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mercredi 7 septembre 2016

Motocultor Festival 2016 - Jour 3

Site de Kerboulard - Saint-Nolff

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Pour ce troisième et dernier jour au Motocultor, une partie de l'équipe s'est déplacée sur le site très tôt (les concerts étant décalés d'une heure en avance pour terminer plus tôt le dernier soir, par rapport aux autres jours), et ce n'est pourtant pas pour voir le groupe le plus intelligent ou le plus attrayant du weekend.

Poésie Zero
Dave Mustage
11h45 > 12h25

Dolorès : Bon, pour être honnête j’y suis allée parce qu’on m’a dit que c’était débile, qu’il ne faisait pas trop moche niveau météo pour marcher jusqu’au site et que c’est mon frangin qui faisait leur son (bon, deux micros, une guitare et une boîte à rythme, pas de quoi être fier hein, le mec il rentre sans bracelet sur le site pour faire ça quand même hein).

Je saurais pas comment vous expliquer le délire du groupe, qui porte tout à fait bien son nom si ça peut vous donner une première piste. On est dans du Punk tout ce qu’il y a de plus basique et nul, de toute manière ils n’essaient aucunement de faire autre chose, que ce soit original ou bien. Je vous conseille d’aller faire un petit tour sur leur page facebook sinon, histoire de mieux capter leur univers.

Donc c’est Punk et j’ai eu mal aux abdos à force de rire. Non pas que les paroles soient hilarantes, c’est débile au possible mais il s’agit plutôt du jeu de scène du chanteur principal et de ce que j’oserais appeler des « sketch » entre les morceaux (qui prennent sûrement plus de temps que les titres en eux-mêmes). Bon, il faut le vivre pour comprendre à quel point c’est drôle, si je vous parle de taboulé balancé dans le public, ainsi que leurs CDs et des tas de choses improbables, ça ne vaut même pas le moment où le chanteur demande un wall of death où tout le monde doit aller à droite, et une fois que c’est fait, toute la partie de droite est insultée de « fachos de merde, vous vous sentez bien, à droite, hein ? ». Des tas de petites choses comme ça…

Ah oui, je ne vous ai pas beaucoup parlé de leur musique en elle-même. Et je ne compte pas le faire.
 

Nostalmaniac : Alors Poésie Zéro, qu'est-ce que c'est ? Un groupe de Punk rock parisien qui ne se prend pas au sérieux grosso merdo. La configuration est assez minimaliste : une batterie programmée sur PC, un guitariste, deux chanteurs et une bonne dose de bontempi. Vous m'excuserez de ne jamais avoir écouté "l'album bleu" (2014), ... "l'album bleu" (2012), "Bonne attitude" (2011), ni "leur déclaration de guerre au Québec". Musicalement, c'est simpliste au possible mais efficace pour le genre. L'intérêt réside bien sûr dans les paroles scandées par leur vocaliste principal, Fickce, qui ne tient pas en place et va faire mumuse avec le public tout au long du set (RIP la boîte de taboulé ... oritental !). Du coup, on a droit à "une chanson pour ceux qui aiment la bière" avec ... "Coca-Cola". Quelques bonnes blagues bien sales fusent entre les morceaux. Je retiendrai en tout cas celle où Fickce dit avoir revu le chanteur de Nasum sous les vagues. Ça pique, hein ? Le staff de sécu va en prendre aussi pour son grade avec "Policier" : "C'est des mecs qui n'ont pas eu le diplôme, donnez-leur du boulot" (sic) et du coup enchaîner logiquement avec "Pogo". Les poétiques "Punk", "Va niquer ta mère", "On s'emmerde le dimanche" et autres "Transport en commun" vont en tout cas rythmer un concert fun et donner des airs de cour de récré à la Dave Mustage. Un gars (ou une fille) se fait inviter sur scène déguisé en poulet pour rapidement se faire dégager ("on est pas Andreas et Nicolas"). Autant Andreas et Nicolas ne me font plus vraiment rire non plus, autant là ça ne m'a pas du tout déplu. Au contraire. Ca réveille plutôt bien. Des disques jetés dans le public, et même un canon de cotillons resté tristement inutilisé. On les imagine bien animer nos repas de famille mornes du dimanche mais ça marche aussi un dimanche matin en festival. Bien joué.

Setlist :
Joyeux Anniversaire
Oi Génération
Bourgeoisie
Brûler ta voiture
Coca Cola
On s'emmerde le dimanche
Punk
Facebook
Nadine
Pogo
Policier
Mitraillette
Transport en commun
Magie de Noël
Va niquer ta mère


Piste bonus quelque part : Constamment sous C
 

Big Sure
Massey Ferguscene
12h35 > 13h15

Dolorès : Comment se fait-il que je n’aie jamais entendu parler de ce groupe ou vu ce nom sur une affiche alors qu’ils sont Nantais et que ça défonce ? J’ai pris une telle claque ! On m’en avait parlé mais j’aurais été par simple curiosité, alors qu’en entendant les balances se faire, en chemin pour Poésie Zero, je me suis rendue compte que j’avais bien hâte de voir ça.

Comment vous expliquer ce que j’ai vu et entendu ? Leur page facebook dit Stoner Psyché, mais ce n’est absolument pas comme ça que j’ai vécu la chose, ne supportant que très peu le Stoner. Ils ont ce feeling 70s, passant aussi par leur look et leur attitude scénique, tout en proposant des passages plus lourds, sans sonner une seule fois Stoner basique sans âme. Il y a quelque chose de plus complexe derrière, l’ensemble est travaillé pour sonner lancinant et hypnotique, presque spatial, et non avalanche de riffs rock’n’roll.

On se retrouve à suivre avec attention ce qui se passe sur cette batterie complètement folle avec, derrière elle, un musicien qui a l’air sur un petit nuage tant il s’éclate, un claviériste et percussionniste apparemment nouveau-venu qui assure totalement, un chanteur-bassiste aux lignes simples mais efficaces… On a vraiment l’impression d’un groupe plein d’humilité et pourtant très professionnel et surtout passionné.

