"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Avec ses mèches, ses t-shirts fluo et ses « bree bree », le Deathcore est un genre qui a été cordialement détesté depuis quelques années. Il était donc temps qu’il subisse une révolution, que tous les groupes insignifiants qui sont apparus vers 2008 sous la coupe de Metal Blade laissent place à quelque chose de plus méchant. Certes, et outre le genre mononeurone et monocorde à la Emmure, il y a eu le Crabcore et toutes ses exagérations à la Attack Attack! et autre Design The Skyline. Mais même cette tendance s’est éteinte et va donc finir par laisser place à quelque chose de plus cossu et de plus authentique. Une autre tendance commence à prendre place, qui prend son temps et se fait par le biais d’une poignée de formations savamment choisies, c’est celle d’un Deathcore très evil et sans compromis. Carnifex avait montré la voie en 2010 avec Hell Choose Me, et un an plus tôt était apparu Those Who Lie Beneath avec son An Awakening. Capitalisant subtilement sur le style plus brutal et lourd d’un The Red Chord voire d’un The Acacia Strain, du vrai Blackened Deathcore était en train de naître, à la fois brutal et technique et surtout pétri d’ambiances blackisantes. Fit For An Autopsy s’était engouffré dans la brèche mais le disque qui a vraiment lancé le genre, c’était Hate, le second album des Australiens de Thy Art Is Murder sorti en 2012, puis repéré par Nuclear Blast un an plus tard. Coïncidence, c’est en Allemagne que va apparaître un nouveau larron de ce que j’appelle le « Trve Deathcore », la formation de Braunschweig Science Of Sleep.
Existant depuis 2010, Science Of Sleep se fait repérer par le label Bastardized Recordings après la sortie de son premier EP, Affliction (2011). S’en suivra un premier full-length, Exhaust (2013). Et le groupe allemand montrait qu’il n’avait rien à envier aux formations américaines et australiennes de renom avec un Deathcore tranchant, gras, sombre, technique et sans pitié. La machine était lancée et Science Of Sleep, bien que moins connu, avait les moyens de former une sainte trinité du Trve Deathcore avec Thy Art Is Murder et Fit For An Autopsy (même si ces derniers ont un peu marqué le pas avec le décevant Absolute Hope, Absolute Hell). Hellmouth va permettre aux Allemands de confirmer leur potentiel, changeant de logo pour quelque chose de plus evil que les taches de peinture d’antan. Alors certes, jusqu’au look des musiciens, Science Of Sleep ne semble être rien d’autre qu’un des 6666 groupes de Deathcore interchangeables. Mais quand on choisit de bannir toute forme de chant clair, de faire de la mélodie uniquement sous forme d’arpèges Black-Metal, qu’on n’abaisse le tempo frénétique que pour faire des breakdowns triple épaisseur, quand on opte pour un chant rauque tout à fait intelligible, quand on utilise les blasts à bon escient ainsi que les plans techniques, quand on produit son disque pour avoir un son gras et abrasif et non gonflé aux stéroïdes, on a les arguments pour faire du Deathcore autrement plus remarquable et surtout particulièrement efficace, incisif, puissant et méchant.
Science Of Sleep n’a pas fait évoluer son style d’un pouce par rapport à Exhaust, si ce n’est que les progrès de forme et même de fond sont évidents, les Allemands maîtrisant parfaitement leur style de Deathcore décapant. Certes, un Thy Art Is Murder n’est jamais loin, rien que le single "Purge" évoque un "Reign of Darkness" à chaque instant. Mais l’inspiration est louable et Hellmouth est tout de même légèrement plus brutal qu’un Holy War. D’ailleurs ce second album des Allemands se rapproche finalement plus de The Process Of Human Extermination, le premier full-length de Fit For An Autopsy. Certes encore, rien n’est révolutionnaire dans ce Deathcore aux morceaux assez redondants, tous un peu structurés de la même manière (départ aux riffs massifs, petit arrêt pour mettre le chant en valeur, grosse explosion blastante, déluge de riffs semi-techniques, breakdowns gras puis autres coups d’accélérateur, arpèges dark par ci par là), mais Hellmouth est un défouloir Deathcore particulièrement jouissif, émaillé de ces petites instrumentations evil qui font toute la différence. Ajoutez cela un chanteur à la voix vraiment « death » jamais insupportable, et l’on tient une bombe de Deathcore, ni plus ni moins. Exhaust en son temps démarrait sacrément bien avec le trio "Exhaust" - "7-30-7" - "Annihilate & Revive", Hellmouth fait pareil avec un départ meurtrier : "Hellmouth" comprend tout ce qu’on attend du genre avec des rythmiques hyper inspirées et percutantes qui font taper du pied sur une ambiance très sombre, lourde et evil ; "Purge" est un modèle de Deathcore Thy Art Is Murderien ; "Columns of Greed" est d’une brutalité et d’une méchanceté sans nom, témoignant bien de l’essence d’un groupe qui ne plaisante pas.
Et la déferlante Deathcore se poursuit pour atteindre 44 minutes au total, ou l’intensité et le peps du groupe ne faiblissent jamais. Des copains viennent même participer à l’orgie maléfique (Nico de War From A Harlots Mouth, Matthi de Nasty, l’inattendu Sascha de Der Weg Einer Freiheit pour un solo), jalonnée par des bijous bien evil et blackisants ("Feed to Pigs" très proche de ce qui avait été fait sur Exhaust, "Plainfield", "Swamp", "Deaths Realm"), des fulgurances techniques ("Tremendous Strain", "Wanderers", "Swamp"), de la bonne grosse lourdeur ("Condemned to Burn", "Deaths Realm") et bien sûr de la pure violence Deathcore ("Tremendous Strain", "Condemned to Burn"). On a même le droit à un morceau final chanté en allemand, "Todestreiben", qui résume bien tout l’esprit du Trve Evil Deathcore de Science Of Sleep. Un groupe qui avec Thy Art Is Murder, entre autres même si ils sont trop peu nombreux (pour le moment ?), signe avec ses deux premiers albums une vraie revanche du Deathcore. Pas original pour un sou, un brin répétitif voire limité (pas en termes de technique toutefois) mais moins bête et méchant qu’il n’y paraît, Science Of Sleep a avec cet album posé une belle bombe, qui explose en faisant de gros dégâts. Hellmouth ne révolutionnera pas le Deathcore à aucun moment mais fait de Science Of Sleep un des groupes les plus convaincants et les plus efficaces du genre, évacuant bon nombre de clichés pour en rester à une brutalité très pure, épicée par une technique maîtrisée et des ambiances 666 à tous les étages. Une grosse réussite pour le Thy Art Is Murder européen, qui mériterait un peu plus de reconnaissance, et qui signe un disque un poil meilleur que Exhaust qui était déjà excellent. Et quoi qu’on puisse en penser, Hellmouth est tout simplement un putain d’album de Deathcore. Bim !
Tracklist de Hellmouth :
1. Hellmouth (3:23)
2. Purge (3:35)
3. Columns of Greed (3:47)
4. Feed to Pigs (4:33)
5. Tremendous Strain (3:58)
6. Wanderers (3:28)
7. Plainfield (4:51)
8. Condemned to Burn (4:33)
9. Swamp (4:01)
10. Deaths Realm (3:34)
11. Todestreiben (4:10)