Magma @ Rennes
L'Etage - Rennes
Matthieu, 24 ans, basé à Nantes. Ancien membre d'U-Zine et de Spirit of Metal. Vous me retrouverez pour les chroniques et live reports de divers styles musicaux.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Magma, il s’agit incontestablement d’une des formations les plus uniques que vous pourrez rencontrer au cours de votre parcours musical. Entité créée à Paris en 1969 par Christian Vander, compositeur-batteur-chanteur virtuose et unique chef d’orchestre (littéralement) du groupe depuis ses origines, Magma a vu défiler plus d’une centaine de musiciens différents au cours de sa carrière. Reflet de l’exigence de son maitre à penser ou de la complexité extrême de son style hybride et extraterrestre (la Zeuhl), la carrière de ce monstre musical n’a pas sa pareille. Œuvrant dans un répertoire grossièrement jazz/rock progressif et tribal extrêmement avant-gardiste et animé d’une multitude de chants différents, très proches du domaine de la chorale. Ajoutez à cela un langage aux consonances majoritairement germaniques et slaves, le kobaïen, créé par Christian Vander qui trouvait que le français n’était pas assez expressif et ne correspondait pas à sa musique !
La formation de huit musiciens étant constamment sur les routes (avec certes d’importants breaks), il est très facile de les voir dans l’ouest de la France tous les ans/deux ans. Nous avions donc cette fois rendez-vous à l’Etage de Rennes pour ce qui allait être ma troisième rencontre live avec le groupe. Magma ayant pour réputation d’offrir en moyenne des concerts de 2h, il n’y a pas de première partie ce soir. Et rigueur de la formation ou imposée par la salle, les lumières s’éteignent à 20h45 précisément… Et si certains d’entre vous doutent encore de la pertinence du report d’un tel groupe dans nos pages, il suffit de s’attarder sur leur prestation triomphale lors du dernier Hellfest, de l’organisateur de ce concert (Garmonbozia) et du nombre de t-shirt de formations plus « extrêmes » dans l’assemblée samedi dernier…
Lumières tamisées et ambiance à la fois chaude et mystique servent de décor à l’entrée en scène de l’orchestre infernal avec comme toujours sur ce The Endless Tour, Theusz Hamtaahk (titre composé en 1971 et enregistré live pour la première fois durant les années 80’), incroyable dialogue avec les habitants d’un univers parallèle, voyage introspectif et shamanique de trente-six minutes au bout desquelles l’on ressort en transe, lessivé mais heureux et frissonnant. Si cela n’était pas déjà le cas, chaque membre de l’assemblée se retrouve bluffé par tant de maîtrise et d’osmose musicale. La formation actuelle se compose, outre l’irremplaçable Christian Vander derrière son kit phénoménal (et prenant parfois le micro, preuve qu’il possède une palette vocale des plus impressionnantes), d'un guitariste, un bassiste, un pianiste, un vibraphoniste, un chanteur et deux chanteuses (dont la femme de Christian, Stella).
On enchaîne ensuite avec le célèbre titre Zombies (Ghost Dance) acclamé par le public dès les premières lignes de basse, issu de Üdü Wüdü (1976), morceau pouvant apparaître comme plus « académique » d’une durée de 4’42 mais que le groupe se plaît à faire durer davantage sur scène. S’ensuit alors un entracte de quinze minutes qui en serait presque frustrant car arrivant à ce stade du show, c’est-à-dire à la moitié, il n’est pas aisé de redescendre de ces quarante-cinq premières minutes et la musique du groupe n’est pas faite pour être interrompue brutalement…
L’indispensable et obligatoire Mekanïk Destruktïw Kommandöh (1973) est ensuite joué dans son intégralité (trente-huit minutes) avec ce qui constitue pour ma part le point d’orgue de chaque concert auquel j’ai assisté ! Une longue et frénétique montée en puissance lors de laquelle tous nos sens sont mis à contribution. Les jambes bougent d’elles-mêmes, les poings se crispent, les yeux sont hypnotisés et nos oreilles, peinant à trouver des repères, se laissent emporter dans ce tourbillon de saveurs sonores et de folie contrôlé à la perfection. Et quel monstrueux final ! Les musiciens quittent alors la scène sous les ovations. Les lumières reprennent vie rapidement avant de se rabaisser une dernière fois, lorsque toute la compagnie remonte sur les planches…
Stella Vander, après avoir exprimé une forte pensée envers James Mcgaw, ancien guitariste de Magma qui vient de vaincre un cancer (l’intéressé sera même invité sur scène), présente tour à tour chaque musicien avant que le groupe mythique interprète un dernier titre pour ce soir, le célèbre Kobaia, morceau d'ouverture du premier album éponyme sorti en 1970 ! Et on a du mal à réaliser qu’il s’agisse du premier titre publié par le groupe tant que la structure est déjà si complexe ! Ce dernier round sera une fois de plus remporté haut les mains par une formation à la fois si humaine et si virtuose que l’on en douterait presque ! La qualité d’interprétation, la justesse, l’osmose entre cette multitude de notes est difficile à croire, mais l’ensemble force le respect et l’admiration, à condition bien entendu d’être réceptif à cette musique ô combien personnelle et particulière.
Outre l’entracte certes possiblement bénéfique pour certains mais brisant trop la dynamique du concert à mon goût, je reprocherais à l’organisation le choix de cette salle, bien trop étroite et s’étendant sur la longueur, privant un bon nombre de gens de l’assemblée de voir correctement tout ce qui se passe sur scène (et il s’en passe une multitude, croyez-moi…)
Chaque représentation de Magma est définitivement un voyage à part entière car si la setlist fut sensiblement la même chaque soir lors de cette dernière tournée, les paysages sonores offerts et les incursions psychiques et imaginaires sont du domaine de l’instantané et du ressenti personnel. Il est fort probable que Christian Vander et son orchestre arrivent vers la fin de leur glorieuse épopée et c’est pour cette raison que je conseille à chacun d’entre vous d’assister au maximum de dates qui vont être proposées prochainement, c’est votre dernière chance avant que l’une des plus grandes et étranges entités musicales que cette Terre ait porté ne disparaisse… Pour ma part, j’attends avec impatience la prestation de l’Olympia de Paris avec le Mëtalik Orkestraah (un orchestre de trente élèves du Centre de Musique Didier Lockwood, ce dernier ayant joué du violon au sein de Magma à plusieurs reprises entre le milieu des années 70’ et le début des années 90’) en février prochain ainsi que celle du Roadburn 2017. A bon entendeur…
Setlist :
1. Theusz Hamtaakh
2. Zombies (Ghost Dance)
3. Mekanïk Destruktïw Kommandöh
4. Kobaia