On notera qu’il s’agissait pour moi d’une des plus belles scènes, niveau disposition dans l’espace et jeux de lumière, peu changeants mais juste parfaits pour l’atmosphère (le contraste violet et or donnant une dimension un peu irréelle au concert, pourtant assez tôt en journée). Bref, à revoir très vite sur Nantes du coup.
 

Panzerbrume : Après une soirée un peu difficile, se réveiller avec du Post-Rock me semble une idée alléchante. Enfin, c'est comme ça qu'on m'a vendu BigSure à moi, ce qui n'est pas beaucoup plus proche de la réalité que le Stoner vendu à Dolorès, ni plus éloigné en fait. Le groupe est en effet assez difficile à classer en fait, mélangeant efficacement du Doom Psyché aux inspirations Black Sabbath avec des plans plus puissants et inspirants à la Toundra, sans pourtant tomber dans le piège du patchwork inefficace.

Les quatre musiciens enchemisés ont aussi un jeu assez particulier. Le claviériste abandonne de temps en temps ses touches pour un tom électronique, le chanteur a une voix très propre qui pourrait parfaitement coller à un groupe de Pop Rock (dans le bon sens du terme), mais lui donne une dimension assez épique par des lignes de chant qui renforcent les changements de riffs et accentuent les montées en intensité. Le très bon son et le jeu de lumières assez éthéré rajoutent au côté prenant de la musique, et BigSure est finalement une excellente surprise ! Bref, c'est propre, original et efficace, à peu près tout ce qu'on peut attendre d'un groupe qu'on ne connait pas en arrivant. BigSure, si vous lisez ça, bravo à vous !

 



 

Leng Tch'e
Dave Mustage
13h20 > 14h00

Nostalmaniac : Leng Tch'e est incontestablement un nom respecté dans la sphère Grindcore. Plus à l'étranger que dans son propre pays d'ailleurs, j'ai l'impression. C'est une histoire qui a débuté à Gand, en Belgique, en 2001. Une histoire chahutée surtout quand on sait qu'il ne reste plus aucun membre d'origine et que nombreux musiciens y sont passés. Sven de Caluwé (Aborted), Boris Cornelissen (Emeth) ou encore Rik Martens (Alkerdeel) y ont en effet joué à un moment ou à un autre. Quand bien même, le lineup actuel a les crocs, et même un nouvel album en prévision. Le frontman Serge "Kraven" semble survolté et dès que commence le set, c'est l'explosion. Une explosion de Grindcore sans subtilité déterminé à annihiler les cervicales. Serge va sans hésiter se confronter aux premiers rangs, laissant le micro à quelques uns. Il repère à un moment un gars qui lui fait penser à l'ancien chanteur (Boris) et qu'il fait monter sur scène pour un grand moment "what the fuck" ("On va faire Joey Starr et Kool Shen") dont le gars en question se souviendra sûrement longtemps. Il en fait monter un autre, très jeune et un peu naïf avec qui "il n'a pas la même définition de la violence". Un frontman complètement déchaîné donc qui contamine toute l'assistance de sa folie. Il provoque, il slamme, il plaisante et prend en tout cas vraiment du plaisir. La machine Grind s'emballe et les quelques répits sont salvateurs. Un concert de Leng Tch'e, c'est comme se prendre une masse dans la tronche un beau matin avant d'aller au boulot. Des compositions primaires qui servent de défouloir exécutées avec une énergie incroyable. C'est simple : un des meilleurs concerts du Motocultor 2016 pour ma part.
 

Stonebirds
Massey Ferguscene
14h10 > 14h50

S.A.D.E : Début de journée un peu tardif pour moi en ce dimanche, et j’attaque en douceur sous la Massey Ferguscene avec Stonebirds. Je découvre le groupe en live et c’est une surprise bien sympathique qui m’attend : un stoner aux relents psyché, posé et apaisant dans l’ensemble, avec quand même quelques incartades un peu plus rentre-dedans de temps en temps. Trio classique guitare + chant / basse / batterie, le groupe est plutôt à l’aise sur scène, même si pas forcément habitué à des concerts de cette envergure. Une grande partie du chant se fait en voix claire, assez aiguë, qui parfois me ferait presque penser à du Tame Impala en plus désertique. Les compositions sont assez classiques mais bien exécutées et avec quelques très bon riffs. A noter également l’excellente performance du bassiste, qui, sur sa six cordes fretless (!), fera courir ses doigts sans répit et sans accroc. Stonebirds, une bonne entrée en matière pour une dernière journée.
 

Lost Society
Dave Mustage
14h55 > 15h40

Nostalmaniac : Le Thrash Metal rétro n'est plus vraiment à la mode (bon, les modes sont cycliques...), ce qui n'empêche pas quelques jeunes Finlandais de s'y adonner à fond. Signé sur le réputé label teuton Nuclear Blast depuis son premier skeud en 2013, Lost Society n'a cessé d'élargir sa popularité et grimper de plus en plus haut sur les affiches des festivals européens. Ce qui n'est jamais le fruit du hasard : trois albums en trois ans et l'enchaînement des dates qui va avec. Sans être bien entendu novateur leur Thrash est réellement percutant avec quelques subtilités mélodiques fort judicieuses. Pas forcément régressif (on repère beaucoup d'influences Punk hardcore) et joué avec énormément d'enthousiasme. Un guitariste/vocaliste déterminé, des riffs acérés à profusion, une attitude scénique exemplaire. Voilà qui me convainc totalement. Ces joyeux drilles sont très à l'aise sur scène. On aura droit à de nombreux extraits du dernier album ("Braindead") qui me donnent envie de m'y pencher sérieusement. Pour sûr, si Lost Society continue sur cette voie, leur nom n'est pas prêt de tomber dans les oubliettes de l'histoire.
 

