6:29)
3. Denying the Threat (6:40)
4. Bad Omen (6:55)
5. Knowledge as a Burden (5:37)
6. White Stained Inferno (5:48)
7. Against the Waves (4:01)
8. The Seal (6:55)
9. Wrong Escape (6:32)
10. A Momentary Peace (5:27)
11. Dawn of a New Day (6:39)