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lundi 20 novembre 2017

Ulver @ Botanique (Belgique)

Botanique - Bruxelles

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Nostalmaniac : Si vous nous lisez depuis longtemps, vous avez déjà entendu parler du Magasin 4 ou de l’Ancienne Belgique mais pas encore du Botanique qui accueillait ce 16 novembre les Norvégiens d’Ulver.

« Le Bota », pour les intimes, est un complexe culturel bruxellois inauguré en 1984 avec un jardin magnifique au plein de cœur de la capitale belge et qui abrite trois salles de spectacles et des salles d’exposition. 

On ne va pas se mentir, la programmation n’est pas vraiment orientée Metal et ce ne sera pas plus le cas ce soir, mais elle laisse la place à de nombreux artistes indépendants. 

Le programme de la soirée, parlons-en. Celui-ci a été concocté en partenariat avec "Europavox project" qui se veut une initiative pour « promouvoir la diversité musicale européenne ». Intéressant, car hormis les locaux de Thot, je n’avais jamais entendu parler du groupe grec Omega Ray qui n’accompagne pourtant pas Ulver sur leur tournée (au contraire du guitariste Stian Westerhus).

Les concerts ont lieu dans deux salles : « L’Orangerie » où jouera Ulver et la « Rotonde », plus intimiste. Les deux salles sont séparées par un bar/restaurant assez chic et agréable. Le temps de prendre un verre, c'est Stian Westerhus qui commence son set à l'Orangerie...

STIAN WESTERHUS

Nostalmaniac Stian Westerhus n’est autre que le guitariste qui accompagne Ulver sur leur tournée européenne mais il faut savoir qu'il collabore dans l'ombre avec le groupe depuis 2011 et l’album « Wars of the Roses ». Alors, je ne vais pas faire le malin car je ne m’en rendrai compte que pendant le concert d’Ulver. Pendant 20 minutes, le guitariste norvégien seul sur scène va jouer avec ses pédales d’effets et donner de la voix pour un résultat … déroutant et assurément expérimental. Je ne sais pas si c’est de l’improvisation mais on retrouve un mélange de drone et de noise. C'est dissonant, étrange mais on sent un muscien habité et très imaginatif dans ces 20 petites minutes. Curieux mais pas désagréable comme mise en bouche...

OMEGA RAY

Nostalmaniac  Groupe originaire de Grèce et fondé en 2015, Omega Ray est donc la curiosité du jour et dès que je pénètre dans la Rotonde, avec sa disposition en mini auditorium, la plupart des gens sont assis. Serait-ce pour mieux absorber leur rock psyché enivrant ? Car oui, c'est ce que propose le quintet : psychédélisme et poésie grecque. Sans du tout connaitre leur répertoire, je suis très vite séduit par les compositions inspirées et vintage. Un peu moins par certains vocaux poussifs et téléphonés. La belle claviériste attire tous les regards mais il faut également parler des deux batteurs qui apportent beaucoup de fraicheur à l'ensemble. L'un joue sur une batterie classique, l'autre sur un assemblage de percussions plus traditionnelles. Une combinaison qui fonctionne à merveille pour les passages plus intenses. L'utilisation d'un pad pour une intro au xylophone fait son petit effet également. Ajoutez à ça un grain de folie et du feeling et c'est un très bon concert inattendu. De quoi me donner envie de me pencher sur leur unique album...

ULVER

Florent: Le passage d'Ulver au Botanique est au final la preuve que le groupe emmené par Kristoffer Rygg est passé dans une autre catégorie : celle des groupes « assimilés » à la scène metal plutôt que réellement imprégnés par elle. Car le Bota, c'est une salle symbolique de Bruxelles certes, située au sein des anciennes serres du Jardin Botanique de Bruxelles, mais plutôt axée musique alternative et indie que rock ou metal, même si ces deux derniers styles sont parfois mis à l'honneur au sein d'événements particuliers. Ulver au Trix ? Ulver au Magasin 4 ? Ulver dans n'importe quelle salle dite « metal » de Belgique ? Impensable, comme Ulver au Hellfest ou au Graspop. Et on s'en réjouit presque tant ça rend leurs prestations spéciales.

Mais place désormais aux maîtres de cérémonie, donc. On connaît déjà à peu près le programme : les sets d'Ulver depuis la sortie de leur dernier album sont composés de l'intégralité de celui-ci et d'un lightshow réalisé pour l'occasion. Tant pis pour ceux qui n'ont pas accroché aux mélodies eighties à la Depeche Mode d'Assassination of Julius Caesar ; je n'arrive personnellement pas à en décrocher.