Vektor
Supositor Stage
15h50 > 16h35

S.A.D.E : Grand soleil depuis le début de la journée, et grand soleil toujours pour le set galactique de Vektor. Déjà hallucinante sur album, la musique des Américains prend en live une dimension délirante. Le thrash progressif du combo, expression que l’on croyait antinomique jusqu’à l’arrivée de Vektor, n’a jamais aussi bien porté son nom : agression virulente et sans merci sur des morceaux à tiroirs aux structures aussi biscornues qu’imprévisibles. Là où n’importe quel groupe de thrash peut balancer dix ou douze morceaux à l’aise, Vektor n’en jouera que cinq. Mais alors cinq qui défrisent non-stop, le tempo est calé approximativement à la vitesse lumière et tant pis pour ceux qui n’arrivent pas à prendre le vaisseau en route. Une chose qui ressort encore plus incroyable qu’en studio, ce sont les soli de guitares : c’est d’une rapidité et d’une fluidité parfaite, et puis ça dure nom de Zeus, ça dure et ça ne semble jamais tari, sans jamais se répéter. Et puis il y a aussi le jeu de batterie tout en puissance, avec une configuration assez originale : seulement deux toms, medium et basse, disposés de part et d’autre de la caisse claire, laissant le champ dégagé devant le batteur. Résultat, des breaks ultra denses qui jonglent entres les trois percussions, donnant une identité plus marquée à la musique du groupe, loin des classiques descentes de toms aigu>grave.

Ouvert sur Charging The Void, le set de Vektor se clôt sur Recharching The Void, morceau aussi incroyable que sublime, avec sa longue plage d’accalmie sidérale. Un pur moment de musique technique, qui ne tombe jamais dans le démonstratif, dans le top des concerts du fest, assurément.
 

Romain : Je m’approche de la Supositor Stage alors que le set de Vektor est déjà entamé. Tandis que je décide de me poser quelques instants en haut de la descente histoire de finir ma pinte avant de rejoindre le pit, la déception commence. Le volume sonore est faible. Mais alors vraiment trop faible. Je n’ai plus souvenir de la quantité de vent pendant ce concert, mais là pour un groupe de Thrash, c’est vraiment triste. C’est ainsi que même une fois ma bière ambrée terminée – très bonne pour ces 5€ bien qu’un peu plate, soit dit en passant – je mets beaucoup de temps à me motiver pour me rapprocher de la scène. Quand je me décide enfin, voyant l’heure tourner et ne voulant par principe pas rester les fesses collées au gazon pendant tout un concert de ce style, je m’avance enfin vers la zone de bagarre. Mais même une fois positionné là, on ne peut pas dire que Vektor a su m’emporter. Pour moi, le concert sonnait comme un groupe de Thrash tout à fait lambda. Ce n’était pas déplaisant, mais le souvenir de ce concert est pour moi loin d’être impérissable. C’est con, j’avais vraiment envie de me castagner un bon coup avant l’enchaînement de concerts pour drogués qui n’allait plus tarder à suivre…
 

Fractal Universe
Dave Mustage
16h40 > 17h20

S.A.D.E : Découvert avec la sortie de leur premier EP, que le groupe m’avait très gentiment fait parvenir pour une émission d’Apocalypse, Fractal Universe m’avait fait forte impression. Les compos du groupe étaient déjà très solides, leur son bien produit, un vrai bon premier EP plein de promesses. Et voilà que le groupe se retrouve sur la Dave Mustage pour délivrer son death technique. Même si bien denses et bien chargées, les compositions de Fractal Universe ne me noient pas sous les plans et les déluges de note comme un Gorod la veille, ici je trouve plus la place de respirer. D’une part la voix moins monolithique et plus variée permet des variations salutaires, et d’autre part, les arrangements entre les guitares sont plus simples et plus efficaces. Ce qui n’enlève rien à la violence et à la technique du propos, Fractal Universe cogne, et cogne dur, avec un sens déjà bien travaillé de la scène, le groupe est à l’aise avec le public et se permettra même de lancer un wall of death. C’est toujours très plaisant de voir un « petit » groupe grandir, et je parierais bien que Fractal Universe n’est qu’en début de croissance.
 

Secrets Of The Moon
Supositor Stage
17h30 > 18h20

Dolorès : « Sorry for the shitty weather », une phrase du chanteur qui résumera très bien le seul défaut qu’aura ce concert. Je ne comprends pas qu’un groupe comme celui-ci ait joué en plein de soleil de fin de journée, sur la scène non-couverte. C’est pas parce que le dernier album s’appelle « Sun » qu’il faut leur faire des crasses comme ça, s’il y a bien un groupe aujourd’hui qui méritait de jouer dans l’obscurité, c’était Secrets Of The Moon. Bon, certes il y a Conan de l’autre côté du site du festival, mais c’est un peu plus rock’n’roll et lumineux, non ? Les ayant déjà vus trois fois, cela explique que je me sois retrouvée devant Secrets Of The Moon et je n’en regrette pas la décision.

Une fois passé ce détail (qui n’en est pas réellement un), il faut avouer que le dernier album rend extrêmement bien sur scène. C’est celui que j’ai le plus écouté, car très différent du reste, et je l’aime beaucoup, mais leur prestation m’aura bien donné envie de redécouvrir le reste, bien que la setlist soit principalement axée sur « Sun ».

Malgré le soleil, et le vent qui abîmera un peu le son qui aurait pu être meilleur, les musiciens sont charismatiques et le chant portera nos sentiments dans tous les sens, s’écrasant les uns contre les autres, pendant 50 minutes. Entre autres moments ultimes, le chant désespéré de « No More Colours », les notes sans espoir de « Hole », la lenteur émouvante de « The Man Behind The Sun »… Pour ceux qui le savent, il y a comme un hommage rendu, une teinte de deuil en fond, pour la bassiste retrouvée pendue il y a quelques années, la Française LSK, remplacée en live ici par un membre d’Obscura et Thulcandra. Une très belle prestation, avec un goût particulier, amer mais intense.

« There is no hope, give yourself into the hole… »


Panzerbrume : C'est un peu la journée de l'inconnu pour moi. D'abord Big Sure, puis Secrets of the Moon, découvert sur les conseils d'un pote pas plus tard qu'une semaine avant le concert. Quelques écoutes plus tard, le groupe rentre directement dans le case "à ne rater sous aucun prétexte" de mon running order, tant pis pour Conan.

