Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse
Gloson, quintet suédois, existe depuis 2014 et a déjà produit un EP l'année de sa formation, suivi d'une version live du même EP en 2015. Et c'est maintenant au tour de Grimen, premier long format, de voir le jour, et pour la création de ce dernier, le groupe a mis le paquet : c'est Magnus Lindberg (Cult Of Luna) qui s'est occupé de la production.
L'une des premières choses qui saute aux oreilles quand on lance l'album est indubitablement la qualité de la production : le son est puissant, dense, tout en gardant de la place pour des nuances variées (on y reviendra plus tard). Œuvrant dans un genre postcore à tendance doom, il fallait bien une production béton et massive pour donner toute l'espace nécessaire aux compos.
Parce que oui, au-delà d'un son très bien travaillé, Grimen c'est avant tout de très bons morceaux : six pistes gravitant pour la plupart au-delà des huit minutes, prenant le temps de progresser pour mieux écraser l'auditeur. Pour cerner un peu mieux le style de Gloson, il faut le voir comme une hybridation entre la douceur explosive d'un Isis, la lourdeur asphyxiante d'un Neurosis et les mélodies froides d'un Kongh. De ses compatriotes, Gloson garde la touche très glaciale dans les accalmies un peu plus mélodiques : sur Prowler par exemple, on a ce passage à la guitare qui distille ses notes sans urgence, lentement, d'une torpeur glaciaire tout à fait particulière. D'Isis, Gloson garde une batterie très orientée sur les toms, il y a beaucoup de ces rythmiques vaguement tribales qui donnent un aspect très primitif, instinctif, à la musique du groupe.
Reste à discuter de l'influence de Neurosis. Certains, je le vois déjà d'ici, vont trouver ça bien trop proche des grands maîtres : usage des accalmies pour mieux écraser par la suite, présence de sons électroniques et de touches de claviers par moments et surtout le double chant, autant d'éléments qui rapprochent Gloson des Américains. Alors oui, tout ça est parfaitement vrai, mais ça n'empêche pas Gloson d'avoir sa propre identité et son propre univers. Le chant, même si doublé comme chez Neurosis, n'a absolument rien de commun avec les vocaux du combo de Seattle : plus grave, plus écrasant, moins torturé et plus direct, en un mot plus Metal que postcore. Pour le reste, oui, on sent bien que Neurosis a pas mal tourné sur les platines de Gloson. Mais si c'est pour aboutir à des morceaux comme Antlers, j'en veux tous les jours des copies de Neurosis. Avec ce titre, Gloson offre un pur moment de catharsis : la classique explosion après accalmie est bien là, mais c'est le final avec cette mélodie éthérée portée par un roulement hypnotique qui donne toute sa splendeur au morceau. Typiquement le genre de titre qui reprend ce que les ainés ont fait, en réutilisant et retravaillant l'effet. Imparable.
Cringe, sorti en single avant l'album, est également une superbe pièce. D'apparence assez simple, le morceau est en fait bien plus riche qu'il n'y paraît : ça regorge de nuances fines (j'en parlais plus haut), comme cette cloche qui marque les premiers temps sur des passages de percussions tribales, ou simplement ces échos de guitares qui habillent l'ensemble d'un voile froid. Gloson n'hésite pas à enlever la distorsion sur quelques mesures en plein milieu du morceau, pour donner un instant de respiration, avant de repartir sur un riff très Isissien dans l'âme, porteur, on ne sait trop comment, d'un espoir fragile qui ouvre tous les possibles.
Incontestablement, ce premier long format de Gloson est déjà une œuvre aboutie : chargé d'influence, le groupe n'en arrive pas moins à recycler l'ensemble pour en donner sa propre vision. Il y a peut-être quelques longueurs ici et là, les Suédois s'attardant peut-être un peu trop sur certains riffs, mais à aucun moment il n'y a de véritable coup de mou. Très peu de déchets donc, et surtout beaucoup de maîtrise : rares sont les groupes qui, dès leur premier album, parviennent à produire quelque chose d'aussi fin. L'intro de Specter, tout en délicatesse et en fragilité, c'est typiquement le genre de truc casse-gueule sur lequel se vautrent nombre de jeunes groupes ; mais pas Gloson. Grimen est donc déjà une énorme révélation et la promesse, je l'espère, d'une suite riche.
Tracklist de Grimen :
01.Prowler
02.Fabulist
03.Antlers
04.Cringe
05.Specter
06.Embodiment