Nemoralia ouvre le bal ; le spectacle est total, pas seulement musical. Kristoffer danse derrière son clavier, arborant de manière provocatrice un hoodie Bergtatt en balançant avec classe ses lignes vocales lumineuses - « ouh, Nero lights up the night ! ». Assassination est présenté par le groupe comme son opus "pop" et c'est impossible à contredire tant il est encore plus accessible qu'un Shadows of the Sun. Il suffit d'écouter ce Southern Gothic imparable, placé en seconde position dans un set qui voit Ulver jouer l'album dans le désordre : impossible de ne pas se dandiner stupidement, emmené par ces percussions et cette ligne de claviers honteusement accrocheurs.
Le groupe travaille également les transitions et les ambiances : la longue intro au piano de l'incroyable So falls the world permet d'entrer au mieux dans ce qui est probablement le meilleur morceau de l'album, avec ce texte entêtant ( « As colossus stands, so shall Rome ; when colossus falls, Rome shall fall ; when Rome falls ... so falls the world »). Le final du morceau, véritable trip dansant que ne renierait pas un artiste synthwave comme Perturbator, est prétexte à un vrai déluge de lights rouges et blancs, le Bota se transformant en dancefloor. Le jeu de lumières est d'ailleurs partie intégrante du concert, des formes étant projetées pour accompagner chaque titre différemment (comme ce casque romain dessiné sur le beau Angelus Novus, qui met Kristoffer à rude épreuve vocalement).

L'album joué dans le désordre est une plutôt bonne idée, l'imprévu maintenant plutôt en haleine, même si on sait au moment où commence la longue jam électronique ponctuant Coming Home que le set touche à sa fin, sans qu'on ait eu droit comme parfois lors de la tournée à The Future Sound of Music tiré du classique Perdition City. Ultime mystère, donc : Ulver reviendra-t-il nous jouer l'un ou l'autre extrait de son tout frais E.P. Sic Transit Gloria Mundi ? Le groupe va vite nous donner la réponse en rappel : les deux inédits nous seront interprétés, soit le puissant Bring out your dead et le « plusDepecheModequeçatumeurs » Echo Chamber (Room of Tears) qui fait tout de même se dire que si Ulver continue dans cette voie, un public sacrément plus large peut s'ouvrir à eux. Bon, pas de Power of Love, la reprise un peu wtf de Frankie Goes to Hollywood, pour nous ; la Grande-Bretagne y a eu droit la veille, le Luxembourg le lendemain, on en bouderait presque. Difficile tout de même de faire la fine bouche : ce concert était fou, vraiment. Je serais curieux de voir si, à l'avenir, le « nouveau » style d'Ulver peut s'intégrer à leur back-catalogue aussi riche que varié ... 

Nostalmaniac : De loups à caméléons, les Norvégiens assument leur transformation et la subliment même. « The Assassination of Julius Caesar » est certainement une des meilleures surprises de l’année. Entre Depeche Mode, Pink Floyd et Soft Cell avec la voix remplie de feeling de Rygg.  On le sent très attentif à sa propre prestation et au son. Tant mieux car il n'y a rien à redire. Le son et le lightshow cohabitent à la perfection. Je ne reviendrai pas plus sur le concert bien décrit par l'ami Florent et avec lequel je partage le même ressenti. Amusant de voir les t-shirts Emperor, Arcturus et même ... Batushka dans le public. On apercevra Kristoffer Rygg himself  avec un hoodie « Bergtatt ». Nostalgie ou troll ? On ne saura jamais vraiment même si on imagine qu'il doit conserver une certaine nostalgie pour l'époque Black Metal. N'en déplaise à certains, Ulver n'a décidément pas besoin de se parodier en surfant sur son passé et quoi qu'il en soit, ce soir là, Ulver a délivré un concert admirable d'un bout à l'autre dans un cadre magnifique. Seul regret, ne pas avoir entendu la reprise de Frankie Goes to Hollywood...

THOT

Florent: Difficile de passer après ça et le frontman de Thot, qui remercie à plusieurs reprises le public d'être resté pour eux, le souligne à plusieurs reprises. Thot, c'est une formation de post-rock belge qui présente ici son nouvel album Fleuves, dont le titre ne laisse que peu de place au mystère : on a ainsi droit entre autres à deux très bons nouveaux titres, Rhein et Duna (Danube). Le tout sonne parfois un peu pompeux, comme cette mise en scène à base de tubes de néons lumineux au rendu esthétique douteux ou les clips passés en arrière-plan, mais ça regorge de bonnes idées, que ce soit au niveau du rythme, des atmosphères ou du chant. On retrouve même dans certains plans des idées que n'aurait pas renié Ulver lors de certaines passades de leur carrière, preuve que sans forcément le vouloir, cette affiche était d'une cohérence indéniable.

 

Bravo et merci à Europavox et au Botanique pour cette belle soirée. Ce concert d'Ulver est déjà gravé dans nos mémoires...