Le chant de Philipp Jonas prend une toute autre dimension en live par rapport au studio, moins douce mais plus pinçante, un peu plus rentre-dedans, sans pour autant perdre quoi que ce soit en émotions transmises. Bon, je prends de l'avance, mais le point d'orgue du concert était The Man Behind the Sun, avant-dernier morceau du set avant la clôture sur Lucifer Speaks. Tout est tellement triste dans ce morceau, mais beau à la fois : des notes longues et lancinantes à la guitare sur une rythmique lente et distante, un chant magnifique et empli d'émotions, des montées en puissance aux teintes de cris de désespoir... Enfin bon, je m'attarde sur ce morceau parce qu'il m'a vraiment marqué, mais le reste était aussi très très bon. En particulier, le chant scandé sur le refrain de Serpent Messiah m'est resté en tête une bonne partie de l'après-midi.

Franchement, je ne comprends pas pourquoi Secrets of the Moon n'a pas joué la veille au soir. Hormis les quelques soucis de son, probablement liés à un jeu de guitare très complexe (combien de fois n'a-t-on pas vu le frontman tourner les quatre potards de sa gratte pendant les morceaux), le principal souci du concert a été sa place dans le running order. La musique du groupe est taillée pour ressortir pleinement en salle, ou au moins dans un espace couvert, assez sombre et coupé du vent. Les programmer sous l'une des deux tentes aurait facilement propulsé ce concert dans le top 3 du festival, mais sur la petite scène en open air, bah ça ne collait juste pas, un peu comme mettre Skepticism en début d'après-midi par trente degrés, si vous voyez ce que je veux dire...

Mais je n'ai pas envie de finir sur une note négative. Secrets of the Moon a malgré tout donné un excellent concert, puissant et bourré d'émotions. De plus, les quelques mots que j'ai pu échanger avec le chanteur après le concert révèlent un musicien extrêmement humble et gentil. Voilà, c'est mieux comme fin, le groupe mérite clairement qu'on s'attarde plus sur ses qualités que sur son horaire :)



 

Conan
Massey Ferguscene
17h30 > 18h20

S.A.D.E : Dans mon petit carnet de notes sur lequel j’écris, à la fin de chaque concert, quelques mots pour m’aider à me remettre en mémoire la performance du groupe, un seul figurait pour le set de Conan : lourd.

Encore tétanisé par la déferlante des Anglais, c’est apparemment tout ce que j’avais pu écrire une fois leur prestation terminée, et c’est d’ailleurs, je trouve, le meilleur résumé possible. Conan a littéralement emmuré tout le monde avec son doom belliqueux, coulant des kilotonnes de béton armé sur le public, venu assez nombreux pour prendre sa fessée. Lourdeur, pesanteur et lenteur étaient les maîtres mots du moment, même si quelques accélérations de tempo sont venues renforcer le tout, donnant l’occasion de faire voler la poussière aux plus excités des présents. Le son était divin, massif au possible, faisant vibrer les cages thoraciques sur les accords monstrueux délivrés par la gratte. Sans finesse aucune, Conan laboure les tympans, en laissant une belle place dans la setlist aux morceaux de son dernier album. Le groupe a donné exactement ce qu’on attend de lui en live: des coups de hache à deux mains, bien placés entre les deux yeux, juste histoire d’être sûr qu’il n’y aura pas de survivants.
 

Romain : Voilà, ce que j’attends avec impatience depuis le début du week-end peut enfin commencer : le trio gagnant, la triplette Doom, l’enchaînement de bûches… Conan, Graveyard et Bongzilla à la suite, ça promet d’être sportif, aussi bien pour ma nuque que pour mes poumons. Et je vais aimer ça.

En fait, on pourrait comparer ce qui va suivre à un repas entrée-plat-dessert où tous les mets servis sont aussi copieux. Et dégoulinants de gras. L’entrée c’est donc Conan. Groupe que je vois pour la quatrième fois sur scène. Si le « Caveman Battle Doom » ultra bourrin du trio est lassant pour certains au bout d’une trentaine de minutes, je suis encore une fois impatient de voir débarquer la formation anglaise. D’autant plus que leur dernière performance live à laquelle j’ai pu assister, quelques semaines plus tôt à l’Xtreme Fest, fut pour moi la meilleure. Cela a malheureusement pour effet que je doute assister à une meilleure prestation. Mais je me dis aussi que je peux difficilement être déçu et que ce set pourra toujours égaler le précédent.

Et c’est le cas. L’entrée est servie, et c’est avec joie quel l’on constate que Chris Fielding est dans l’assiette à la basse et aux assaisonnements vocaux (bon ok j’arrête ces métaphores culinaires de merde). Même si Renata Castagna de Samothrace assurait bien le boulot, cette dernière n’était pas équipée de micro lors de chaque concert, privant les morceaux de chœurs growlés.

Musicalement, on a droit à un concert de Conan somme toute classique : lourd, baveux, sale, lent… Enfin, pas forcément lent, Conan ayant la particularité de pouvoir enchaîner les riffs te faisant planer et/ou headbanguer plus lentement que tu ne l’as jamais fait auparavant, puis enchaîner sur un break qui te fait lever le bras, poing fermé, et battre la pulsation à toute allure. Et ces différentes ambiances se succèdent admirablement bien, que ce soit entre deux riffs ou entre deux morceaux, rarement entrecoupés de blablas. On a bien droit de temps en temps à un « Thanks we’re Conan » mais guère plus. Et on s’en fout, ce qu’on veut c’est du gras, du gras, et du gras, et on en a eu.
 

Graveyard
Dave Mustage
18h25 > 19h15

Dolorès : Cela a été pour moi le genre de concert qui te fait haïr tous tes potes fans qui ne t’ont jamais fait écouter un seul titre. Pourquoi m’avoir laissée dans l’ignorance tout ce temps ?

J’ai eu l’impression de découvrir une sorte de version moderne de Led Zeppelin meets Rory Gallagher et je serais restée une heure de plus si ça avait été possible. J’ai déjà écouté en boucle l’album « Hisingen Blues » depuis le lundi où je suis rentrée de ce weekend, même si j’imagine qu’un bonne partie des titres étaient tirés du dernier album, vu le gigantesque backdrop représentant la pochette derrière les musiciens.

Autant résumer le concert en disant que toute la tente dansait, que le son était merveilleux même en n’étant pas parfaitement placé (la faute à l’attente au bar après Secrets Of The Moon). Gros changement d’ambiance entre la noirceur sans espoir de ce dernier et le groove rock’n’roll de Graveyard, mais je n’ai eu aucun mal à rentrer dedans tant la performance était parfaite sans être complètement aseptisée. Les mecs vivent à fond leur concert, et on le vit avec eux. La plus grosse surprise du weekend.
 

Romain : Plat de résistance. Plus léger que l’entrée. Un peu trop light même. Si j’aime bien Graveyard, enchaîner directement dessus quelques minutes après la bombe Conan me laisse de marbre. Pourtant je n’ai pas grand-chose à redire sur leur Hard Rock old-school, fortement imprégné de Blues et d’une touche de Psyché/Stoner. C’est bien joué, bien chanté, le son est bon… Mais juste après du Doom Metal méga bourrin, le set me paraît bien trop propre et calme. Du coup je n’arrive pas à du tout rentrer dedans et observe le concert de loin en reprenant des forces. Si je me rapproche le temps d’un Hisingen Blues et me lâche alors un peu à ce moment-là, le reste du concert me paraît plus être de la musique d’ambiance que j’écoute d’une oreille peu attentive, tandis que je m’occupe à fumer des clopes le cul posé à l’ombre. Bon, l’avantage, c’est que ça me fera de la place dans l’estomac pour le dessert, et une bonne place dans le public, ne regrettant pas tant que ça de m’éloigner de la Dave Mustage quelques minutes avant la fin du set. Mais je redonnerai tout de même une seconde chance à Graveyard la prochaine fois que j’aurai l’occasion de les voir.
 

Bongzilla
Massey Ferguscene
19h25 > 20h15

S.A.D.E : Réglages de dernière minute faits avec un joint collé au coin des lèvres, pas de doute, c’est bien Bongzilla qui est à l’assaut de la Massey Ferguscene. Quand les dernières volutes s’effacent dans le vent, c’est qu’il est temps de commencer le concert, et vlan, premier riff bien stonerisant dans les côtes, quel régal ! C’est rond, c’est chaud, c’est un peu sale parce que quand même, il faut bien, ça sent l’herbe partout sous la tente, bref c’est un concert de Bongzilla. Le croassement de Mike Makela est assez rare, le groupe laissant une large place aux plages instrumentales, et, n’étant pas un expert de leurs albums, je dirais même une large place aux impros. Et peut-être même un peu trop large sur la fin. Ravitaillés régulièrement par un mec dont le boulot consiste à allumer un joint, l’apporter aux zicos pour qu’ils le fassent tourner, avant que le gus ne le récupère et le finisse peinard sur le côté de la scène, ravitaillés donc en THC, les mecs de Bongzilla se la jouent gros jam un peu interminable sur la dernière partie du set. Un refrain, une loooongue et impressionnante partie de batterie (c’est cool les premières fois, lassant au bout de la trois ou quatrième), et retour sur le refrain. Allez, un dernier morceau ? Vous êtes chauds ? Ah ben nan, en fait y a plus le temps, on a trop jammé en roue libre. Concert mitigé donc : d’un côté le plaisir de sentir ses tripes vibrer sur le son de Bongfuckingzilla, et de l’autre l’aspect un peu trop freestyle de la prestation du groupe.
 

Romain : Ça y est, le dessert, que dis-je, la pièce montée arrive ! On en a pas encore mis une miette dans la bouche que l’on sait que ça va être du Metal grrrrraaas ! (allez d’accord cette fois-ci j’arrête vraiment ces comparaisons douteuses). Il n’y a pas encore beaucoup de monde devant la Massey Ferguscene avant que le set de Bongzilla, jouant pourtant enfin pour la première fois en France, ne commence. On observe toutefois dans les premiers rangs une activité commune à beaucoup de festivaliers : le roulage de pétards. De beaucoup de pétards. Puis Bongzilla déboule sur scène. En fumant des pétards. Pas de backing track introduisant le premier morceau, de larsen caractéristique d’un début de concert de Sludge, non, rien de tout ça. Ça fume juste des pétards. Du coup dans le public, ça allume les pétards roulés juste avant.

Puis le concert commence. Et sans surprise, c’est crade. Aussi crade que l’image de vieux rednecks que sont les membres du quatuor américain, casquettes vissées sur le crâne, clopes au bec. Les mecs ont pas l’air stressés pour un sou, donnant plus l’impression de jammer dans leur garage, amplis poussés à burne, prenant des pauses pour fumer un joint de temps à autre. Car oui, si fumer avant le concert n’était pas suffisant, deux interludes fumettes eurent lieu pendant le concert, après que l’un des zicos appelle ce qui semblait être le roadie prédisposé aux pétards, apportant alors la précieuse drogue à l’un des membres du groupe, toute prête à être consommée. Alors là, Bongzilla minimalise encore plus sa musique pour permettre à chacun de tirer sa barre. Cela ne choque pas l’assistance, bien au contraire ; j’ai en effet pu estimer le nombre de joints à un par main en moyenne durant les vingt à trente premières minutes de set. Pour une fois qu’un public de festival sait se mettre dans l’ambiance adéquate… Cooter Brown à la basse n’a alors pas à beaucoup insister lorsqu'il invite régulièrement à fumer, fumer, et encore fumer. Peut-être un peu trop en ce qui concerne le groupe, la musique commençant à se déstructurer plus le concert s’écoule. Mais bon, j’ai juste eu l’impression d’assister à une session impro de mecs qui savent ce qu’ils font et qui maîtrisent leurs instruments respectifs, cela ne m’a donc que peu dérangé. Le concert est alors principalement instrumental, Muleboy ne chantant qu’assez rarement. Mais lorsque celui-ci se place derrière le micro, quelle voix ! Un pote me disait en déconnant après le concert que les chanteurs de Stoner/Doom/Sludge ne savent chanter qu’une seule note. Avec Bongzilla, cette image est très loin d’être exagérée, mais quand cette seule note colle aussi bien avec la musique, on s’en fout et on profite de cette voix rocailleuse pleine de colère et de défonce.

Bongzilla a divisé le temps par zéro avec son Sludge hyper agressif ne faisant aucune concession. Le genre de set où tu réalises à un moment que tu es incapable de dire si le concert dure depuis un quinze minutes ou deux heures. Le groupe non plus visiblement, premiers surpris de voir qu’il ne leur reste plus de temps pour un dernier morceau. On vous en veut pas les mecs, c’était mortel.

Un bien bon repas promettant une digestion lente et ardue…
 

Soulfly
Dave Mustage
20h20 > 21h10

S.A.D.E : Aaah, Soulfly… groupe important de mes tout débuts dans le metal, j’ai toujours lu et entendu dire que Cavalera était au bout du rouleau en live et que les prestations du groupe étaient aussi vides qu’insipides. J’ai quand même décidé de donner une chance à l’ami Max de donner tort aux médisants, ça ne peut pas être si pire… Et pourtant… Que c’était nul ! que c’était vide… Max a dit on applaudit. Max a dit on saute. Max a dit on crie fort pour le groupe. Max a dit on crie fort pour Ministry tout à l’heure. Et voilà déjà un quart de rempli comme ça, c’est facile. Et comme les compos de Soulfly ne tiennent pas vraiment la route, on va rependre Sepultura, au moins c’est sûr que ça va marcher. Bah non, c’est mou, c’est chiant. Arg ! Je voulais pas faire mon mécontent de base, mais juste pas le choix : ce concert était d’une chiantise absolue et si tous les concerts de Soulfly sont de cet acabit en fest, pourquoi continuer de les inviter ? OK, la suite.
 

Dying Fetus
Supositor Stage
21h20 > 22h10

S.A.D.E : Dying Fetus, autant le dire de suite, c’était la boucherie death du week-end, la grosse bûche bien solide, le bon gros concert qui tache. A la fois brutal, précis et terriblement strict, le trio américain a brisé tout le monde devant la Supositor Stage. Entre les parties purement death où la vitesse d’exécution le dispute à la violence et les espèces de beatdown hardcorisant qui sont aussi jouissifs que brutaux, Dying Fetus aura décimé l’ensemble des organismes vivants en présence. Amateur du groupe sur album, sans jamais avoir poncé les dits albums à fond, une chose me surprend agréablement en live : les soli. Rapides, tordus et déroulés sans accroc, jamais je n’avais autant prêté attention à cette composante de la musique du groupe.

Le batteur est une machine, un putain de métronome qui blast à tout-va, balance des tapis de double en veux-tu en voilà, envoie des breaks venus de l’espace, bref un monstre de technique et de précision. Dying Fetus est grand, Dying Fetus est beau, Dying Fetus aura retourné dans tous les sens du terme les innocents venus les voir. Pour leur plus grand plaisir.
 

Panzerbrume : A une semaine du Party San, me prononcer sur Dying Fetus ne serait que de la redite de ce qu'a pu raconter le copain Sleap ! Je vous invite donc à lire ce qu'il a écrit, et à apporter les corrections suivantes : One Shot One Kill a été jouée, et des mamans ont bel et bien été tuées en fin de set pendant que des chiens se faisaient violer. En dehors de ça, bah c'est Dying Fetus quoi ! Une machine bien rodée, extrêmement efficace, et un peu mécanique (même si Gallagher se laisse aller à sourire, ce à quoi il ne nous avait pas habitués ! Serait-il humain en fait ?). Bref, la branlée habituelle.
 

Testament
Dave Mustage
22h15 > 23h10

Nostalmaniac : L'air de rien, les Américains ont toujours été là. Une histoire interrompue depuis 1986. Ils ont survécu à la vague Glam puis à la maudite vague Grunge non sans mal, mais sans jamais trahir toutefois leurs racines comme énormément de groupes à l'époque. On ne pourrait toutefois pas leur jeter la pierre, les labels avaient beaucoup plus de pouvoir et faisaient la pluie et le beau temps. C'est une autre histoire. Bref, le combo, visiblement heureux d'être là, démarre son set tambour battant. Chuck Billy occupe l'espace et arpente la scène d'un bout à l'autre avec son micro sans pied. Le guitariste Alex Skolnick est toujours bluffant de dextérité. Bon, je ne vais pas en surprendre beaucoup en disant que je suis surtout familier avec le répértoire 1987 - 1992 de la formation californienne. Je suis donc heureux d'entendre de nombreux morceaux du remarquable "The New Order" (1988), pierre angulaire de leur riche discographie. Jugez plutôt : "Disciples Of The Watch", "The Preacher", "Into the Pit" et "The New Order" qui rappellent les belles heures du Thrash américain auquel Testament a beaucoup contribué. Gene Hoglan est toujours une bête indomptable derrière ses fûts. J'adore tellement son jeu et son feeling. Gros coup de coeur aussi avec l'interprétation de l'efficace "Practice What You Preach" (titre qui figure sur l'album du même nom paru en 1989). Par contre, plus le concert avance plus l'intensité retombe et je ressens une certaine lassitude. Pas grave, le show reste, dans l'ensemble, vraiment bon et Testament n'a pas perdu la main pour remuer les foules.
 

Batushka
Supositor Stage
23h20 > 00h10

S.A.D.E : Batushka est assurément un des groupes que j’attendais le plus ce week-end, leur Liturgie étant une des meilleurs choses qui soit arrivée cette année en terme de black metal. Il est bien connu qu’en fest, tout ce qui est ambiance a tendance à perdre en impact et c’est malheureusement ce qui se passera pour Batushka. Premier énorme problème : où sont les chœurs ? Où sont ces putains de chœurs orthodoxes qui foutent des frissons tout le long de la colonne vertébrale ? Perdus quelques part dans le mix, émergeant de temps à autre pour repartir dans les limbes. Le délire cagoules/autel/bougies en prend un coup avec ça, le côté grand-messe perdant de sa splendeur quand le chœur n’est pas là. Et pourtant, malgré cela, le groupe parvient à me transporter, pas aussi loin qu’il aurait pu, mais ailleurs quand même, rien qu’avec ses compositions si lancinantes et hypnotiques. Les guitares, un peu trop fortes au début mais corrigées par la suite, distillent cette atmosphère si particulière, ce mélange de religiosité et de froideur, de sagesse et de folie, cette essence si intangible et si propre au groupe. Heureusement que la voix du chanteur, claire comme criée, n’est pas aussi foirée que les chœurs. Le maître de cérémonie délivre sa prestation avec une sobriété qui tranche avec l’aspect assez ostentatoire de la mise en scène, commençant le concert en appelant le public à prier avec lui, et gardant une pause quasi-statique d’un bout à l’autre de la performance. 

Un groupe que je tiens absolument à revoir dans de meilleures conditions, tant, avec un son aussi mal foutu, les Polonais sont déjà parvenus à me faire vibrer. C’était bien, alors que ça aurait dû être grandiose. Dommage.


Dolorès : C’est avec l’esprit plein d’appréhension que j’attendais Batushka. Ayant entendu parler de leur prestation à Paris, suivie de plein de qualificatifs négatifs, je n’étais pas trop rassurée. En vrac, le son n’était pas terrible (oui bon, on parle de Paris hein), la prestation, le décor, et les costumes n’avaient rien d’original, et on ne rentrait donc pas dedans.

Je débute le concert dans le pit photo et je découvre quelque chose de totalement autre. Après une petite intro sans grande conviction, on enchaîne sur le premier titre de « Litourgiya », le groupe jouant l’album entier ce soir. A la barrière, le son est massif, les ambiances parfaitement restituées, je reconnais tous ces riffs qui m’ont transportée en studio et que je connais à présent par cœur. Etant très proche du groupe, je suis complètement absorbée par cet univers de personnages intimidants qui remplissent la scène, absorbée par l’encens et les bougies, les incantations qui sortent de tous les côtés, et par la scène où les lumières laissent apercevoir une partie à la fois, ne dévoilant pas tout de suite l’aspect majestueux et terrifiant de l’ensemble.

Je m’éloigne après avoir terminé mes photos et tout retombe. De la régie, on n’entend plus vraiment les chœurs, le son n’est pas extrêmement mauvais mais fade, le son est peu fort… J’ai dû enlever mes bouchons d’oreille pour profiter un peu des titres, histoire déjà de les reconnaître et ensuite d’avoir un peu plus l’impression d’être plongée dans l’ambiance, car je serais bien restée tout devant tant je n’avais pas grand-chose à redire. C’est bien un des seuls projets du genre qui a carrément ses choristes sur scène, et c’est comme si on n’entendait que des samples lointains. Devant, on en prend plein les yeux, plein les oreilles, et en s’éloignant un peu, l’ensemble perd toute sa saveur.

Reste que le chant principal, ainsi que le personnage qui déclame ces résonnances graves et mystiques sur scène, est vraiment surprenant, donne une autre dimension que sur studio, plus spontanée et sincère encore. C’est vraiment dommage que le reste n’ait pas été à la hauteur, que l’intensité de ces titres si profonds n’arrive pas à être rendue sur scène, car il y a vraiment matière à créer une performance mémorable avec tous ces éléments.
 

Panzerbrume : Bon, les autres vous ont déjà parlé des problèmes de son et de la majesté du décorum. Dissertons donc plutôt sur la problématique de la hype dans la scène Black Metal ritualiste actuelle. Au-delà du troll, j'aimerais profiter de ces quelques lignes pour vous demander à vous, assidus lecteurs, de m'expliquer les faits suivants, que je ne comprends honnêtement pas :

Le premier album de Batushka, sorti fin 2015 est passé relativement inaperçu, puis a commencé à surgir un peu partout sur Youtube, Facebook et autres vers la fin janvier 2016. Comme tout le monde, j'y ai jeté une oreille, et ai retrouvé dans leur musique des éléments proches de groupes que j'affectionne tout particulièrement, comme Cult of FireMgła ou Death Karma (le morceau Yekteniya 3 étant pour moi le point d'orgue d'un album globalement très bon), sans pour autant me marquer comme les groupes sus-nommés avaient su le faire. Batushka est donc un peu pour moi leur petit frère, un énième groupe de Black Atmo aux délires ritualistiques, bien que sympathique... Sauf que quelques mois plus tard, Batushka s'arrache, et ça va jusqu'à placer le groupe après Mgła et Inquisition au Throne Fest. J'ai beau réfléchir, je n'ai jamais vu le moindre groupe prendre autant d'importance au sein d'une scène en si peu de temps, et cela m'étonne d'autant plus que pour moi le groupe n'apporte (à mon sens) rien de totalement nouveau. C'est donc ce point que j'aimerais qu'on m'explique.

Sinon, pour en revenir au concert en lui-même, j'ai été déçu. L'absence de son pour les choeurs est un gâchis total, les parties atmosphériques sont noyées dans un brouhaha, et les parties plus énervées ne le sont pas tant que ça. Enfin, je parlais précédemment de Batushka comme un petit frère d'autres groupes, mais là, la prestation m'a plutôt fait penser à une bande d'étudiants ayant bien étudié l'occultisme pour les nuls, et jouant une pièce de théâtre sans y mettre la moindre volonté. Il ne manquait que les didascalies :

- Bonhomme encapuchonné 1 (levant le bras lentement avec une bougie) : "OoOoOooooooo"
- Bonhomme encapuchonné 2 (immobile, répondant au premier) : "OoOoOooooooo"

Bon, je caricature complètement, mais pour moi (et vous ne serez probablement pas tous d'accord avec moi), ce concert manquait du plus important : une âme.


Nostalmaniac : Dois-je enfoncer le clou ? Une déception attendue pour ma part. Sans les choeurs (pourtant trois choristes étaient sur scène), leur Black Metal paraît bien fade et le fait de pouvoir jouer aussi aussi tard assez malhonnête (Secrets of the Moon aurait été plus judicieux par exemple à mon sens). Je n'ai ressenti aucune émotion, alors que l'album m'avait beaucoup plu malgré tout ce qu'on peut dire sur le "business" autour (après faut pas déconner, Witching Hour Productions c'est pas Nuclear Blast qui tente de refourguer un énième groupe vintage rock). Ca marche, tant mieux pour eux. Mais jusqu'à quand ?
 

Romain : Meilleur concert du festival ! Tout d’abord, le son était tout bonnement excellent et mettait bien en avant le Black Metal de Batushka. Après j’ai pas trop compris pourquoi ils avaient mis des micros devant les figurants du côté gauche de la scène si c’était pour qu’ils ne chantent pas. Ou pour ne pas allumer les micros, je sais pas trop. En tout cas malgré leurs imposants costumes, tous les musiciens avaient une grosse patate sur scène, headbanguant, courant à droite à gauche et… Bon ok j’arrête.

Les collègues ont tout dit, ça aurait pu être bien, le son a tout gâché. Et c’était dans tous les cas un poil trop statique. Parce que oui, tu peux te la jouer délire capuche religieux mais bouger un minimum. Sans rire, même Sunn O))) ont l’air épileptiques à côté…

Et c’est ainsi que s’achève pour moi ce dépucelage de Motocultor. Je m’arrête juste quelques petites dizaines de minutes devant Ministry, et je retourne vers le camping pour la traditionnelle fiesta du dernier soir de festival. Je ne vais pas paraphraser ce que j’ai déjà dit en introduction de ce report par rapport à mon avis sur le festival mais vais résumer brièvement : c’était mortel. Une excellente programmation, une bonne qualité de son en général (à part pour beaucoup de concerts de la Supositor Stage, mais je ne vais pas revenir dessus), une ambiance globale très plaisante… Bref, j’espère de tout cœur qu’il existera une dixième édition l’an prochain. Si c’est le cas, le rendez-vous est pris.





 

Ministry
Dave Mustage
00h15 > 01h15

S.A.D.E : La dernière, cette fois c’est pour de vrai, Al a même déjà lancé la suite de Ministry. Migration depuis la Supositor pour la Dave Mustage, aménagée avec un bel écran géant en fond de scène, le fameux micro d’Al en premier plan, tout est prêt pour accueillir les vétérans de l’indus.

Ministry commence sur les chapeaux de roue avec un bon Punch In The Face bien nerveux, qui défrise comme il faut, avec, en habillage visuel, une espèce de Zap de Spion où des gens se foutent allègrement sur la gueule. Dès ce premier morceau, Ministry électrise la foule, les premiers nuages de poussière s’élèvent, trois minutes et tout le monde est déjà conquis. Sur scène Al a l’air bien en forme, chose qui n’est pas toujours gagnée d’avance avec le bonhomme, mais ce soir le légendaire frontman a la pêche et ça fait plaisir à voir.

Tournée d’adieu oblige, c’est un pur best-of que nous propose le groupe : PemaWar continue de faire danser le pit, Rio Grande Blood renforce encore la tension, bref Ministry défonce tout dans la bonne humeur. Sur l’écran défilent les cibles habituelles du groupe, politiciens américains (Bush, Trump, Clinton pour les plus présents), société de consommation et armées de tous les pays.

Sur quelques morceaux, Al tiendra une gratte dont je n’ai toujours pas trouvé la réelle utilité, balançant un accord par-ci par-là, mais bon, peu importe, le set continue sur sa lancée. Un des grands moments du concert sera Just One Fix, titre le plus cru et le plus terriblement réaliste sur l’héroïne, habillé d’images extraites de Trainspotting et du bon vieux Bill Burroughs lisant ses textes ou nous saluant en levant son chapeau. Prenant, glaçant et jouissif à la fois. Et que dire du final ? Thieves, bordel de merde, Thieves et son tempo de folie, son ambiance de fin du monde, Thieves qui n’a duré que trente ou quarante secondes, pas possible, c’est allé trop vite. Même pas eu le temps de voir ce qu’il y avait sur l’écran ! Et puis ce sont les adieux, écran noir, fin du set, fin de fest, retour à la réalité.

Ministry a donné un pur concert fait de sueur et de colère, de rage et de folie, une des plus belles manières de terminer un festival. Trop court, mais trop bon.


Dolorès : Mon moi adolescent a toujours rêvé de voir Ministry en live, même si j’avais calqué mon idée de leurs concerts sur celle des très vieux live en cage où tout semble permis. A vrai dire je ne m’attendais pas à être secouée comme ça, même avec un show plutôt basique pour un groupe comme celui-ci. Je ne pensais pas que les vétérans reprenaient leurs vieux titres sur scène, ou qu’ils étaient encore à ce point en forme et convaincus par ce qu’ils font. C’est un véritable show explosif qui clôture le festival, avec une heure de martèlements et de riffs froids, secs et haineux. Bon, évidemment ils ne jouent plus leurs débuts new wave, malheureusement pour moi, même s’il faut avouer que ça n’aurait eu rien à faire dans cette setlist.

Ministry préfère nous envoyer tout ce qu’il a de plus efficace, avec autant de tubes que de titres créés pour retourner des cervicales. « Rio Grande Blood » évidemment, mais aussi « N.W.O. », « Lies Lies Lies » que je ne m’attendais pas à entendre, « Just One Fix », « Punch In The Face »… N’oublions pas « Thieves », avec sa structure et son ambiance apocalyptique à retourner un cerveau déjà bien fatigué en fin de weekend.

Du fond de la tente, on voit quand même leur écran géant, montrant toujours ces images saccadées, ternes, dérangeantes à différents degrés. Le concert donnera un ensemble cohérent, convaincant et absorbant les dernières forces des festivaliers qui entrent presque tous en transe à l’écoute des maîtres de Ministry.


 

Nostalmaniac : En conclusion, je repars de Bretagne heureux d'avoir découvert ce festival. Ni trop grand, ni trop petit avec une programmation particulièrement intéressante et éclectique (même s'il manque un peu de Heavy ou de Power mais ce sera toujours difficile de satisfaire tout le monde) mais dans l'ensemble je salue le travail qui a été fait à cet égard. Un festival qui a pris soin d'écouter certaines critiques récurrentes et qui a rectifié le tir sur de nombreux points.

J'ai pu assister dimanche matin à la conférence de presse où on a appris que la barre des 20 000 festivaliers a été atteinte mais qu'il reste un déficit. Il n'est pas certain qu'il y aura une édition 2017 (une décision devant se prendre avant la fin de l'année) mais il y aura bel et bien d'autres éditions. Le festival recherche activement des partenaires privés. Un avenir qui s'inscrit donc en pointillé mais on souhaite à ce festival de perdurer et nous remercions chaleureusement l'organisation pour leur confiance. Bravo aux nombreux bénévoles et à Atlantique Budo Sécurité pour leur travail si important.
 

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Crédits :
Textes par l'équipe Horns Up.
Photos par Dolorès, équipe Horns Up.

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